- Source : Ifri
En 2018, les États-Unis ont imposé à plusieurs reprises de nouveaux droits de douane et quotas sur leurs importations (panneaux solaires, acier, aluminium, etc.), le Président Donald Trump invoquant des « menaces pour la sécurité nationale » et la défense des intérêts américains pour justifier ces mesures protectionnistes. La Chine a entre autres riposté en imposant des nouveaux droits de douane de 10% sur les importations américaines de gaz naturel liquéfié (GNL).
Dans cette étude en anglais publiée le 24 septembre par le Centre Énergie de l’Ifri, Sylvie Cornot-Gandolphe(1) et Jean-François Boittin(2) rappellent les différentes mesures protectionnistes mises en place par Donald Trump affectant les relations commerciales avec la Chine. Ils s’interrogent sur les impacts en matière d’énergie de la « guerre commerciale » initiée par le Président américain et des risques pour les États-Unis et la Chine, et plus globalement pour l’économie mondiale.
Jusqu’ici, « les tensions commerciales ont eu un impact limité sur les marchés énergétiques », constatent les deux auteurs (Pékin a jusqu'ici renoncé à imposer des taxes supplémentaires sur les importations de pétrole brut depuis les États-Unis). Toutefois, ils soulignent entre autres des conséquences indirectes des droits de douane mis en place sur des produits non énergétiques.
Les nouveaux droits de douane pesant sur les importations d’acier(3) affectent par exemple fortement les constructeurs d’oléoducs outre-Atlantique, sachant que 77% de l’acier utilisé ces dernières années pour construire ces canalisations aux États-Unis était importé. Le renchérissement des oléoducs ralentit le développement des exportations américaines depuis le Bassin permien, d’où provient une part croissante de la production d’hydrocarbures non conventionnels de ce pays.
Les oléoducs constituent ainsi « un parfait exemple de la contradiction entre la politique commerciale America First et l’objectif d’Energy Dominance » selon les auteurs, les bénéfices tirés par les producteurs américains d’acier (grâce aux taxes dont pâtissent les producteurs étrangers) étant bien inférieurs aux coûts supplémentaires supportés par l’industrie pétrolière et gazière aux États-Unis(4).
Les taxes imposées par Pékin sur les importations de GNL américain, en réaction aux mesures protectionnistes des États-Unis, menacent par ailleurs de « retarder, voire de mettre fin » à certains projets de terminaux de GNL outre-Atlantique (Delfin LNG, Texas LNG, etc.) ayant intégré dans leurs prévisions d'importantes exportations vers la Chine. L’empire du Milieu disposerait pour sa part de nombreuses sources alternatives d’approvisionnement gazier (Qatar, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Australie mais aussi Russie via gazoducs) s’il devait se priver du GNL américain.
Plus globalement, la politique commerciale de l’administration Trump (et les risques de revirement pouvant s’exprimer sous la forme d’un tweet) « pose la question fondamentale de la fiabilité des engagements » américains selon Sylvie Cornot-Gandolphe et Jean-François Boittin qui rappellent l’importance de la confiance dans les échanges commerciaux, et en particulier dans le domaine de l’énergie.
Sources / Notes
- Consultante indépendante sur l’énergie et les matières premières, Sylvie Cornot-Gandolphe est entre autres chercheuse associée à l’Ifri depuis 2012.
- Spécialiste de la politique économique américaine, Jean-François Boittin est chercheur associé au Centre Énergie de l’Ifri depuis juillet 2017.
- Droits de douane de 25% imposés en mars 2018.
- La procédure pour obtenir une exemption sur les taxes pesant sur l’acier est chronophage et « pesante » selon les auteurs.