GNL-Montoir-de-Bretagne

Terminal méthanier GNL de Montoir-de-Bretagne (©Elengy-André Bocquel)

De nombreux pays dans le monde - dont la France - ont recours aux navires méthaniers pour pourvoir à leur approvisionnement en gaz. Les navires transporteurs de gaz naturel liquéfié (ou GNL, soit du gaz naturel sous forme liquide), accueillent et déchargent le fret de gaz dans des terminaux méthaniers. Ces installations portuaires sont spécialement équipées pour la réception et le stockage du GNL, ainsi que son acheminement vers les points de consommation.

Ces lieux de réception et d’expédition du gaz occupent une place stratégique sur le marché du gaz mondial actuel. De nombreux pays peuvent ainsi diversifier leur source d’approvisionnement et éviter une dépendance énergétique envers un seul producteur. En 2023, la voie maritime est le mode de transport du gaz naturel privilégié dans le monde. On compte 48 pays importateurs de GNL (contre 42 en 2019) : 65 % de la demande provient d’Asie (dont la Chine pour 17 % des importations mondiales) et 30 % des importations de GNL sont acheminés vers les terminaux méthaniers d’Europe. En 2023, les flux mondiaux de GNL s’élevaient à 562 milliards de m3 contre 544 milliards de m3 enregistrés en 2021. En comparaison, les importations totales par gazoducs étaient de 169 milliards de m3, soit une baisse de 22 % par rapport à 2022 (216 milliards de m3).

On compte 4 terminaux méthaniers en France (2 à Fos-sur-Mer, 1 à Montoir-de-Bretagne et 1 à Dunkerque) et plusieurs dizaines en Europe répartis principalement entre l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas et le Royaume-Uni.

Principe d’un port ou terminal méthanier

Les ports méthaniers jouent un rôle central dans la transformation du gaz naturel en sa forme liquéfiée, ainsi que dans la chaîne de transport et d’acheminement du gaz.

Principe du GNL

Le gaz naturel liquéfié est du gaz naturel transformé de l’état gazeux à l’état liquide. Après extraction dans un site de gisement, on utilise une technique de cryogénisation dans laquelle l’énergie fossile passe par une phase de condensation puis de liquéfaction à partir d’un niveau de refroidissement de -160°C. La liquéfaction du gaz est effectuée dans une usine de traitement, en général à l’intérieur du terminal méthanier, avant expédition vers les pays consommateurs. L’usine de liquéfaction est reliée directement aux gazoducs et ainsi alimentée en gaz naturel pour qu’il soit transformé en GNL.

À noter que le terme « méthanier » est employé en référence au GNL qui est pratiquement du méthane pur à 95 %, débarrassé de l’oxygène et du dioxyde de carbone et d’actifs soufrés qui le composent. Après tout ce processus de transformation, on obtient ainsi un liquide incolore, inodore, pratiquement non polluant et non toxique.

Une fois transformé, le GNL est transféré sur les gigantesques navires méthaniers (GNL tankers) et placé dans des cuves de stockage isolées qui permettent un maintien de température en dessous de -162°C.

Sous forme liquéfiée, le gaz naturel occupe un volume 600 fois inférieur dans une cuve de stockage que son équivalent à l’état gazeux. En cela, le volume réduit de gaz sous forme de GNL constitue un atout dans le choix du mode de transport du gaz dans le monde.

Rôle du port méthanier

Le transport du GNL à travers le monde est loin d’être une étape anodine et nécessite des infrastructures complexes et dédiées pour un acheminement à bon port. Pour commencer, les navires méthaniers sont des navires spéciaux d’une taille très imposante. Ainsi le méthanier le plus important au monde est le navire de type Q-Max avec une longueur de 345 m et une largeur de 54 m, et qui peut transporter 267 000 m3 de gaz naturel liquéfié (GNL).

De ce fait, l’amarrage de ces navires sur les côtes maritimes ne peut pas s’effectuer sur des installations portuaires lambda. Les terminaux méthaniers disposent de toutes les centrales et infrastructures pour gérer à la fois la réception et le stockage, puis la gazéification du GNL. Consommable sous forme liquide en tant que carburant pour le transport maritime ou routier, le GNL est le plus fréquemment regazéifié puis injecté sur le réseau de distribution.

En parallèle, les terminaux méthaniers assurent aussi des missions de transbordement du GNL pour transférer le chargement d’un méthanier vers un autre. Le relais de GNL entre deux méthaniers est une opération consistant soit :

  • à diviser une cargaison en deux pour des terminaux différents ;
  • à transférer la totalité du chargement vers un méthanier en relais lorsqu’un des navires ne peut pas livrer au terminal méthanier final.

Le gaz liquéfié emprunte les canalisations cryogéniques du terminal pour être acheminé vers un autre sans utiliser les cuves de stockage.

Notons que les ports méthaniers sont des sites classés SEVESO conformes à une gestion des risques majeurs (toxicité, explosion, incendie) liés à la manipulation du gaz.

Remarque : le coût de construction d’un port méthanier peut très vite atteindre des budgets élevés. En France, le terminal de Dunkerque aurait coûté près d’1 milliard d’euros pour une durée de chantier de 5 ans (2011-2016).

Avantages par rapport aux gazoducs

Sécurité d’approvisionnement en énergie

L’utilisation de navires et de terminaux méthaniers offre une solution d’acheminement plus sécurisée et flexible que les gazoducs terrestres, qui sont des réseaux de transport assurant une liaison fixe entre les pays producteurs et les pays consommateurs. Ces derniers s’exposent à une dépendance énergétique, voire à des défauts d’approvisionnement selon le contexte économique et géopolitique. Le conflit d’approvisionnement entre l’Ukraine et la Russie en 2015, suivi de la crise énergétique en Europe en 2022 déclenchée par la guerre entre les deux pays en sont d'illustres exemples.

Ainsi, les échanges de GNL permettent de s’affranchir des limites géographiques imposées par les frontières. Contrairement aux gazoducs, les méthaniers avec leur cuves de plusieurs millions de m3 cumulés sillonnent les mers en évitant les zones de conflit, ce qui permet de sécuriser les approvisionnements en gaz. La voie maritime, malgré certains risques de piraterie, offre toutefois l’avantage de créer de multiples liaisons contrairement aux tracés figés des gazoducs terrestres.

Enfin, les terminaux méthaniers peuvent faire office de relais pour les pays sans façade maritime. Le pays importateur de GNL peut ensuite acheminer le gaz vers des pays partenaires via les interconnexions transfrontalières.

Ouverture à la concurrence

D’autre part, les ports méthaniers peuvent accueillir des navires de différents pays exportateurs de GNL. Il y a ainsi plus d’une seule source d’approvisionnement envisageable. Cette flexibilité d’approvisionnement constitue un atout économique dans la négociation tarifaire du gaz entre plusieurs pays producteurs concurrents.

On compte ainsi plus de 20 pays exportateurs de GNL en 2023. Parmi le peloton de tête, on compte les États-Unis avec 21 % des exportations de GNL mondiales (soit 84,5 millions de tonnes), suivi de l'Australie (19,8 % soit 79,6 % Mt), le Qatar (19,5 % soit 78,2 Mt), la Russie (7,8% soit 31,4 Mt) et la Malaisie (6,7% soit 26,8 Mt).

La régulation de l’accès d’un terminal méthanier est confiée à un gestionnaire qui garantit une utilisation juste et non discriminatoire à des tiers concurrents. Ainsi, les terminaux méthaniers français sont gérés par Elengy, filiale d’Engie, et par les tarifs ATTM (Accès des tiers aux terminaux méthaniers) contrôlés par la CRE (Commission de régulation de l’énergie).

Fonctionnement

Transport et stockage

Reliés aux gazoducs par différents réseaux de canalisations, les terminaux méthaniers procèdent à la liquéfaction du gaz puis à son transfert sur les navires. À fin 2023, la capacité mondiale de liquéfaction du gaz en GNL atteignait près de 1 143 millions de tonnes par an (MTPA).

Après avoir sillonné de grandes distances, le méthanier procède ensuite au déchargement de sa cargaison sur le port. Une unité de terminal équipée de bras robotisés récupère le chargement pour l’envoyer dans les cuves de stockage de GNL annexés au terminal. Ces cuves cylindriques verticales sont installées hors sol (stockage aérien). Elles possèdent une double isolation thermique pour conserver le gaz à l’état liquide.

Le stockage du GNL dans les terminaux méthaniers est d’une grande capacité (entre 65 000 et 267 000 m3), ce qui permet de pallier les ruptures d’envoi de GNL des fournisseurs en assurant une continuité d’approvisionnement sur les sites de consommation.

Selon les estimations de l’Institute for Energy Economics and Financial Analysis (IEEFA), les capacités d’importations des terminaux de GNL étaient de 270 milliards de m3 (Gm3) par an à fin 2022 et pourraient atteindre 400 Gm3 en 2030. Les flux mondiaux de GNL vers et au départ des terminaux méthaniers étaient de l’ordre de 401 millions de tonnes en 2023.

Regazéification

Les ports méthaniers servent également de point d’injection du gaz dans le réseau de distribution du pays consommateur. Avant cette étape intervient la phase de regazéification du GNL, soit le processus inverse pour passer de l’état liquide à l’état gazeux. Cette opération peut durer environ 20 heures.

Le GNL stocké dans les cuves est transféré vers les unités de regazéification du terminal méthanier : il monte en pression atmosphérique (entre 60 et 100 bars), puis sa température est augmentée pour passer de -160°C à plus de 0°C.

Acheminement du GNL dans le réseau

Enfin la dernière étape d’odorisation où le gaz naturel prend son odeur particulière, avant d’être acheminé vers le réseau de distribution. Le terminal peut également servir de point de chargement de camions citernes.

Le volume de GNL injecté sur le réseau de distribution de gaz est étroitement lié aux besoins énergétiques saisonniers des consommateurs.

Terminal méthanier flottant : quelles spécificités ?

Par nature, l’installation d’un terminal méthanier est réalisée sur une côte maritime. Les pays en manque de place sur terre ont toutefois la possibilité de recourir aux terminaux méthaniers flottants. Ces installations mobiles sont des navires méthaniers équipés de toutes les infrastructures nécessaires au stockage et à la gazéification du gaz.

Les unités flottantes ou navire FSRU (Floating Storage and Regasification Unit) reçoivent directement un stock de GNL par des navires méthaniers de passage et qui déchargent leur livraison à son bord. Enfin, pour assurer sa liaison au réseau de distribution sur le continent, le méthanier flottant est raccordé à des canalisations sous-marines pour desservir les points de consommation.

Un méthanier flottant possède une souplesse d’utilisation importante en venant pallier de manière temporaire et réversible les points de rupture d’approvisionnement en gaz. En mars 2022, seuls 48 terminaux méthaniers flottants étaient en circulation dans le monde. Plus rapides et moins chères à construire que la version terrestre, les unités flottantes souffrent pourtant d’un manque de disponibilité dans les projets de construction. Ceux-ci sont en effet sous-tendus à la contraction de contrats d’affrètement sur le long terme entre un pays consommateur et un producteur de GNL sur plusieurs années. La FSRU est ainsi sûr de remplir ses cuves de stockage pendant une certaine période.

En France, le terminal méthanier flottant Cape Ann amarré au Havre Cape Ann est le premier du genre construit par TotalEnergies mis en service en septembre 2023. D’une longueur de 280 mètres et d’une capacité de stockage de 142 500 m³, le FSRU français est conçu pour répondre aux pics de consommation en cas de défaut de gaz terrestre couvert par les 4 terminaux méthaniers existants. A priori, il pourrait couvrir jusqu’à 10 % de la consommation annuelle de gaz de la France. De son côté, GRTgaz a assuré la construction d’une canalisation de 3,5 km reliant l’unité flottante au continent.

Liste des terminaux méthaniers en France et dans le monde

On compte plusieurs dizaines de ports méthaniers autour du monde, partagés entre les pays importateurs et exportateurs de GNL.

Les États-Unis, 1er pays exportateur de gaz naturel liquéfié, ont connu une poussée de construction de ports méthaniers à partir de 2010 avec l’extraction du gaz de schiste. Le pays compte plusieurs dizaines d’unités portuaires gazières dont le Sabine LNG (4 000 millions de pieds cubes par jour) et Lake Charles (1 800 millions de pieds cubes par jour) tous deux situés en Louisiane. Depuis 2018, plusieurs centrales de liquéfaction ont vu le jour (Cameron, Corpus Christi, Cove Point, Elba Island, Freeport, etc.).

Le Qatar (QatarGas, RasGaz), l’Australie (Woodside) et les pays d’Afrique (Sonatrach en Algérie, le Nigéria, l’Égypte, l’Angola, etc.) disposent également de fortes capacités d’exportation de GNL.

En Asie, la Chine est le 1er pays importateur de GNL dont le terminal méthanier de Dapeng/Guangdong avec une capacité de 885 millions de pieds cubes par jour. La Corée du Sud et le Japon disposent de différentes unités portuaires de regazéification.

En France, on compte 4 terminaux méthaniers :

  • Loon-Plage à Dunkerque, d’une capacité de stockage de 600 000 m³ et une capacité annuelle de regazéification de 13 milliards de m³ ;
  • Montoir-de-Bretagne à Saint-Nazaire, d’une capacité de stockage de 360 000 m³ et une capacité annuelle de regazéification de 10 milliards de m³ ;
  • Fos-Cavaou à Fos-sur-Mer, d’une capacité de stockage de 330 000 m³ et une capacité annuelle de regazéification de 8,5 milliards de m³ ;
  • Fos-Tonkin à Fos-sur-Mer, d’une capacité de stockage de 80 000 m³ et une capacité annuelle de regazéification de 5,5 milliards de m³.

L’avenir des terminaux méthaniers face à la demande

Depuis la guerre en Ukraine, les pays européens ont massivement développé des projets de construction de ports méthaniers pour faire face à la coupure du gaz russe.

À fin 2021, les capacités d’importation de GNL en Europe se situaient autour de 20,2 milliards de pieds cubes par jour. Pour faire face à la crise énergétique, l’Europe a augmenté ses capacités de 58,5 milliards de mètres cubes (bcm) dont 50 milliards pour l’Union européenne.

Toutefois, on note depuis début 2024 une chute des importations de GNL : -58 % pour l’Angleterre, -27 % pour la Turquie, -23 % pour l’Espagne. Les importations de gaz de la France sont restées stables.

Au niveau mondial, tous les compteurs sont à la baisse : les exportations américaines ont chuté de -15 %, -43 % pour le Nigéria et -30 % pour le Qatar. En cause, plusieurs facteurs comme :

  • la reprise progressive des importations de gaz russe (+11 %), de la Norvège (+19 %) et de l’Algérie (+9 %) ;
  • la baisse globale de la consommation de gaz du fait de l’inflation.

Selon l’IEEFA, « le développement des capacités de GNL en Europe dépasse les prévisions de consommation ». Cette prévision va-t-elle sonner le glas des terminaux méthaniers ? Depuis 2023, les taux d’utilisation des terminaux méthaniers ont baissé progressivement pour atteindre en moyenne 58 % (contre près de 95 % au moment le plus fort de la crise énergétique 2021-2022).

Pour 2030, les prévisions d’importations de GNL européen pourraient atteindre 150 milliards de m³ (Gm³) alors que les capacités cumulées seraient de 400 Gm³, soit un « écart de 256 milliards de m³ de capacités inutilisées ».

« La baisse de la demande de gaz remet en cause le discours selon lequel l’Europe a besoin de davantage d'infrastructures de GNL pour atteindre ses objectifs en matière de sécurité énergétique. Les données montrent que ce n’est pas le cas », conclut Ana Maria Jaller-Makarewicz, analyste au sein de l'IEEFA.

dernière modification le 25 décembre 2024

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