Nicolas Hulot a indiqué vouloir faire de la France un « leader mondial » de l'hydrogène. Ici, une station à Rotterdam aux Pays-Bas. (©Air Liquide)
Nicolas Hulot a présenté le 1er juin son plan de déploiement de l’hydrogène en France(1). Le ministre de la transition écologique et solidaire se dit « intimement convaincu » que ce vecteur « jouera un rôle important dans la transition énergétique ». Explications.
Le développement de l’hydrogène « couplé » à celui des filières électriques renouvelables
Le « plan de déploiement de l’hydrogène pour la transition énergétique » vise à développer les différents usages du vecteur hydrogène, Nicolas Hulot rappelant que cette « molécule permet de stocker l’électricité, d’alimenter les voitures, de recycler du CO2, de rendre les processus industriels plus propres ».
C’est en premier lieu en complément et en soutien du développement des filières électriques renouvelables que le déploiement de l’hydrogène est envisagé dans le plan. Face à la part croissante de production intermittente (éolien et solaire photovoltaïque) sur le réseau électrique, des solutions de stockage de grande ampleur sont attendues pour permettre une gestion flexible de l’équilibre entre offre et demande. Les surplus d’électricité décarbonée (fatale) sur le réseau pourraient être utilisés pour produire de l’hydrogène par électrolyse de l’eau (Power to gas, le courant électrique décompose la molécule d’eau en hydrogène et en dioxygène).
Rappelons que la production d’hydrogène repose actuellement très majoritairement sur des procédés économiques mais émetteurs de gaz à effet de serre à partir d’énergie fossiles (« vaporeformage » de gaz naturel, oxydation d’hydrocarbures, gazéification de charbon). En France, cette production compte ainsi pour environ 3% des émissions nationales de CO2 (avec une production d’un million de tonnes par an, principalement destinée à des usages industriels).
Le « power to gas » est ainsi présenté comme « le moyen de stockage massif inter-saisonnier des énergies renouvelables électriques intermittentes le plus prometteur ». Les gestionnaires de réseaux RTE et Enedis sont à ce titre chargés « d’identifier la valeur des services rendus au réseau par les électrolyseurs » qui peuvent « démarrer en quelques minutes » et s’arrêter aussi rapidement, en fonction des besoins sur le réseau. Un intérêt particulier est identifié dans les zones non interconnectées, EDF SEI(2) et l’Ademe devant également préciser le potentiel du stockage électrique sous forme d’hydrogène (en vue de la révision des PPE desdites zones).
Près de 96% de la production mondiale d’hydrogène est encore issue d’énergies fossiles. (©Connaissance des Énergies, d’après Institution of Mechanical Engineers)
Un plan de 100 millions d’euros et 14 mesures
Le plan hydrogène vise à donner « l’impulsion qui va mettre en mouvement cette filière d’excellence pour démocratiser, à terme, les usages de cette énergie [ndlr : vecteur] dans notre quotidien », explique Nicolas Hulot.
Dans les transports, le plan envisage un développement de la mobilité hydrogène sur la base des flottes de véhicules professionnels, avec un objectif de 5 000 véhicules utilitaires légers et 200 véhicules lourds (bus, camions, TER, bateaux) à l’horizon 2023, avec 100 stations alimentées en hydrogène produit localement. À l’horizon 2028, la cible est de 20 000 à 50 000 véhicules utilitaires légers, 800 à 2000 véhicules lourds et de 400 à 1 000 stations. Pour rappel, l’hydrogène peut être utilisé comme carburant, directement dans des moteurs thermiques spécifiques ou dans des piles à combustible (l’hydrogène étant converti en électricité et en eau sans émissions de polluants et de CO2).
En matière de sûreté, un cadre réglementaire doit être mis en place « dès mi-2018 » pour encadrer le développement des stations-service distribuant de l’hydrogène. Le plan prévoit par ailleurs de lancer une mission parlementaire d’ici la fin du premier semestre 2018 « notamment pour estimer la place de l’hydrogène dans le rail et identifier les verrous à lever ».
L’hydrogène peut être également injecté dans les réseaux gaziers dans des proportions limitées, ou être associé par le procédé de méthanation à du CO2 pour produire du méthane de synthèse (aux propriétés similaires au gaz naturel). Le plan fixe pour objectif que 10% de l’hydrogène industriel soit décarboné en 2023 et entre 20% et 40% d’ici à 2028.
En 2019, l’Ademe se verra dotée d’une enveloppe de 100 millions d’euros pour « accompagner les premiers déploiements de ces technologies de production et de transport dans les territoires ». « Nous sommes très satisfaits que pour la première fois la France affirme une vision d'ensemble, systémique sur l'hydrogène (...) car c'est cela qui peut structurer une dynamique dans la durée », a réagi auprès de l'AFP Pierre-Etienne Franc, directeur de l'activité mondiale énergie hydrogène du géant des gaz industriels Air Liquide.
Nicolas Hulot a indiqué vouloir faire de la France un « leader mondial », alors que d'autres pays semblent avoir une longueur d'avance, à commencer par le Japon qui, s’appuyant sur l’industriel Toyota, s’est fixé pour ambition un déploiement de 200 000 véhicules hydrogène en 2025, soit près de cent fois la production de 2017 (puis 800 000 en 2030). Une étude de McKinsey sur le développement de l’hydrogène pour l’économie en France a estimé à environ 8,5 milliards d’euros le chiffre d’affaires annuel de la filière hydrogène en France à l’horizon 2030, et à 40 milliards d’euros en 2050.