Fonctionnement et phases
1) La prospection géologique en surface
Les caractéristiques géologiques des gisements pétroliers diffèrent en fonction de leur âge (de 5 à 400 millions d’années), de leur profondeur (de 1 à 10 km) et de leur thermique (la formation de l’huile se situant entre 60 et 150 °C).
Pour identifier les régions potentiellement pétrolifères, les géologues s’interrogent sur les points suivants :
- Quelle est la nature des roches ?
- Ont-elles été soumises à des conditions favorables à la création d’hydrocarbures ?
- Ces hydrocarbures ont-ils pu migrer et être piégés par des couches imperméables ?
Les géologues dressent une carte du sous-sol à partir des informations obtenues en surface par examen des affleurements et dans les airs par photogéologie(1). Lorsqu’une zone favorable (prospect) est repérée par les géologues depuis la surface, c’est au tour des géophysiciens d’explorer le sous-sol.
2) La prospection géophysique en profondeur
La sismique réflexion est la méthode principale des géophysiciens pour repérer des champs de gaz ou de pétrole potentiels :
- sur terre (onshore), à partir d’un choc ou de vibrations sonores ébranlant le sol, on détecte par un réseau de géophones les échos réfléchis partiellement par les couches géologiques. On obtient ainsi une échographie 2D de la structure des couches prospectées.
Schéma de prospection géophysique sur terre (©Connaissance des Énergies)
- en mer (offshore), on produit l’onde sismique par air comprimé à haute pression et on recueille les échos sur des hydrophones flottants (flûtes), la couche d’eau étant considérée comme homogène.
Schéma de prospection géophysique offshore (©Connaissance des Énergies)
Pour passer en sismique 3D, on multiplie les flûtes et les angles de production des ondes sismiques pour permettre de construire des images du sous-sol en volume. Beaucoup plus onéreuse(2), l’imagerie sismique 3D est aussi beaucoup plus précise et permet de visualiser les volumes des gisements. En intégrant le facteur temps, on peut analyser l’évolution des gisements en cours d’exploitation en 4D.
3) Les forages d’exploration
Après la prospection, le forage est la seule méthode pour confirmer la présence d’hydrocarbures et pour définir :
- la qualité de l’effluent du puits (huile saturée de gaz? eau?) ;
- la perméabilité du réservoir ;
- la production potentielle et la quantité d’huile.
Forer consiste à percer l’écorce terrestre pour atteindre les zones pétrolifères, au-delà de deux kilomètres. Pour les gisements conventionnels terrestres, on fore généralement à la verticale mais des forages horizontaux sont pratiqués pour les gisements de grande étendue et de faible épaisseur. En mer, pour des raisons économiques, des forages orientés multiples sont effectués à partir d’une plateforme unique.
Dans un forage vertical classique, la tête de forage est un trépan doté de dents en acier très dur, parfois diamanté, mis en rotation rapide par un train de tiges creuses reliées à une tour verticale d’une trentaine de mètres de haut dans laquelle sont regroupés la table de rotation et les pompes d’aspiration et d’injection. Au fur et à mesure de la descente du trépan, on visse en surface des tiges supplémentaires. Simultanément, on procède au tubage externe du forage par des cylindres creux en acier de diamètre supérieur au trépan que l’on gaine de ciment.
Pour débarrasser en permanence le fond du forage des débris de roche arrachés par le trépan, on injecte sous haute pression dans le train de tiges en rotation une boue fluide qui traverse le trépan et remonte par le tubage externe en entraînant les débris. Cette boue est filtrée en surface, analysée et réinjectée dans le train de tiges. Au-delà de l’évacuation des débris, ce fluide équilibre la pression sur les parois du puits, lubrifie et refroidit le trépan et peut empêcher d’éventuelles éruptions.
Schéma de forages d'exploration (©Connaissance des Énergies)
La profondeur des trous de forage est habituellement comprise entre 2 000 et 4 000 m et peut atteindre 6 000 m(3). Lorsque des traces d’hydrocarbures sont détectées dans le fluide remontant en surface, on procède à un carottage avec un trépan spécial qui découpe un cylindre dans la roche. Une fois remontée, cette carotte fournit des informations clés sur la teneur en hydrocarbures de la roche traversée. Si un gisement est atteint, le forage est arrêté.
Des explosifs sont descendus pour percer le tubage et laisser le pétrole pénétrer dans le puits et remonter à la surface si la pression est forte. Une tête de puits est alors installée pour mesurer le débit et évaluer la productivité du gisement. En cas de succès, d’autres forages sont réalisés pour en confirmer le potentiel. Puis viennent les multiples études économiques pour en estimer la rentabilité avant une décision de mise en exploitation.
Définition et processus
La prospection et l'exploration gazières et/ou pétrolières visent à découvrir de nouveaux gisements de gaz naturel ou de pétrole.
Ces deux ressources fossiles résultent de la transformation des déchets organiques animaux et végétaux contenus dans les boues gorgées d’eau se sédimentant au fond des mers. Leur enfouissement progressif pendant des millions d’années les soumet à des températures (géothermie) et des pressions (gravité) croissantes.
En l’absence d’oxygène, ces matières organiques se pyrolisent en hydrocarbures au sein des roches-mères, soit sous forme d’huile (pétrole) entre 1,5 et 3 km de profondeur, soit sous forme de gaz (méthane) au-delà. Sous l’effet de la pression intense, ces hydrocarbures, de densité inférieure à l’eau, sont alors poussés à migrer hors de leur roche-mère et à remonter vers la surface au travers de couches plus perméables. Si leur remontée est bloquée par des strates imperméables (argile) formant voûtes, ils peuvent s’accumuler dans des roches perméables sous-jacentes (roches-réservoirs) en formant un gisement de pétrole et/ou de gaz naturel.
L’objectif de la prospection est de localiser un gisement. L’exploration doit en vérifier l’existence et en évaluer l’importance et la qualité grâce à des forages, dont l’emplacement est déterminé en associant géologie et géophysique.
En cas de succès, ces deux étapes en amont sont suivies par les phases d’exploitation, de transport et de commercialisation.
La prospection/exploration va jouer un rôle déterminant dans l’avenir énergétique mondial qui est aujourd’hui incertain faute d’une vision claire sur les réserves réelles dont on dispose et sur l’extractabilité des hydrocarbures de roche-mère à des prix économiquement supportables. Dans le futur, les progrès techniques devront non seulement permettre de contenir les coûts, mais également faire la preuve d’un impact environnemental acceptable.
Accroître les réserves pour soutenir l'offre
Consommation et réserves
En 2023, le pétrole et le gaz ont fourni plus de la moitié de la consommation mondiale d’énergie primaire ; le pétrole continuant d'être la source d'énergie la plus consommée, devant l'électricité. La demande continue à croître sous la pression des pays émergents et des États-Unis.
Selon les estimations les plus prudentes, les volumes actuels d'hydrocarbures stockés seraient d'environ 450 000 Mtep, tandis que les réserves terrestres sont estimées à 150 000 Mtep. Cela représente plus de 50 ans de consommation mondiale au rythme actuel.
Des technologies permettant d'extraire davantage
Or la prospection et l'exploration permettent de repousser davantage les échéances d’une « raréfaction », en forant plus profond, plus loin en mer et dans des couches géologiques jusque-là considérées comme inaccessibles, les roches-mères.La quantité d’hydrocarbures dits de « schiste » qui sont occlus dans ces roches, est notamment sans commune mesure avec la partie piégée dans les structures géologiques exceptionnelles que sont les gisements classiques.
La maîtrise des forages horizontaux et de la fracturation hydraulique de ces roches-mères donne accès à ces hydrocarbures de roche-mère, dans lesquels les Etats-Unis investissent massivement. Devant l’énormité des enjeux, Etats et industriels développent des technologies adaptées aux nouvelles conditions de forage et d’exploitation, par exemple des trépans orientables et autonomes qui s’affranchissent des trains de tiges.
L’effort pour trouver de nouvelles ressources, y compris non-conventionnelles, se traduit par l’identification de nouveaux gisements considérables (Orénoque, mer du Nord, États-Unis, etc.) qui pourraient déplacer les équilibres géopolitiques actuels.
Il est pour l'heure impossible de dire quand aura lieu le pic pétrolier.
Coût
La part consacrée à la prospection/exploration est estimée à environ 20% (en moyenne, 5% pour l’observation à la surface et 15% à l’étude des profondeurs) de ces investissements, soit près de 100 milliards de $ par an. Ce montant est considérable pour une activité à haut risque technique, dépendant fortement des cours du baril. Le risque d’échec est important.
Un forage d’exploration représente généralement 60% du budget d’exploration selon l'IFPEN. Il est évalué entre 3 et 5 millions d’euros en exploration onshore et entre 8 et 20 millions d’euros en offshore et dure en moyenne entre un et quatre mois. Certains sont très profonds et peuvent coûter jusqu’à 100 millions d’euros par puits.
Evolution des technologies
La sismique réflexion se développe pour localiser les gisements à partir des années 1930. La dynamite est alors utilisée pour créer les chocs acoustiques.
Conçues dans les années 1990, les imageries 3D et 4D accompagnent désormais les campagnes de prospection dès que la probabilité de trouver un gisement est suffisante pour justifier leur utilisation.
Depuis les années 2000, les trépans autonomes permettent d’orienter les forages obliques jusqu’à l’horizontale. On accède ainsi à des formations d’hydrocarbures peu épaisses mais s’étendant sur plusieurs milliers de mètres. On découvre alors que les gisements de pétrole communiquent souvent entre eux sur des distances considérables (mer du Nord).
Les marges symétriques
En 2007, la découverte au large du Ghana du gisement pétrolier géant de Jubilee(5) a incité la société britannique Tullow Oil à investir dans des zones de l’autre côté de l’Atlantique, notamment au large de la Guyane. Les continents sud-américain et africain étaient en effet initialement « collés », avant la dislocation de la Pangée(6) qui s’est opérée il y a près de 80 millions d’années, soit après la formation de grands gisements actuels de pétrole. Les compagnies pétrolières ont ainsi renforcé depuis une dizaine d’années leurs études des « marges symétriques », c’est-à-dire des gisements « miroirs » de part et d’autre de l’océan Atlantique.
Dans une étude publiée par le Centre Énergie de l’Ifri, Benjamin Augé(7) décrit la stratégie d’étude des marges symétriques par les géologues des sociétés pétrolières et présente les principaux projets d’exploration en cours sur les deux rives de l’Atlantique, dans des zones offshore encore mal « radiographiées » (Guyana, Suriname). Ces nouveaux projets entraînent des défis géologiques, économiques mais aussi géopolitiques.
A ce jour, la stratégie des marges symétriques a été « peu couronnée de succès » : les miroirs géologiques en Afrique des gisements pré-salifères du Brésil n’ont notamment pas fait l’objet de découverte significative. Toutefois, la découverte récente par ExxonMobil du gisement de Liza au large du Guyana (« pendant » de la zone géographique allant du Ghana au Liberia) devrait « crédibiliser à nouveau cette façon d’acquérir des permis d’exploration » selon Benjamin Augé.
L’intérêt pour des zones offshore encore méconnues par les pétroliers fait ressurgir des conflits concernant la délimitation des frontières maritimes, notamment entre le Guyana et le Venezuela ou entre la Côte d’Ivoire et le Ghana.
Les projets d’exploration dans le cadre de la stratégie des marges symétriques (notamment en Namibie, au nord du Brésil ou au Suriname et au Guyana) sont encore « loin d’avoir révélé toutes leurs promesses en termes de découvertes pétrolières » selon Benjamin Augé. Ils restent toutefois souvent conditionnés à une remontée durable des cours du brut.
Lieux et acteurs majeurs
Les industriels
Nombreux et de toutes tailles, ils peuvent être classifiés comme suit :
les majors du secteur pétrolier comme BP, Chevron, Exxon, Shell, Total ou du secteur gazier comme Gazprom ou Engie, consacrent une part importante de leurs investissements à cette phase de prospection/exploration (5 à 10% du chiffre d’affaires). L’offshore est en général leur priorité. Les acteurs principaux du « schiste » aux États-Unis sont à l'origine des nouveaux entrants tels que Chesapeake ;
les géophysiciens, les géologues, les ingénieurs et les foreurs indépendants auxquels les majors font appel pour mener à bien les travaux de prospection pétrolière et gazière. Parmi ces sociétés, quelques acteurs majeurs se démarquent :
- CGG (Compagnie Générale de Géophysique) Veritas ;
- Schlumberger ;
- Halliburton ;
- PGS (Petroleum Geo-Services) ;
- BGP ;
- Fubro.
Les États
Ils sont propriétaires des gisements d’hydrocarbures présents sur leur territoire et dans les fonds marins n’excédant pas une distance de 200 milles marins (370,4 km) au large de leurs côtes. Les compagnies chargées de l’exploration doivent obtenir auprès de ces Etats une licence d’exploration puis une licence d’exploitation.
Les zones traditionnelles d’exploration gazière sont la Russie, les États-Unis, le Canada, l’Algérie et le Royaume-Uni qui représentent à eux cinq près de 50% de la prospection et de la production mondiale de gaz.
On cherche aussi du pétrole dans les gisements offshore au large du Brésil, du Venezuela, de l'Afrique de l'est, en mer de Chine et les recherches commencent dans l’Arctique(4).
Le Moyen-Orient qui dispose d’importantes réserves de gaz et des plus importantes réserves prouvées de pétrole, privilégie pour le moment l’exploration pétrolière. Les réserves de gaz n’y sont encore que peu exploitées, le prix du pétrole étant beaucoup plus attractif.
Les Etats disposent également de leurs propres sociétés nationales comme :
- Saudi Aramco (Arabie Saoudite) ;
- NIOC (Iran) ;
- Qatar Petroleum (Qatar) ;
- PDVSA (Venezuela) ;
- Statoil (Norvège).