- Source : Ifri
Retracer l’histoire de l’électricité permet à la fois de comprendre les difficultés actuelles rencontrées par le secteur en Europe et dans le même temps d’esquisser « quelques pistes pour l’avenir » en identifiant les principaux défis à relever. Les deux auteurs, économistes responsables de la Mission prospective et relations internationales d’EDF, Jean-Pierre Bouttes(1) et François Dassa, s’attellent ici à cet exercice « historique ».
Cette étude, publiée fin novembre par le Centre Énergie de l’Ifri, retrace ainsi les débuts de l’électricité entre les années 1880 et 1920 en évoquant entre autres la part de rêve associée aux nouveaux usages qui se développaient alors. Une deuxième partie met en exergue les différents modèles électriques développés par la suite en France, en Allemagne et au Royaume-Uni. Les échecs de l’Europe de l’électricité développée à partir des années 1990 sont enfin analysés.
A ses débuts, l’électricité répondait à de multiples attentes (en matière de santé, d’hygiène, de confort, de sécurité, etc.), rappelle cette étude. Elle était identifiée au progrès, avec le développement de nouveaux usages changeant radicalement la vie des populations (téléphone, radio, etc.). Des innovations techniques majeures, en particulier pour transporter l’électricité à distance, ont alors permis de répondre aux nouvelles aspirations liées à l’électricité.
Selon la géographie, le développement industriel ou encore les ressources disponibles dans chaque pays (charbon en Allemagne, hydroélectricité en France), différents modèles d’organisation du secteur électrique sont apparus en Europe, adaptés aux spécificités nationales. En France, des interconnexions électriques ont été très tôt développés au sein du pays afin de satisfaire les besoins électriques importants de l’Île-de-France et de la vallée du Rhône à partir de ressources parfois éloignées comme le charbon du nord et de l’est. Il est également rappelé que la nationalisation du secteur électrique dans l’hexagone en 1946 a marqué « une claire césure avec le régime de propriété privée dominant jusqu’alors » (modèle qui contrastait avec le « socialisme municipal » allemand).
Dès les années 1920, une Europe « technique » de l’électricité s’est développée avec le développement d’interconnexions résultant de coopérations ad hoc entre opérateurs. Les institutions européennes ne se sont pour leur part saisies des problématiques électriques qu’à partir des années 1990 avec le droit de la concurrence et l’environnement comme double entrée, la politique énergétique relevant de la compétence des États membres.
Cette approche « top-down », n'ayant pas pris en compte la diversité des pays et manquant de cohérence, a abouti à des résultats très décevants : prix de l’électricité aux clients finaux 2 fois plus élevés qu’aux États-Unis, marché d’échange de quotas de CO2 inefficace, etc. Pour les deux auteurs, la situation actuelle fait peser « une ombre sur la capacité de l’Europe à aborder l’horizon 2030 où il faudra renouveler le parc de production électrique européen sans émettre de gaz à effet de serre, développer les réseaux pour intégrer les énergies renouvelables intermittentes et prendre le tournant numérique ».
Cette étude appelle ainsi à prêter à nouveau attention à l’articulation entre aspirations de la société et innovations techniques et institutionnelles. Pour « rêver » l’Europe électrique de demain, les deux auteurs envisagent entre autres de nombreuses options technologiques, parmi lesquelles l’éolien et le photovoltaïque mais aussi la capture et séquestration du CO2 ou encore le nucléaire de 3e et 4e générations, parallèlement à des innovations en matière de réseaux et de stockage de l’électricité (batteries, hydrogène, power to gas, etc.).
Sources / Notes
- Jean-Pierre Bouttes est chef économiste d'EDF en charge de la Mission prospective et relations internationales et a été directeur Stratégie et prospective du groupe entre 2010 et 2015.