Drapeaux européens (©Pixabay)
Ce dimanche 9 juin 2024, la France vote pour les élections européennes. Retrouvez ci-après les programmes des principales listes représentées (sur les 38 officiellement enregistrées), avec des morceaux choisis concernant l'énergie. Les informations indiquées sont exclusivement tirées des programmes officiels - plus ou moins longs ou détaillés selon les partis - et ne sont donc pas exhaustives sur le sujet.
Rassemblement National (tête de liste : Jordan Bardella)
Très en tête dans les sondages, le RN appelle dans son programme des élections européennes à « refaire de la France un paradis énergétique » (un « passé fantasmé » selon un rapport critique récent de Terra Nova). Il y juge que la Commission européenne « saccage le système électrique français qui garantit pourtant notre sécurité d’approvisionnement, une énergie décarbonée et un prix attractif », en « imposant les énergies intermittentes, souvent au détriment du nucléaire, et en obligeant à libéraliser les concessions de nos barrages hydroélectriques ».
Le RN impute également à l’Union européenne la responsabilité de la hausse des prix de l’énergie, estimant que l’UE « organise la flambée des factures énergétiques en indexant le prix français de l’électricité sur le prix européen du gaz ».
Parmi ses mesures, le RN estime pour sa part possible de « baisser de 30 à 40% la facture d’électricité en rétablissant un prix français de l’électricité ». Pour rappel, cette facture est approximativement composée pour un tiers des taxes, pour un autre tiers des coûts de réseau et pour un dernier tiers du prix de l’électricité elle-même.
Le RN souhaite également baisser la TVA « de 20 à 5,5% sur les énergies : électricité, gaz, fioul et carburants », en finançant cet effort par une baisse de « la contribution française nette (surplus) versée à l’UE ».
Le programme frontiste souligne en définitive une opposition à « toute ingérence européenne en matière de politique énergétique […] à la libéralisation des concessions de nos barrages hydroélectriques et au développement des énergies intermittentes (éoliennes) ».
Parmi les « technologies d’avenir » citées pour « protéger le mix électrique français » figurent le nucléaire « de nouvelle génération » mais aussi l’hydrogène et la géothermie.
Majorité présidentielle (tête de liste : Valérie Hayer)
La majorité présidentielle entend « faire de l’Europe le premier continent à l’électricité décarbonée avec la sortie des énergies fossiles avant 2050 grâce au nucléaire et aux énergies renouvelables ».
Une place importante est accordée à l'énergie nucléaire, que la majorité appelle à déployer « dans les pays européens volontaires par des investissements massifs. L’Europe doit la financer activement et lancer un grand projet industriel de réacteurs et de compétences. La production doit tripler d’ici 2050. Il en va de notre avenir climatique et industriel ».
Un délai de 5 ans est fixé pour le déploiement de premiers petits réacteurs nucléaires européens (SMR), « plus aisés à installer et avec moins de déchets », via la mise en œuvre du Plan Europe 2030
« Nous en finirons aussi avec l’énergie russe d’ici 2025», promet également le programme. Précisons que les États membres ont déjà réduit de moitié leurs importations de gaz russe (GNL et par pipeline) entre 2021 (150 milliards de m3) et 2022 (80 Gm3) et à nouveau quasiment de moitié en 2023 (43 Gm3) : la dépendance de l'UE au gaz russe a ainsi drastiquement chuté de 45% en 2021 à près de 15% en 2023(1).
Valérie Hayer appelle par ailleurs à étendre le Mécanisme d'Ajustement Carbone aux Frontières (taxe carbone) « à de nouveaux secteurs, comme l’automobile ».
Sa liste souhaite également « imposer un bouclier commercial européen », avec la « fin des négociations avec les pays ne respectant pas les Accords de Paris sur le climat et de Montréal sur la biodiversité ».
PS-Place publique (tête de liste : Raphaël Glucksmann)
Le programme de Raphaël Glicksmann souligne le besoin pour l'UE d'« assurer notre souveraineté énergétique ». Cette ambition passerait entre autres par l'adoption d'un « plan d’investissement européen de 200 milliards d’euros pour la bifurcation écologique, qui fera passer les énergies renouvelables à 45% minimum du bouquet énergétique de l’UE en 2030 et 75% en 2040 ».
Cette « révolution énergétique » prévoirait « le déclin rapide des énergies fossiles et le développement massif des énergies renouvelables (avec une part de nucléaire dans notre mix) ».
Plusieurs horizons sont fixés pour planifier la sortie des énergies fossiles en Europe : « tendre vers » 2030 pour le charbon, 2035 pour le gaz fossile et 2045 pour le pétrole, « par des politiques publiques et des investissements dans la sobriété, l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables(2) et en conservant une part de nucléaire comme une énergie de transition dans notre mix énergétique ». Il est prévu de mettre fin à « tout nouveau projet d’infrastructure fossile (par exemple, les terminaux d’importation de gaz naturel liquéfié (GNL), notamment en interdisant leur financement par des fonds publics et en éliminant les subventions aux énergies fossiles ».
Le programme appelle également à l'adoption d'un objectif contraignant en matière de sobriété énergétique et d'efficacité énergétique : diviser par deux la demande énergétique de l’UE d’ici 2040, par rapport au pic de consommation de 2006.
Un investissement massif dans le réseau électrique et les solutions de stockage (900 milliards d'euros d'investissements publics et privés au cours de la prochaine décennie) est prôné pour accompagner l'évolution du système électrique : hausse de la production renouvelable intermittente, développement des voitures électriques, des pompes à chaleur, etc.
Pour faire baisser les factures d'énergie, une réforme de la fiscalité sur l’électricité est défendue « pour stopper les augmentations de taxes sur l’électricité et garantir que l’électricité décarbonée soit toujours moins taxée que les énergies fossiles »(3). Un système de tarification progressive « où les premiers kWh d’électricité consommée coûtent moins cher » est également prévu.
Pour renforcer les sanctions contre la Russie, « dont le budget d’Etat continue d’être alimenté par nos importations européennes, notamment énergétiques », ce programme appelle entre autres à imposer un embargo sur le GNL, l’uranium et les engrais.
La France insoumise - Union populaire (Manon Aubry)
Parmi les grandes mesures prônées par LFI figure la sortie du marché européen de l'électricité. Il est envisagé de privilégier « un service public national de l’électricité hors du marché tout en maintenant les interconnexions au niveau européen afin de garantir la solidarité entre États membres et ainsi assurer la sécurité d’approvisionnement sans passer par le marché ».
Le programme de LFI défend aussi une sortie du marché carbone, actant sa « défaillance » afin d' « instaurer une véritable planification de la réduction des émissions des secteurs énergétiques et industriels, par le biais d’objectifs sectoriels contraignants et d’un objectif de réduction des émissions pour la période 2021-2030 conforme au respect de l’Accord de Paris, notamment en appliquant le principe pollueur-payeur pour les entreprises ».
LFI souhaite « planifier la sortie du nucléaire et des énergies carbonées et s’orienter vers un mix énergétique 100% renouvelable à horizon 2050 ». En interdisant toute nouvelle exploitation d’énergies fossiles dans l’Union européenne.
Comme Europe Écologie, cette liste plaide pour la négociation d'un traité international de non-prolifération des énergies fossiles et pour une sortie du nucléaire et du gaz de la taxonomie verte européenne.
Au sujet de l'hydroélectricité, cette liste souhaite « revenir à une exploitation 100% publique des barrages, mettant fin à certaines rentes privées et au risque de prise de contrôle privé et étranger » et combattre la Commission européenne à ce sujet.
Le programme de LFI appelle également à assurer « la mise en œuvre de la sortie coordonnée de l’Union européenne et de la France du traité sur la charte de l’énergie » (votée récemment au Parlement européen) et « refuser de payer les compensations qui pourraient être exigées par les grandes entreprises fossiles ».
Les Républicains (tête de liste : François-Xavier Bellamy)
La défense du nucléaire est un élément central du programme des Républicain (il y est fait mention à 20 reprises)(4) : « toutes les études scientifiques sérieuses montrent [...] que nous ne pourrons pas nous passer de l’énergie nucléaire pour atteindre la neutralité carbone en 2050. La France doit donc obtenir que l’effort européen d’investissement pour la décarbonation (notamment à travers le plan de relance européen) soutienne prioritairement le développement de la filière nucléaire dans toute l’Europe ».
Selon le programme de François-Xavier Bellamy, l'UE doit concrètement « explicitement autoriser les aides d’État » dans les « secteurs stratégiques » comme la production nucléaire « qui nécessitera un soutien massif de la puissance publique dans les décennies à venir »(5).
Chaque État membre « doit être libre de déterminer son mix énergétique et la part d’énergies renouvelables qu’il souhaite tant que sa production énergétique est décarbonée ». Jugeant que ce développement des filières à production intermittente doit être « adapté à la spécificité de chaque territoire », le programme cible à plusieurs reprises l'éolien, et dans une moindre mesure le solaire : « Nous refusons de dénaturer nos paysages avec l’implantation déraisonnée d’éoliennes ou de sacrifier des terres agricoles par l’installation non maîtrisée de panneaux photovoltaïques ».
Les Républicains appellent également à soutenir au niveau européen la filière hydrogène et considère le captage et le stockage du CO2 comme un « complément à l’énergie nucléaire, aux énergies renouvelables, à la sobriété et à l’amélioration des rendements énergétiques » (aux côtés d'un soutien à la recherche : hydrolien, fusion nucléaire, biogaz, hydrogène, etc.).
Le programme des Républicains plaide pour une fermeture « le plus rapidement possible » des 10 centrales à charbon les plus polluantes d'Europe (13% à elles seules des émissions totales de gaz à effet de serre de l'UE), en faisant payer une taxe aux États membres où ces centrales à charbon sont installées.
Le programme contient également des recommandations au niveau français, notamment réduire la taxe intérieure de consommation finale sur l’électricité (TIFCE) et le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) qui pèsent sur le prix de l’électricité « de façon à rendre près de 10 milliards d’euros aux Français ». Il appelle également à « revenir sur la loi Climat et résilience et sur la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments (DPEB) qui accentuent la crise du logement »(6).
Europe Écologie (tête de liste : Marie Toussaint)
Europe Écologie place sans surprise au cœur de son programme la sortie des énergies fossiles, présentée comme « une double urgence : écologique et géopolitique ». Elle appelle l'UE à « adopter et porter un traité mondial de non-prolifération des énergies fossiles »(7) (à l'image du traité de non-prolifération nucléaire adoptée entre 1965 et 1968).
En entraînant tous les acteurs économiques dans cette voie, dont la Banque centrale européenne (BCE), appelée à sortir « d’urgence des financements directs ou collatéraux des énergies fossiles, et mettre en place un fonds de défaisance des actifs échoués afin d’éviter une nouvelle crise bancaire liée au dérèglement climatique ».
Europe Écologie plaide concrètement pour une sortie du charbon en 2030 en Europe et du gaz en 2035 avec « l'arrêt immédiat de tout nouveau projet fossile en Europe ».
Pour ce faire, Europe Écologie plaide pour la mise en place d'un fonds de souveraineté écologie, adossée à la BEI,« pour que l’Europe devienne actionnaire majoritaire des entreprises pétro-gazières et puisse réorienter l’intégralité de leur stratégie vers le respect de l’Accord de Paris pour le climat. Ce fonds sera doté de 100 milliards d’euros, soit un peu moins que ce que l’Europe a accordé aux entreprises fossiles en 2022 ».
Pour respecter les objectifs de l'Accord de Paris, Europe Écologie indique que l'UE doit « viser une réduction de ses émissions de gaz à effet de serre de 70% en 2030, et atteindre le 100% renouvelables dès 2040 », en agissant en parallèle sur la sobriété énergétique.
Europe Écologie écarte le nucléaire - « pas susceptible de répondre à cette urgence » - de cette équation et appelle à sortir cette énergie de la taxonomie verte (tout comme le gaz).
Le programme de Marie Toussaint réaffirme également le besoin d'une tarification sociale et progressive, notamment pour l'énergie (avec des « premières consommations gratuites »).