Le catamaran Energy Observer mesure 30,5 m de long. (©Energy Observer-Jérémy Bidon)
Le catamaran « Energy Observer » fait route vers Paris où il effectuera une escale jusqu'au 16 juillet pour le lancement officiel de son « Odyssée pour le futur ». Cet ambassadeur flottant de la transition énergétique remonte actuellement la Seine, en testant ses différentes technologies embarquées.
Un catamaran misant sur la complémentarité renouvelables/hydrogène
Ancien voilier de course ayant notamment remporté le trophée Jules Verne en 1994, le catamaran « Energy Observer » a été reconditionné à Saint-Malo pour se reconvertir en « smart grid flottant ». Ce navire va effectuer un tour du monde pendant 6 ans grâce à une propulsion n’émettant pas de gaz à effet de serre.
Cette propulsion repose d’abord sur l’électricité(1) produite par des unités de production renouvelables intégrées au navire : 130 m2 de panneaux photovoltaïques d’une puissance installée totale de 21 kWc (« kilowatts crête ») et deux éoliennes à axe verticale de 1 kW de puissance unitaire. Pour pallier leur production intermittente, « Energy Observer » est équipé de batteries lithium-ion pouvant stocker jusqu’à 106 kWh d’électricité (10 h à 12 h d’autonomie pour le navire) mais surtout d’un système de stockage sous forme d'hydrogène.
L’hydrogène sera généré par électrolyse de l’eau (décomposition des molécules d’eau en oxygène et dihydrogène) grâce aux surplus d’électricité produits par les panneaux photovoltaïques. Il pourra ensuite être stocké sous forme comprimé (à 350 bars) au sein de 8 réservoirs (322 litres au total). Une pile à combustible permettra de restituer de l’électricité à partir de cet hydrogène en fonction des besoins.
Précisons qu’un kite « intelligent » pourra également tracter « Energy Observer » durant son tour du monde, lorsque le vent le permettra. Les moteurs électriques pourront alors fonctionner en mode « hydrogénérateurs(2) » et apporter un complément de production.
La remontée de la Seine, « les yeux rivés sur la production »
Energy Observer a quitté Saint-Malo lundi dernier et remonte actuellement la Seine(3) en direction de Paris. Les panneaux photovoltaïques ont jusqu'ici fait preuve d’un « très bon fonctionnement » et le navire a progressé à une vitesse moyenne de 8 nœuds (jusqu’à 12 nœuds)(4), indique Jérôme Delafosse, chef d’expédition d’Energy Observer. L’équipage, « les yeux rivés sur la production » des panneaux, a d’ores et déjà pu expérimenter des conditions particulièrement défavorables en quittant Saint-Malo sous un important front nuageux.
Les chercheurs du CEA associés au projet effectuent aujourd’hui les premiers tests sur la pile à combustible, qui seront poursuivis demain en conditions réelles de navigation. Chaque « brique » de la propulsion d’Energy Observer est ainsi expérimentée de manière à « se familiariser avec toutes les technologies » durant un tour de France précédant la future odyssée mondiale, explique Jérôme Delafosse.
L’explorateur, à l’enthousiasme contagieux, signale que l’équipe d’Energy Observer n’a à ce jour pas trouvé en revanche de solution décarbonée pour les annexes du navire (les moteurs électriques hors-bord présentant un mauvais rapport poids/autonomie). Energy Observer a opté pour un bateau accompagnateur à moteur thermique Suzuki très peu émissif. Un bateau en carbone particulièrement léger est par ailleurs en cours de fabrication en Grèce pour « minimiser tous les impacts » du projet Energy Observer.
A Paris, Energy Observer va accueillir du public pendant 10 jours entre le pont de l’Alma et le pont des Invalides. (©Energy Observer-Jérémy Bidon)
Un baptême en présence d’un ministre inspirateur
Lors de sa première grande escale, Energy Observer connaîtra le 6 juillet son « baptême républicain », auquel participera notamment Nicolas Hulot, parrain du projet bien avant de devenir ministre de la transition écologique et solidaire. Ce dernier a joué un « rôle très actif » dans le développement d’Energy Observer, confirme Jérôme Delafosse. « C’est lui qui a sensibilisé Victorien Erussard (capitaine d’Energy Observer) à la mobilité hydrogène » pour propulser le navire. L’ancien envoyé spécial pour la protection de la planète a également « connecté » l’équipe d’Energy Observer avec le CEA, leur permettant d’accéder aux technologies embarquées du navire.
Bertrand Piccard, qui a effectué avec André Borschberg un tour du monde à bord de son avion Solar Impulse (mars 2015-juillet 2016), sera également présent au grand lancement d’Energy Observer. Tous partagent l’envie d’ « explorer des voies optimistes pour sauver la planète », souligne Jérôme Delafosse. Par rapport à son cousin des airs qui a bénéficié d’une large couverture médiatique, Energy Observer aura l’avantage de faire escale dans les ports où il pourra accueillir de nombreuses personnes : décideurs, scientifiques et citoyens que le navire pourra « faire rêver, en donnant à chacun envie d’apporter sa pierre à l’édifice ». Près de 20 000 personnes se sont notamment déplacées à Saint-Malo lors de la semaine de présentation du navire.
A Paris, des dômes d’exposition seront montés pour présenter les technologies du bateau et sensibiliser plus largement à la transition écologique et énergétique. Cette immersion au cœur du rêve d’Energy Observer sera partagée sur internet et lors de chaque escale. Dans les prochains mois, le navire s’arrêtera notamment pour 9 jours à Boulogne à partir du 22 juillet, puis à Nantes en septembre, avant de faire halte à Bordeaux, Marseille, Toulon, Ajaccio et Monaco en fin d’année.
A l’issue de ce tour de France, Energy Observer s’engagera dans son « Odyssée pour le futur » sur les différentes mers du globe, avec près de 8 à 10 escales par an. Plusieurs personnes à bord réaliseront des documentaires afin de faire vivre l’expérience de la « Calypso des temps modernes ».