Le nouveau rapport de l’AIE contient entre autres des données détaillées sur les profils énergétiques de 11 pays africains. (©Pixabay-jozuadouglas)
L’Afrique est amenée à avoir une influence croissante dans le système énergétique mondial au cours des prochaines décennies, souligne l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dans un rapport consacré au continent publié le 8 novembre(1).
Croissance démographique et accès à l’électricité
D’ici à 2040, « une nouvelle personne sur deux sur Terre sera Africaine », souligne l'AIE : le continent devrait compter plus d’un demi-milliard d’habitants supplémentaires à cet horizon. Cette croissance démographique très forte va se traduire par une hausse très importante des besoins énergétiques dans tous les secteurs (industrie, transports, habitat).
« Avec un appétit croissant pour les sources d’énergie modernes, l’Afrique va émerger comme un acteur majeur pour les marchés pétrolier et gazier », prévoit notamment l’AIE. La demande africaine d’énergie pourrait au total augmenter deux fois plus rapidement que la moyenne mondiale au cours des deux prochaines décennies.
En 2018, l'Afrique comptait pour un cinquième de la population mondiale mais pour seulement 6% de la consommation globale d'énergie primaire et à peine plus de 3% de la consommation mondiale d'électricité. (©Connaissance des Énergies, d'après AIE)
Rappelons par ailleurs que près de 600 millions d’Africains n’avaient toujours pas accès à l’électricité en 2018 et qu’environ 900 millions d’entre eux ne disposaient pas de moyens de « cuisson propre ». Les progrès réalisés dans plusieurs pays (l’AIE cite l’Éthiopie, le Ghana, le Kenya, le Rwanda et le Sénégal) restent insuffisants face à la croissance démographique : l’AIE estime, dans son scénario tendanciel dit « Stated Policies » (sur la base des politiques annoncées), à 530 millions le nombre de personnes qui pourraient toujours être dépourvues d’accès à l’électricité à l’horizon 2030(2).
Une électrification accélérée dans le scénario Africa Case
Dans son scénario Africa Case basé sur l’Agenda 2063(3) (feuille de route conclue par les chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine en 2015), l’AIE esquisse un futur énergétique plus « soutenable » pour l’Afrique, en donnant accès à l’électricité à tous les Africains à l’horizon 2030(4) (conformément à l’Objectif de développement durable n°7 des Nations unies(5)).
L’Africa Case envisage une électrification accélérée du système énergétique africain : la consommation annuelle d’électricité du continent passerait d’environ 700 TWh en 2018 à 2 300 TWh en 2040. L’AIE estime que la hausse de production électrique pourrait largement reposer sur les énergies renouvelables, en particulier sur le solaire photovoltaïque(6) – qui deviendrait la 1re source d’électricité du continent en 2040 – et sur l’hydroélectricité.
Ce développement nécessiterait par ailleurs d’importants investissements dans les réseaux pour réduire les pertes en ligne et les coupures de courant(7). Dans l'ouvrage Électrifier l'Afrique rurale publié en octobre 2019 par Observ'ER sous la direction de la Fondation Énergies pour le Monde(8), il est également souligné que « les solutions décentralisées apparaissent nécessaires pour électrifier le milieu rural, en complément du réseau, dont l’extension, trop coûteuse pour les opérateurs, ne peut être rapidement généralisée ».
En 2018, 55% des personnes en Afrique subsaharienne n'avaient pas accès à l'électricité. Dans 13 pays africains, c'est plus de 75% de la population qui était dépourvue d'accès à l'électricité. (©Connaissance des Énergies, d'après AIE)
Une très faible responsabilité historique en matière d'émissions de gaz à effet de serre
D’ici à 2040, le scénario Africa Case envisage une hausse d'environ 50% de la consommation africaine d’énergie alors que l’économie du continent est amenée à « quadrupler à cet horizon » selon l’AIE. Freiner la croissance de la demande énergétique passera entre autres par d’importants efforts en matière d’efficacité énergétique (normes pour les carburants dans les transports ou pour les systèmes de refroidissement dans les bâtiments, etc.).
Le gaz naturel devrait par ailleurs jouer un rôle majeur dans l’évolution du mix énergétique africain (atteignant une part de 24% dans ce mix à l'horizon 2040 dans le scénario Africa Case). Il est rappelé que plus de 40% des découvertes mondiales de gaz entre 2011 et 2018 ont été réalisées sur ce continent (Égypte, Tanzanie, Mozambique, Sénégal, Mauritanie, Afrique du Sud)(8).
Alors que la hausse de la consommation énergétique en Afrique et le rattrapage économique du continent font l’objet d’une attention croissante, il est souligné que l’Afrique aura – dans tous les scénarios de l’AIE – compté à l’horizon 2040 pour 3% au plus des émissions mondiales de CO2 cumulées depuis 1890. Le continent africain va toutefois se trouver « en première ligne des effets du changement climatique sur le secteur énergétique » (avec notamment une très forte augmentation des futurs besoins de refroidissement).
Dans le scénario Africa Case, l'AIE envisage une plus forte progression des énergies renouvelables, en remplacement notamment de la biomasse solide traditionnelle qui comptait en 2018 pour près de la moitié de la consommation africaine d'énergie primaire. (©Connaissance des Énergies, d'après AIE)