Outre ses principales activités, Uniper dispose entre autres de capacités de stockage de gaz en Allemagne, en Autriche et au Royaume-Uni. (©Uniper)
La société allemande Uniper, filiale du groupe E.ON principalement dédiée à la production « conventionnelle » d’électricité et au négoce d’énergie, est entrée en Bourse hier. Rappel des faits.
Novembre 2014 : E.ON annonce la future scission de ses activités
Fin novembre 2014, E.ON annonce sa décision(1) de recentrer les activités du groupe autour des énergies renouvelables, des réseaux et des services, et de réunir ses activités de production « conventionnelle » d’électricité, de négoce d’énergie et d’exploration dans une société distincte (dite alors « New Company » et ultérieurement baptisée « Uniper(2) »).
Cette décision intervient dans un contexte de surcapacités sur le marché électrique allemand et alors que les centrales à gaz et au charbon sont de moins en moins rentables. Aurélie Faure-Schuyer, chercheur au Centre Energie de l’Ifri, mentionne ainsi parmi les raisons de la scission d’E.ON « cette persistance des prix de l’électricité à un niveau bas depuis la crise financière de 2008 ainsi que la difficile intégration des renouvelables sur ces marchés ».
Ce type de scission constitue également « un moyen d’isoler les discussions de natures politiques qui inquiètent les investisseurs(3) », précise-t-elle. En septembre 2015, E.ON annonce toutefois qu’il conserve finalement au sein de la maison-mère ses 9 réacteurs nucléaires en Allemagne (les derniers d’entre eux devant être fermés d’ici à 2022, puis démantelés) qu’il était initialement prévu d’intégrer dans la nouvelle société Uniper. Cette dernière commence ses activités en janvier 2016.
Au premier semestre 2016, Uniper a connu une perte record de 3,9 milliards d’euros à la suite de dépréciations. « Les dépréciations d’actifs successives menées par E.ON et l’ensemble des utilities électriques sont des ajustements comptables qui permettent de rassurer les investisseurs en ramenant le résultat net sur une base plus lisible », explique Aurélie Faure-Schuyer. Elle rappelle toutefois que « ces ajustements ne permettent pas pour autant d’augurer d’un avenir meilleur ».
Septembre 2016 : Uniper entre en Bourse
Hier, 53,35% du capital d’Uniper a été introduit en Bourse, chaque actionnaire d’E.ON recevant une action d’Uniper pour 10 actions d’E.ON détenues. A l’ouverture de la Bourse de Francfort, le titre Uniper a atteint 10,015 euros, valorisant ainsi la société à près de 3,7 milliards d’euros, soit bien en-deçà de sa valorisation inscrite au bilan comptable d’E.ON (12 milliards d’euros).
E.ON a à ce titre connu une chute de son cours de plus de 12% à l’entrée en Bourse, atteignant son plus bas niveau depuis 23 ans. « Il est un peu tôt pour tirer un enseignement de cette entrée en Bourse », juge Aurélie Faure-Schuyer mais l’activité renouvelables d’E.ON pourrait être affectée « si le cours du groupe continuait de baisser durablement ».
La cotation d’Uniper est suivie de près par l'ensemble des acteurs du secteur électrique car elle témoigne entre autres de la valeur de marché des centrales à charbon et à gaz(4). L’électricien allemand conserve pour l’instant 46,65% des parts d’Uniper et entend céder cette participation « à moyen terme ».
Uniper en chiffres
Uniper emploie actuellement près de 13 000 personnes dans plus de 40 pays. A fin 2015, la société disposait d’un parc électrique d’une puissance installée de près de 42 GW, dont 31,6 GW en Europe et environ 10 GW en Russie. Le parc européen d’Uniper repose principalement sur le gaz naturel (11,7 GW), le charbon (9 GW), l’hydraulique (4,2 GW) et le nucléaire (2,5 GW en Suède)(5).
La production électrique totale du parc d’Uniper a atteint 83,8 TWh en 2015 (dont 40,6% à partir du charbon, 18,2% de l’hydraulique, 18,1% du gaz et 14,5% du nucléaire), ce qui place Uniper parmi les principaux producteurs européens, rappelle la société(6).
Uniper indique désormais vouloir se concentrer « sur la rentabilité de ses actifs, ses projets de croissance (avec des centrales en Allemagne, en France, aux Pays-Bas et en Russie devant être finalisées d’ici à 2018) et la gestion de ses différents coûts ». Le président du directoire de la société, Klaus Schäfer, compte entre autres sur le fait que l'économie allemande aura encore durablement besoin des centrales au gaz et au charbon en parallèle du développement des énergies renouvelables.
Scission E.ON/Uniper : un exemple pour d’autres électriciens ?
Le PDG d’E.ON Johannes Teyssen s’est dit confiant au sujet de l’avenir d’Uniper(7) en citant le succès de la scission entre le groupe pharmaceutique Bayer et le chimiste Lanxess en 2004. E.ON n’est d’ailleurs pas le seul électricien à avoir choisi cette voie de la scission. Son grand concurrent RWE prévoit également de regrouper ses activités relatives aux énergies renouvelables, aux réseaux et à la vente d’énergie dans une nouvelle filiale (Innogy) qui pourrait être elle aussi introduite en Bourse d’ici à la fin de l’année.
« Les modèles de scission sont pour l’instant limités à l’Allemagne », nuance Aurélie Faure-Schuyer qui rappelle qu’EDF a suivi le chemin inverse « en reprenant en 2011 la majorité de sa filiale EDF Energies nouvelles ». Pour la chercheuse, « les utilities se retrouvent à l’heure des choix » : leurs activités portaient traditionnellement sur des investissements intenses en capitaux avec des engagements de long terme (notamment dans le nucléaire) et elles sont désormais amenées « vers des projets de plus petites tailles, en se développant en dehors de leurs frontières avec une concurrence de plus en plus mondiale ».
Dans ce contexte, « il sera intéressant de constater quels sont les groupes énergétiques qui garderont une taille critique et un statut européen, tout en étant capables d’opérer dans un environnement où les prix de l’énergie pourraient rester modérés », conclut la chercheuse. Pour sa part, E.ON se félicite déjà d’avoir mené à bien sa scission.