Le groupe E.ON va en particulier recentrer ses activités autour des énergies éolienne et photovoltaïque. (©E.ON France)
Les entreprises allemandes poursuivent leur transition dans le cadre de l’Energiewende. La dernière grande annonce est venue du géant énergétique E.ON le 30 novembre dernier. Celui-ci a décidé de se séparer de ses activités liées au nucléaire, au gaz naturel et au charbon et de s’investir pleinement dans des activités « nouvelles », à savoir principalement les réseaux de distribution, la production d’énergie renouvelable et les services aux consommateurs. Comment va s’opérer cette mue et que traduit cette décision sur l’évolution du système énergétique allemand ?
E.ON, la scission d’un géant gazier et électrique
E.ON est la deuxième plus grosse société allemande derrière Volkswagen au regard de son chiffre d’affaires (122,4 milliards d’euros en 2013, le groupe affiche par ailleurs une dette de près de 31 milliards d’euros)(1). C’est également jusqu’ici l’un des principaux acteurs mondiaux des secteurs gazier et électrique. Ce profil est amené à changer depuis l’annonce dimanche 30 novembre, par le PDG Johannes Teyssen, d’un repositionnement « radical » du groupe, à l’image de la transition énergétique allemande.
E.ON va se séparer de ses centrales nucléaires et thermiques fossiles (gaz et charbon) dont la puissance cumulée atteint 50 GW. Mais la scission ne se limite pas à la production électrique : l’ensemble des activités liées au gaz (exploration, production, transport par pipelines, stockage) sont également concernées, tout comme le trading d’énergie.
Ce qui constituait il y a peu encore le fer de lance du groupe sera regroupé dans une autre entreprise dont le capital sera majoritairement détenu par les actionnaires actuels d’E.ON. Un tiers des 60 000 salariés du groupe actuel rejoindront cette entreprise. E.ON devrait vendre à moyen terme ses parts dans cette société afin de finaliser la scission. Cette scission d'E.ON en deux entités devrait être effective en 2016. Le groupe prévoit une dépréciation de ses actifs de 4,5 milliards d’euros d’ici à fin 2014.
E.ON a par ailleurs annoncé la vente de la totalité de ses activités en Espagne et au Portugal, estimées à une valeur de 2,5 milliards d’euros, au groupe australien Macquarie.
La valse des entreprises allemandes face à l’Energiewende
L’Allemagne se retrouve aujourd’hui face à un casse-tête environnemental, confrontée à la hausse de ses émissions de gaz à effet de serre qui sont principalement imputables à sa production électrique. Cette dernière repose aujourd’hui à près de 45% sur le charbon. La fermeture prévue d’ici à 2022 de ses derniers réacteurs nucléaires (qui produisent 15,4% de la production électrique allemande en 2013) va encore peser sur le niveau de ses émissions, malgré le développement rapide des énergies renouvelables.
Le gouvernement allemand a annoncé le 3 décembre une série de projets et d’objectifs sectoriels pour tenter de respecter son engagement en matière d’émissions (une baisse de 40% entre les niveaux de 1990 et de 2020). Le secteur énergétique est désormais tenu de renforcer ses efforts et de réduire de 93 millions de tonnes de CO2 ses émissions d’ici à 2020 (contre un objectif de 71 millions précédemment). Le ministre allemand de l’économie Sigmar Gabriel a placé les groupes du secteur devant leurs responsabilités en indiquant que ces objectifs appelaient des « décisions d’entreprise » sans en préciser la nature.
Outre E.ON, d’autres grands énergéticiens implantés en Allemagne, RWE, Vattenfall et EnBW (tous exploitants de réacteurs nucléaires) prévoient également de réorienter leurs activités dans le cadre de cette transition énergétique à marche forcée. RWE, plus gros producteur d’électricité du pays, compte fermer plusieurs de ses centrales à gaz. Vattenfall et EnBW prévoient pour leur part un développement important de leurs activités renouvelables. Vattenfall a d’ailleurs annoncé son souhait de se séparer en Allemagne de ses centrales à charbon et des mines de lignite les fournissant en combustible alors même que celles-ci sont rentables.
L’exemple du groupe Siemens a déjà traduit ces dernières années la rapidité des réorientations qui ne sont pas toujours motivées par la trajectoire énergétique allemande. L’entreprise a d’abord abandonné, en septembre 2011, ses activités dans le nucléaire civil (construction et financement de centrales), prenant acte de l’abandon programmé de l’atome en Allemagne. En octobre 2012, ce sont ses activités dans l’énergie solaire que le groupe a souhaité abandonner, dans le cadre d’un plan de restructuration prévoyant une réduction des coûts internes. Fin septembre 2014, Siemens a enfin conclu un accord pour acquérir l’américain Dresser-Rand, l’un des principaux fournisseurs de l’industrie pétro-gazière (compresseurs, turbines à gaz et à vapeur, etc.). Quel sera le prochain rebond?