Consultant depuis 2006
Ancien Directeur Général d’EDF
Carrière à EDF et Gaz de France de 1966 à 1999
Directeur Général Adjoint du Groupe Bouygues de 1999 à 2005.
Les centrales françaises ont été conçues pour une durée de vie minimale de 30 ans, durée d’amortissement raisonnable pour un investissement très lourd. Aujourd’hui on travaille à les utiliser pendant 40 ans, voire 60 ans et au-delà.
Peut-on le faire ? Les questions de sûreté…
En France, les centrales sont étudiées, construites et exploitées sous le contrôle de l’ASN appuyé par l’IRSN et par le réseau des homologues internationaux. L’ASN veille à ce que le fonctionnement de toute centrale, quels que soient son âge et son type, n’entraîne jamais aucun dommage aux personnes et à l’environnement, même en cas d’accident majeur.
Chaque centrale fait l’objet d’un suivi individuel pendant son exploitation et lors d’arrêts réguliers durant lesquels elle est inspectée et modifiée pour améliorer sa sûreté en fonction des enseignements tirés en permanence en France et dans le monde sur les autres centrales.
Tous les 10 ans, une visite plus approfondie a lieu et, sur demande de l’ASN, la centrale est mise en conformité avec les derniers standards de sûreté. Dans ces conditions, elle peut entamer une nouvelle période d’exploitation jusqu’à la prochaine « décennale »… sans préjudice de ce que l’ASN estimera nécessaire de faire dans l’intervalle.
Au regard de la sûreté, il n’y a donc aucune raison d’arrêter l’exploitation des centrales ainsi contrôlées et « réarmées », quel que soit leur « âge »… elles sont toutes sûres.
Doit-on le faire ? Les raisons économiques…
Les modifications de sûreté étant incontournables, l’exploitant a le choix, soit de poursuivre l’exploitation de la centrale avec des dépenses de mise en conformité, soit de la remplacer. Même avec les coûts de démantèlement et de combustible usé, le nucléaire est, en France, le moins cher des moyens de production de base non émetteurs de CO2. Dans cet usage, les énergies renouvelables sont beaucoup plus onéreuses surtout quand on leur impute les réseaux additifs nécessaires et le prix de leur interruptibilité.
Le montant des investissements pour passer la durée de vie des tranches existantes de 40 à 60 ans nécessiterait 400 millions d’euros par tranche. La nouvelle tranche EPR qui la remplacera coûtera environ 5 milliards d’euros pour une puissance moyenne 1,5 fois plus grande. Soit, pour une même capacité, 3,3 milliards d’euros. L’écart est conséquent ! Tous comptes faits, on estime qu’anticiper de 20 ans l’arrêt d’une installation coûterait au moins 1,7 milliard d’euros au consommateur. Arrêter une centrale actuelle, avant que cela ne soit nécessaire pour des raisons de sûreté, est donc une erreur très coûteuse pour le consommateur.
Ni la sûreté ni l’économie ne justifiant l’arrêt des centrales existantes, y a-t-il d’autres raisons « stratégiques » ?
Par exemple « faire de la place » aux renouvelables ? Nous en attendons tous d’énormes progrès mais il est impossible de les quantifier et de les dater… Arrêter les centrales nucléaires sans les remplacer par des moyens renouvelables, insuffisants et encore trop chers, c’est, à coup sûr, utiliser des centrales thermiques à gaz moins économiques (en base) et émettrices de CO2.
En pleine tempête économique, notre pays qui doit réaliser des restructurations lourdes, ne peut se charger d’anticipations coûteuses et inutiles pas plus qu’il ne peut réduire sa contribution à la protection du climat.
Étendre la durée de vie des centrales nucléaires en tout respect de leur sûreté est donc, aujourd’hui, la mesure la plus appropriée… C’est celle qui permet d’attendre l’arrivée et la compétitivité d’autres technologies ou de modèles plus performants.