Elcimaï Environnement
La communauté scientifique s’accorde à dire qu’il faut explorer et développer toutes les solutions pour réduire nos émissions de dioxyde de carbone (CO2) et autres gaz à effet de serre, si l’on veut stabiliser l’élévation des températures mondiales.
Pour tenter de réduire l’empreinte carbone actuelle des Français de 10 tonnes par an et par personne, à 2 en 2050, la récupération du CO2 issu des installations industrielles apparait, entre autres moyens, comme un impératif. Une fois comprimé, ce CO2 peut être déplacé depuis le point de capture, par citernes, navires ou pipelines pour être utilisé comme intrant ou matière première de produits ou de services, ou bien être stocké dans des formations géologiques souterraines, onshore ou offshore.
Une piste pour décarboner la gestion des déchets
Si les pays du nord de l’Europe affichent une avance en matière de capture de CO2, les variations à la hausse de son prix dans les systèmes d’échange de quotas d’émission (après une baisse en début d’année 2024, le prix de la tonne de CO2 augmente à nouveau) amènent aussi les industriels français à réfléchir à diverses solutions.
Parmi celles-ci, la technologie de la post-combustion, qui consiste à capturer le CO2 des fumées issues de la combustion, s’avère intéressante à bien des égards.
Le secteur du traitement des déchets a compté en 2022 pour 3,6% des émissions de gaz à effet de serre (GES) totales en France, selon le dernier rapport annuel du CITEPA publié en juin 2024. Le méthane est le principal GES émis par ce secteur, représentant plus de 21% des émissions nationales de CH4 cette même année(1). Les unités de valorisation énergétique (UVE) sont soumises au règlement de répartition de l'effort (ESR)(2), avec, eu égard aux secteurs couverts, un objectif de réduction de - 47,5% des émissions de GES à l'échelle nationale d'ici 2030 par rapport au niveau de 2005. La capture et la liquéfaction du CO2 issu des fumées des unités de valorisation énergétiques deviennent une piste à explorer qui favoriserait par ailleurs la durabilité de ces filières et leur acceptation sociale.
Le procédé consiste à faire passer les fumées à travers un solvant aux amines qui absorbe spécifiquement le CO2. Le solvant est alors réchauffé afin d’induire la désorption du CO2, lequel est ensuite purifié après refroidissement. Il peut enfin être compressé et liquéfié.
Un débouché supplémentaire pour la méthanisation
Installer une unité de récupération de CO2 peut s’appliquer à toute installation rejetant du gaz qui en contient, que ce soit une chaufferie biomasse ou une usine de méthanisation par exemple. Dans cette dernière, la production de biométhane est compatible avec une injection dans les réseaux de distribution de gaz qui nécessite une étape d'épuration du biogaz. Ceci revient à séparer le CH4 et le CO2. Le CO2 ainsi isolé, biogénique et donc neutre pour le climat, est jusqu'à présent relâché dans l'atmosphère, alors que, très pur, il dispose d’une valeur marchande en vue d’usages variés.
Selon le BIP Europe (Biométhane Industrial Partnership), le CO2 issu de la méthanisation représente aujourd'hui en Europe un potentiel de 27 millions de tonnes par an, alors que le marché actuel en consomme 40 millions de tonnes, majoritairement d'origine fossile, pour des usages divers : boissons gazeuses, serres agricoles, extincteurs, inertage, chimie…(3)
Fabriquer et commercialiser du CO2 biogénique peut constituer un débouché supplémentaire à la méthanisation. D’autant que l’impact foncier comme visuel des installations nécessaires à la récupération de ce CO2 est faible et que celles-ci sont relativement simples à monter et ne polluent pas. Leur coût représente un investissement de l’ordre de 10% du prix d’une unité de méthanisation, rentabilisé au bout de 3 à 4 ans.
Le prix d’achat du CO2 sur le marché a beaucoup augmenté depuis 2 ans et reste dépendant du coût de transport en camion-cuve cryogénique. L’industrie agroalimentaire est un client important pour les producteurs de CO2, et le CO2 biogénique a une place à prendre pour éviter le recours au CO2 produit par vaporeformage de gaz naturel. Dans une logique d’économie circulaire, il est possible d’envisager également l’utilisation de CO2 biogénique pour l’enrichissement de l’atmosphère des serres ou des fermes industrielles péri-urbaines, en aidant ainsi la diversification des activités des exploitations agricoles.
Traiter des biodéchets issus du territoire, pour en faire de l’énergie d’une part (biométhane), un fertilisant d’autre part (digestats), et décarboner de surcroît la production de CO2, apporte une réponse éco-circulaire des plus vertueuses à l’objectif de neutralité carbone, et participe aussi à celui de souveraineté alimentaire.
Sources / Notes
- En équivalent CO2, hors UTCATF, périmètre France métropolitaine et territoires Outre-mer inclus dans l’UE.
Rapport Secten éd. 2024 Émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques en France | 1990-2023, Citepa - Répartition de l’effort pour la période 2021-2030 : objectifs et flexibilités, Commission européenne.
- Le CO2, une ressource à exploiter ?, Journal du CNRS.
Elcimaï Environnement est une société de conseil et ingénierie dans le domaine de l’économie circulaire et de la transition écologique.