- Source : Ifri
Suite à l’annexion de la Crimée en 2014, les États-Unis et l’Union européenne(1) ont mis en place contre la Russie des sanctions « sans précédent »(2). Ces sanctions ne visent pas directement l’État russe mais des entreprises (dont une dizaine dans le secteur de l’énergie, comptant pour 70% de la production nationale de pétrole et pour 87% de celle de gaz(3)) et des individus (non-délivrance de visas, gel des avoirs, etc.) considérés comme ayant une influence sur le Kremlin(4).
Dans une étude publiée par le Centre Énergie et Climat de l’Ifri, le journaliste Régis Genté(5) détaille les types d’acteurs ciblés par les sanctions occidentales et les « réponses » des Russes pour y faire face. Il s'y interroge sur les conséquences de ces sanctions sur les relations entre les grands dirigeants russes de l’énergie et le Kremlin et ne constate à ce jour(6) « pas de fractures significatives »(7) : l’emprise de l’État sur le secteur de l’énergie a été renforcée(8).
Il est toutefois souligné que les sanctions sont conçues pour produire des effets à long terme : elles ne visent pas les gisements en production mais les « projets du futur » (offshore profond, Arctique, etc.(9)), stratégiques pour la Russie alors que les grands gisements sibériens « entrent en forte déplétion ». L’État russe risque, dans ce contexte, de subir des pressions croissantes de la part des grands patrons de l’énergie, s’il ne peut plus leur apporter un soutien à l'avenir(10).
Notons que la Russie a cherché, en réponse aux sanctions occidentales, à développer des partenariats avec d’autres acteurs comme la Chine(11), mais l’espoir de voir ce pays remplacer l’Europe comme premier débouché de ses exportations d'énergie a conduit « à une désillusion croissante parmi l’élite russe ».
Sources / Notes
- Rejoints par la suite par d’autres pays comme le Canada, le Japon ou la Norvège.
- Ces sanctions ont depuis été renforcées, notamment par les États-Unis en août 2017 avec le « Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act » (CAATSA).
- Donnée de 2019.
- Pour faire indirectement pression sur le Kremlin et forcer la Russie « à revenir sur son action déstabilisante en Ukraine, et à ne pas l’accroître ».
- Basé en Géorgie, Régis Genté couvre depuis 18 ans l’actualité de l’espace post-soviétique pour différents médias (Le Figaro, RFI, Bulletin de l’industrie pétrolière, etc.).
- En 2014, « les grands patrons du pays étaient pour une part opposés à la déstabilisation de l’Ukraine, craignant d’emblée un bras de fer avec l’Occident ».
- Il rappelle qu’il existe des violents conflits au sein de l’élite économique russe, du fait de l’opposition de différentes sociétés (notamment entre Gazprom et Novatek) en « concurrence pour obtenir du président des arbitrages en leur faveur ».
- Le Kremlin soutient les acteurs sanctionnés en attendant que ceux-ci fassent en retour preuve de loyauté : le projet privé Yamal LNG a entre autres bénéficié de 2,3 milliards d’euros du Fonds souverain russe mais aussi 12 ans d’exemption de taxe sur l’extraction de minéraux utiles et sur les exportations, ou encore un taux d’imposition sur le revenu préférentiel de 13,5%.
- En cas de remontée des prix du pétrole, les sanctions occidentales pourraient empêcher la mise en service de ces nouveaux projets devenus rentables.
- Pour rappel, le secteur de l’énergie fournit actuellement près de 46% des recettes du budget fédéral. Il s’agit du « secteur par excellence par lequel la Russie s’est profondément intégrée à l’économie globalisée pour y écouler ses productions, se financer ou se procurer des technologies », rappelle Régis Genté.
- La Russie exportait entre autres près de 1,67 million de barils de pétrole par jour vers la Chine en avril 2020.