Pays montagneux avec des précipitations fréquentes, la Suisse dispose de plus de 600 centrales hydroélectriques. (©Pixabay)
En Suisse, une révision de la loi sur l’énergie était soumise hier à votation, en vue de la mise en œuvre de la « stratégie énergétique 2050 ». La population l’a largement approuvée, à près de 58,2% des votants. Rappels des grandes orientations de cette stratégie.
Une sortie progressive du nucléaire
La stratégie énergétique 2050 de la Suisse s’articule principalement autour de 3 grands axes : une sortie du nucléaire, la promotion des énergies renouvelables et le renforcement des économies d’énergie et de l’efficacité énergétique(1). Illustration de cette stratégie, la nouvelle loi sur l’énergie (LEne), déjà adoptée par le Conseil fédéral fin septembre 2016, a été approuvée hier par 22 des 26 cantons suisses (avec un taux de participation de 43% au niveau national).
Parmi les 4 cantons suisses ayant voté « non » à la nouvelle loi sur l’énergie figure Argovie, où sont implantés 3 des 5 réacteurs nucléaires du pays (dont Beznau 1, plus « ancien » réacteur au monde, connecté au réseau en juillet 1969). La sortie du nucléaire et le coût de la transition énergétique suisse constituent naturellement les axes les plus sensibles de la stratégie énergétique 2050.
La Suisse a annoncé sa « sortie du nucléaire » à la suite de l’accident de Fukushima Daiichi de mars 2011. Elle plaide toutefois pour une sortie progressive, « par étapes, de façon à donner à la Suisse le temps nécessaire pour transformer son systèmes énergétique » comme l’indique une fiche d’information publiée par le Département fédéral en charge de l’énergie(2). Une trajectoire partagée par la population qui avait rejeté en novembre 2016 une initiative populaire (initiée par Les Verts) proposant une fermeture accélérée du parc nucléaire.
La durée d’exploitation des 5 réacteurs nucléaires encore en service en Suisse n'est d’ailleurs pas limitée dans le temps, sous réserve que ceux-ci continuent à répondre aux exigences de l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN). Après leur arrêt, la loi prévoit en revanche qu’aucune nouvelle autorisation de construction de centrale nucléaire ne sera accordée(3). Les Forces Motrices Bernoises (BKW) ont pour leur part annoncé dès 2013 l'arrêt en décembre 2019 de la centrale de Mühleberg pour des raisons économiques(4).
En 2016, le parc nucléaire suisse a généré 20,3 TWh, soit près de 34,4% de l’ensemble de la production électrique nationale(5). Notons que la stratégie énergétique 2050 n’entraîne pas « une interdiction de la technologie » : la recherche sur cette énergie se poursuivra et « continuera d’être encouragée », précise le Département fédéral en charge de l’énergie.
Le canton d’Argovie, où sont implantées les centrales nucléaires de Beznau et Leibstadt, a voté à 51,8% contre la nouvelle loi sur l’énergie. Cette dernière a en revanche été approuvée à 72,5% par le canton de Genève. (©Connaissance des Énergies)
Plus d’énergies renouvelables et moins d’énergie consommée… par habitant
Si le nucléaire occupe une place importante dans les débats autour de la stratégie énergétique suisse, rappelons que c’est bien l’hydroélectricité qui constitue de loin la première source d’électricité dans ce pays montagneux : plus de 600 centrales hydroélectriques y fournissent actuellement près de 60% de la production électrique nationale(6). La filière pâtit toutefois des prix de marché de gros très bas de l’électricité.
Pour seconder l’énergie hydroélectrique et pallier la baisse de production nucléaire, la stratégie énergétique 2050 encourage le déploiement des « nouvelles énergies renouvelables », à savoir principalement les énergies solaire, éolienne, géothermique ou encore la biomasse. Avec le vote d’hier, la Suisse a acté un objectif de production de ces énergies de 4,4 TWh par an en 2020 et de 11,4 TWh au moins en 2035 (contre 2,8 TWh en 2015, soit seulement 4,3% de la production électrique cette année-là).
Cet essor de nouvelles sources renouvelables, pour la plupart intermittentes, continuera d’être soutenu grâce au dispositif de rétribution à prix coûtant du courant injecté, instrument compensant l’écart entre coûts de production et prix de marché (ce dispositif de soutien est in fine répercuté sur la facture des ménages et des entreprises suisses(7)).
Si l’électricité a souvent tendance à focaliser l’attention, rappelons qu’elle ne compte que pour 25% de la consommation d’énergie finale de la Suisse. Cette dernière reposait encore en 2015 à plus de 50,7% sur les produits pétroliers (et à 13,5% sur le gaz naturel).
Dans sa nouvelle loi sur l’énergie, la Confédération suisse prévoit de réduire de 16% sa consommation annuelle moyenne d’énergie par habitant d’ici à 2020 et de 43% d’ici à 2035, par rapport à l’année de référence 2000. En 2015, cette consommation avait déjà été réduite de 14,1% par rapport à 2000.
Le parc immobilier, qui compte pour près de 40% de la consommation énergétique suisse, continuera de faire l’objet d’une attention particulière, notamment à travers le programme Bâtiments, qui vise à aider les propriétaires à améliorer l’isolation thermique de leurs logements et à remplacer des systèmes de chauffage ayant recours à des combustibles fossiles(8). Introduit en 2010, ce programme va être reconduit et bénéficiera de moyens renforcés(9).