Mise en service en 1971, la centrale nucléaire de Mühleberg produit entre 2 et 3 TWh par an depuis plus de 40 ans. (©BKW)
Les Suisses ont voté majoritairement « non » hier à l’initiative populaire proposant la fermeture « accélérée » des 5 réacteurs nucléaires du pays(1). Explications.
La Suisse vote « non » à une fermeture accélérée du parc nucléaire
En 2015, le parc nucléaire suisse a généré près de 22,1 TWh, soit près de 33,5% de la production électrique du pays. Trois des cinq réacteurs nucléaires qui composent ce parc ont été connectés au réseau électrique il y a plus de 45 ans (Beznau 1 et 2, Mühleberg), Beznau 1 étant souvent présenté comme le plus « ancien » réacteur nucléaire au monde. La durée d’exploitation des réacteurs nucléaires n'est pas limitée en Suisse sous réserve que ceux-ci répondent aux exigences de l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN).
Ce 27 novembre, les Suisses étaient appelés à s’exprimer sur une initiative populaire, dite « Pour la sortie programmée de l’énergie nucléaire »(2). Initiée par les Verts(3), celle-ci visait à inscrire dans la Constitution l’interdiction de construire de nouvelles centrales ainsi que la limitation de la durée d’exploitation de celles encore en service. Le texte prévoyait ainsi de fermer les trois réacteurs nucléaires les plus anciens dès 2017, puis les deux restants après 45 ans d’exploitation, soit en 2024 pour Gösgen et 2029 pour Leibstadt.
Cette initiative a été rejetée par 54,2% des votants, seuls six cantons de l’ouest, limitrophes de la France(4), ayant en majorité répondu « oui »(5). Ce résultat a été salué par les différents camps, pro comme anti-nucléaires, ces derniers soulignant que près des deux tiers des Suisses étaient défavorables à la sortie du nucléaire lors du précédent référendum en 2003.
Trois des cinq réacteurs nucléaires de la Suisse sont situés au sein du canton d’Argovie où l’initiative a été rejetée à 62,9%. (©Connaissance des Énergies)
Une « sortie du nucléaire » toutefois déjà actée
Le Conseil fédéral et le Parlement suisse avaient tous deux appelé les votants à rejeter l’initiative populaire, en expliquant que la fermeture « prématurée » du parc nucléaire ne pourrait pas être compensée par une production « renouvelable indigène » et entraînerait une hausse des importations d’électricité. La conseillère fédérale en charge de l’énergie Doris Leuthard avait à ce titre qualifié d'« hypocrisie » le remplacement potentiel de l’électricité nucléaire suisse par « de l’énergie produite par du charbon allemand et du nucléaire français »(6). Le spectre de coupures de courants et d’importants dédommagements à verser aux exploitants de centrales a également pu peser dans le vote défavorable à l’initiative populaire.
Malgré le résultat de ce vote, rappelons que la Suisse a déjà annoncé sa « sortie du nucléaire » à la suite de l’accident de Fukushima Daiichi de mars 2011. La « Stratégie énergétique 2050 » portée par Doris Leuthard confirme que les centrales nucléaires actuellement en service ne seront pas remplacées mais prévoit que leur exploitation se poursuive aussi longtemps qu'elles seront jugées sûres par l'IFSN. Un premier paquet de mesures de cette stratégie a été adopté par le Parlement fin septembre 2016(7). Notons que la Stratégie énergétique 2050 de la Suisse est remise en cause par l’UDC (Union démocratique du centre) qui craint un renchérissement de l’électricité. Ce parti, le premier de Suisse, souhaite appeler la population à voter contre cette stratégie lors d’un nouveau référendum.
Côté exploitants, les Forces Motrices Bernoises (BKW) ont annoncé la fermeture fin 2019 de la centrale de Mühleberg pour des raisons économiques. Le réacteur de Beznau 1 est pour sa part à l’arrêt depuis 19 mois et attend un feu vert de l’autorité de sûreté nucléaire suisse.
Si le nucléaire suscite en Suisse une attention particulière ces jours-ci, signalons enfin que c’est bien l’hydroélectricité qui reste de très loin la principale source d’électricité en Suisse. Elle comptait pour 59,9% de la production électrique du pays en 2015, très loin devant les autres énergies renouvelables (4,3% du mix).
Le mix électrique de la Suisse est « décarboné » à plus de 95%. (©Connaissance des Énergies)