- Source : Ifri
Les États-Unis dépendent fortement des approvisionnements étrangers pour satisfaire leurs besoins de minerais « critiques » bruts et transformés : « le graphite, le manganèse et les terres rares sont en effet peu présents dans le sous-sol du pays, tandis que les gisements de nickel ou de cobalt américains sont éclipsés par ceux de géants tels que la République démocratique du Congo, l’Indonésie, ou encore les Philippines », souligne entre autres Raphael Deberdt(1) dans la note en anglais ci-après publiée le 9 avril par le Centre Énergie et Climat de l'Ifri.
La liste américaine des 50 « minerais critiques »
Il est rappelé que les minerais « critiques » désignent, aux États-Unis, les 50 ressources les plus utilisées dans les nouvelles technologies bas carbone, listées en 2022 par l'USGC (U.S. Geological Survey) :
aluminium, antimoine, arsenic, barytine, béryllium, bismuth, cérium, césium, chrome, cobalt, dysprosium, erbium, europium, spath fluor, gadolinium, gallium, germanium, graphite, hafnium, holmium, indium, iridium, lanthane, lithium, lutétium, magnésium, manganèse, néodyme, nickel, niobium, palladium, platine, praséodyme, rhodium, rubidium, ruthénium, samarium, scandium, tantale, tellure, terbium, thulium, étain, titane, tungstène, vanadium, ytterbium, yttrium, zinc et zirconium.
Consulter la « 2022 Final List of Critical Minerals » de l'USGC.
Pour 12 de ces 50 ressources, les États-Unis dépendent à 100% des importations (et à plus de 50% pour 31 autres minerais).
Une approche « nationaliste » de l'Inflation Reduction Act (IRA)
L’Inflation Reduction Act (IRA), également publié en 2022, adopte ainsi « une approche nationaliste des ressources minières » conditionnant notamment des crédits d'impôts à l'origine des minerais critiques contenus dans un produit.
Concrètement, un véhicule électrique devra, d’ici à 2027, pour bénéficier de ces crédits d’impôts, « disposer d’une batterie dont 80% de la valeur marchande en minerais critiques provient des États-Unis ou de pays avec lesquels ceux-ci disposent d’un accord de libre-échange ». Un objectif peu réaliste, à ce jour notamment pour le cobalt.
3 principales voies pour augmenter la production américaine
Les États-Unis, qui furent pourtant « parmi les premiers producteurs mondiaux de minerais aujourd’hui considérés comme critiques, ainsi que de terres rares [...] n’en produisent que très peu désormais », rappellait une autre note de l'IFRI
Pour augmenter leur production de minerais critiques, les États-Unis disposent de 3 principales voies exposées dans la publication de l'Ifri :
- l’ouverture de nouvelles mines (« ce vers quoi poussent la Maison Blanche et le Département de l’Énergie ») ;
- le retraitement des déchets miniers (« avec environ 100 000 mines abandonnées à travers les États-Unis, dont l’exploitation s’est souvent concentrée sur un seul minerai ») ;
- la récupération des sous-produits des mines en exploitation (« mais dont le potentiel dépend fortement de considérations économiques et de la faisabilité technique »).
Outre les intérêts et risques de ces différentes voies, Raphael Deberdt souligne les difficultés à obtenir des permis d’exploitation rapidement, avec un temps d’attente souvent compris entre 7 et 10 ans et des oppositions locales. Les capacités de recyclage de minerais critiques restent par ailleurs insuffisantes à ce jour pour « permettre une réelle refonte des systèmes de consommation aux États-Unis ».
In fine, l'auteur estime « peu probable que les dispositions de l’IRA, dans leur modèle actuel, soient remplies par les différents acteurs miniers et industriels et seul un assouplissement des règles d’approvisionnement permettrait un alignement sur les réalités géologiques et géopolitiques de la production de minerais critiques ».
Sources / Notes
- Raphael Deberdt est anthropologue (Colorado School of Mines), spécialiste des projets de minerais critiques.
- La stratégie de souveraineté minérale américaine : une mobilisation tous azimuts, IFRI, 2021