La Birmanie (ou Myanmar) a connu le 1er février un nouveau coup d’État(1) orchestré par l’armée. Focus sur la situation énergétique de ce pays.
La consommation d’énergie en Birmanie
La Birmanie a connu une croissance économique moyenne de 7% par an depuis 2012 mais « il s’agit principalement d’une croissance de rattrapage, faisant suite au long isolement politique et économique du pays entre 1962 et 2011 », indique CCI France International(2). Cette croissance se reflète sur l'évolution de la consommation d’énergie primaire qui a augmenté dans ce pays de plus de 70% entre 2010 et 2018 (pour atteindre 23,8 Mtep cette année-là) selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
La consommation d’énergie primaire de la Birmanie repose à près de 45,7% sur la biomasse et les déchets selon les dernières données de l’AIE portant sur l'année 2018. Suivent le pétrole (28,6% du mix énergétique en 2018), le gaz naturel (17,1%), l'hydroélectricité (5,0%) et le charbon (3,6%).
La consommation d'énergie primaire en Birmanie (©Connaissance des Énergies d'après AIE)
Précisons que la consommation énergétique par habitant de la Birmanie était de 0,44 tep en 2018 (la population du pays avoisine actuellement 55 millions d’habitants), contre 1,88 tep par habitant en moyenne au niveau mondial cette année-là (3,66 tep par habitant en France).
Un important exportateur de gaz naturel en Asie
La Birmanie dispose d’importantes ressources naturelles (gaz naturel et énergie hydraulique notamment) : le pays possède en particulier des réserves prouvées de gaz s’élevant à 1 200 milliards de m3 à fin 2019, soit 0,6% des réserves mondiales(3).
En 2019, le pays a produit 17,1 milliards de m3 de gaz (0,4% de la production mondiale), exportant près des deux tiers de cette production vers ses pays voisins (la Thaïlande et dans une moindre mesure la Chine(4)). Cela fait de la Birmanie le 3e exportateur asiatique de gaz après la Malaisie et l’Indonésie (et le 1er par voie terrestre). Le Myanmar est par ailleurs importateur net de pétrole, avec une faible production domestique.
Actuellement, « quatre champs de gaz offshore sont exploités au Myanmar, en partie détenus par des intérêts thaïlandais et japonais (PTTEP, Mitsui) », précise Éric Mottet, directeur de l’Observatoire de l’Asie de l’Est à l’UQAM (Université du Québec à Montréal). « Lorsque la demande d’énergie intérieure était plus faible dans le passé, la junte militaire a signé des contrats d’approvisionnement à long terme » avec la Chine et la Thaïlande, le gouvernement ayant utilisé ses ressources gazières « comme moyen d’obtenir des devises étrangères ».
En 2020, « le gouvernement a autorisé le conglomérat énergétique public thaïlandais PTTEP à investir 2 milliards de dollars dans le développement de champs de gaz naturel, la construction de centrales électriques (600 MW), un gazoduc de 370 km allant du champ de gaz à la centrale électrique, et une ligne de transmission de la centrale à Yangon » (capitale de la Birmanie), indique Éric Mottet. Il existe par ailleurs « des ententes avec Total et le groupe australien Woodside Energy pour exploiter des champs de gaz offshore et construire des gazoducs (début de la production en 2023-2024)». La Birmanie était censée organiser « bientôt des appels d’offres internationaux pour 15 champs de gaz offshore et 18 champs de gaz onshore ».
Mais depuis le coup d’État du 1er février, « plusieurs compagnies ont annoncé l’annulation de projets d’investissement au Myanmar. C’est notamment le cas d'Amata (Thaïlande) et de Suzuki et ANA (Japon), pays pourtant très présents dans le secteur énergétique au Myanmar », souligne Éric Mottet. « Il est donc fort probable que le secteur énergétique souffre de la mise au ban du Myanmar par la communauté internationale », avec la mise en place de sanctions internationales contre la junte militaire. « Cela devrait pousser le pays dans les bras de la Chine et ses nouvelles routes de la soie (Belt and Road Initiative) dont le volet énergétique est important, notamment à travers le corridor économique Chine-Myanmar (gazoduc et oléoduc, barrages hydroélectriques, énergie solaire) », estime le directeur de l’Observatoire de l’Asie de l’Est à l’UQAM.
La production d’électricité en Birmanie
La Birmanie est encore loin d’atteindre son objectif d’un accès à l’électricité pour tous à l’horizon 2030 (66,3% de la population birmane avait accès à l’électricité en 2018 selon la Banque mondiale(5)). La consommation électrique par habitant dans ce pays figure parmi les plus basses d’Asie (près de 350 kWh contre 1 380 kWh en moyenne au sein de l’ASEAN(6) en 2018, selon Enerdata(7)).
La question énergétique a été « un sujet central durant la campagne électorale de 2020 » dans un pays où « la demande d’électricité augmente de 15 à 16% par an et a été multipliée par quatre entre 2003 et 2018 », rappelle Éric Motte. « L’administration d’Aung San Suu Kyi a développé peu de nouvelles capacités de production depuis son entrée en fonction, la plupart des projets ayant été initiés par la junte militaire. De même, le secteur de l'hydroélectricité n'a attiré pratiquement aucun investissement étranger, malgré des accords préliminaires avec des pays comme la Chine, la France, la Norvège, l’Autriche et Singapour »(8).
La très grande majorité de la production électrique de la Birmanie repose actuellement sur 2 filières : l’hydroélectricité (47,1% du mix électrique national en 2019) et le gaz naturel (43,7%). Le pays compte « actuellement 20 centrales au gaz et 62 centrales hydroélectriques, ainsi qu'une centrale au charbon », détaille Éric Mottet qui précise qu'avec « l’urbanisation et l’industrialisation du pays, l’énergie hydroélectrique, qui était auparavant la principale source d’énergie domestique » ne pourra pas répondre à la hausse de la demande « malgré un potentiel encore largement inexploité ».
Dans le Myanmar Energy Outlook 2040(9) publié par le ministère birman en charge de l’énergie et l’ERIA (Institut de recherche économique de l’ASEAN), il est par ailleurs souligné que la production gazière du pays est appelée à décliner dans les deux prochaines décennies. En anticipation, « le pays a décidé de commencer à importer du gaz naturel liquéfié en 2020 », indique Éric Mottet(10). Précisons que l’électricité comptait, en 2018, pour seulement 8% de la consommation finale d’énergie en Birmanie (contre 19,3% au niveau mondial).