- Source : Ifri
La consommation d’énergie des 10 pays membres de l’ASEAN (Association des nations de l’Asie du Sud-Est)(1) a presque triplé depuis 1990(2). Elle pourrait encore augmenter de 75% d’ici à 2040 selon le scénario « New Policies » de l’AIE(3). Face à ces besoins énergétiques en très forte croissance, l’ASEAN souhaite « améliorer la connectivité énergétique et l'intégration » des marchés électriques et gaziers de ses différents États membres afin de renforcer leur sécurité énergétique et assurer dans cette région « l'accès à l'énergie pour tous à un prix raisonnable ».
Dans cette étude publiée par le Centre Énergie de l’Ifri, Sylvie Cornot-Gandolphe présente ainsi la stratégie de coopération énergétique mise en place au sein de l’ASEAN à partir de 1997, avec deux grands projets d’intégration des marchés électriques (« AGP », ASEAN Power Grid) et gaziers (« TAGP », Trans-ASEAN Gas Pipeline). Elle rappelle les différentes étapes de développement de ces grandes infrastructures régionales, les défis rencontrés lors de la mise en œuvre des plans d’actions afférents et les réorientations actuelles de ces grands projets.
Électricité : l’ASEAN Power Grid (AGP)
L’ambition de l'AGP a initialement consisté à développer des interconnexions électriques bilatérales entre les différents États membres de l’ASEAN. Il est aujourd’hui envisagé de pousser plus loin l’intégration du marché électrique de la région mais cette intégration se heurte encore à de nombreux défis, tant techniques (géographie complexe) que financiers (manque de moyens) ou institutionnels (différences de structures de marché et d’intérêts entre les pays).
Pour surmonter ces différents défis, l’ASEAN prévoit entre autres de créer d’ici à 2018 un opérateur central du réseau de transport de l’APG. La mise en place d’un marché électrique comparable à celui des pays nordiques européens (« Nord Pool » qui fonctionne sur la base d’une bourse d’échange d’électricité entre quatre pays) est actuellement à l’étude. Ce modèle de marché peu contraignant(4) pourrait permettre de limiter les besoins de nouvelles capacités de production électrique au sein de l’ASEAN, sous réserve d’un développement suffisant des interconnexions électriques.
Précisons que le gaz naturel et le charbon comptaient respectivement pour 44% et 34% de la production d'électricité de l'ASEAN en 2014. Selon l’AIE, le charbon pourrait poursuivre sa progression dans le mix électrique régional (jusqu’à compter pour 45% de la production d'électricité de l'ASEAN en 2040), compte tenu de son avantage prix et de sa forte disponibilité dans la région.
Gaz naturel : le Trans-ASEAN Gas Pipeline (TAGP)
Le projet TAGP visait à l'origine à renforcer la sécurité d’approvisionnement gazière de la région par l’interconnexion des réseaux de gazoducs des différents pays de l’ASEAN. Cette vision d’un réseau régional intégré de gazoducs se matérialisait, à fin 2016, par 13 interconnexions bilatérales(5), par exemple entre le champ gazier de West Natuna en Indonésie et Singapour (interconnexion de 660 km)(6).
La mise en œuvre de l'interconnexion des gazoducs des pays de l'ASEAN s’est, comme pour les interconnexions électriques, heurtée à des obstacles techniques (qualité du gaz), réglementaires, économiques ou juridiques. La production gazière des pays de l’ASEAN tend par ailleurs à s’essouffler (manque d’investissements dans l’amont gazier) et les importations de GNL (gaz naturel liquéfié) de la région sont en forte hausse, ce qui a poussé l’ASEAN à intégrer le GNL dans sa stratégie du TGAP (en vue d'assurer un libre accès à certains terminaux de regazéification répartis dans les différents pays membres).
Précisons que le développement de l'industrie gazière au sein de l'ASEAN s'est historiquement appuyé sur les exportations de GNL. L’Indonésie a été notamment le premier exportateur mondial de GNL jusqu’en 2006 (elle a depuis été dépassée par le Qatar). A l'heure actuelle, l'Asie du Sud-Est reste exportatrice nette de GNL mais ses importations pourraient, selon cette étude, être multipliées par 12 d'ici à 2030.
Sources / Notes
- L’ASEAN a été créée en 1967 pour « accélérer la croissance économique et promouvoir la paix et la stabilité » en Asie du Sud-Est. Elle regroupe 10 pays : la Birmanie, le Brunei, le Cambodge, l’Indonésie, le Laos, la Malaisie, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam.
- La consommation d'énergie des pays membres de l'ASEAN est passée de 233 Mtep en 1990 à 621 Mtep en 2014 selon l’AIE.
- Le scénario « New Policies », scénario de référence de l'AIE, tient compte des objectifs annoncés par les différents pays, y compris lorsque les actions permettant d'atteindre lesdits objectifs restent à préciser.
- Ce modèle de marché n’exige pas une harmonisation complète des réglementations des différents États membres.
- D’une longueur cumulée de 3 631 km.
- Quatre nouvelles interconnexions sont actuellement prévues, toutes à partir du champ gazier géant d’East Natuna en Indonésie.