Exploitation de pétrole aux États-Unis. (©Hess Corporation)
Les incertitudes portant sur les marchés énergétiques « sont encore plus marquées que lors des années passées », a souligné IFP Énergies nouvelles le 16 février dans son bilan annuel(1).
Une chute de 9% de la consommation mondiale de pétrole en 2020
La crise sanitaire et économique(2) a eu un « très fort impact sur le secteur pétrolier », avec une baisse de la consommation mondiale de pétrole de 9% en 2020 par rapport à 2019. Cet impact a été moins significatif pour le gaz naturel (baisse de la consommation mondiale de 3%) que pour les « autres énergies fossiles grâce à une offre compétitive, à la résilience de l’industrie du GNL et aux qualités environnementales de cette énergie qui ont favorisé sa substitution au fioul et au charbon » selon IFP Énergies nouvelles.
Les producteurs de pétrole réunis au sein de l’OPEP+ ont réduit leur production cumulée de près de 7 millions de barils par jour (Mb/j) en 2020 par rapport à 2019, ce qui a « permis d’éviter un trop fort excès d’offre face à une demande en recul en 2020 de plus de 8 Mb/j d’une année sur l’autre et de 10 Mb/j si l’on se réfère aux tendances anticipées avant la crise », rappelle IFP Énergies nouvelles(3). Le cours du baril de Brent, qui avait chuté à 18 $ en avril 2020 (contre 67 $ en janvier 2020), est ainsi remonté à plus de 50 $ en fin d’année 2020.
IFP Énergies nouvelles souligne(4) « la diversité des scénarios » pouvant affecter le marché pétrolier en 2021, compte tenu des nombreuses incertitudes actuelles : efficacité de la campagne de vaccination, rebond de la demande, stratégie des différents producteurs de l’OPEP+, contexte géopolitique (Iran notamment), etc.
La production de pétrole des États-Unis (1er producteur au monde) est en particulier « très délicate à anticiper »(5), celle-ci dépendant non seulement de l’évolution des cours du brut mais aussi de facteurs internes (productivité des puits d’hydrocarbures de schiste, impact de l’élection de Joe Biden, etc.). En « postulant une stabilité de la production unitaire par puits », IFP Énergies nouvelles évoque toutefois « des écarts assez faibles » dans ses différents scénarios sur le niveau de la production américaine de pétrole brut en 2021 (autour de 11 Mb/j, contre 11,3 Mb/j en 2020 et 12,2 Mb/j en 2019), mais des écarts « beaucoup plus marqués en 2022 » (11,6 Mb/j à 13,0 Mb/j ; 11,1 Mb/j selon les prévisions de l’EIA américaine).
Le cours du baril Brent a atteint 42 $ en moyenne en 2020, contre 64 $ en 2019. (©Connaissance des Énergies d’après IFPEN)
Des énergies fossiles encore très majoritaires dans le mix énergétique mondial en 2040
Malgré la baisse de la consommation d’énergies fossiles en 2020, IFP Énergies nouvelles souligne que celles-ci continueront de jouer « un rôle majeur dans le système énergétique mondial d’ici 2050, grâce à la croissance dans les domaines de la chimie et de l’aviation ». IFP Énergies nouvelles estime ainsi que ces énergies fossiles pourraient encore compter pour 64% du mix énergétique mondial en 2040 (contre près de 84% en 2019).
La transition énergétique « ne sera pas une rupture brutale mais progressive », prévoit le président d’IFP Énergies nouvelles Pierre-Franck Chevet. Si le pic de la consommation mondiale de charbon pourrait avoir été atteint en 2014, IFPEN envisage un plateau de la consommation de pétrole « aux environs de 2030/2035 » et à l’horizon 2040/2045 pour celle de gaz naturel.
IFP Énergies nouvelles souligne que la capture de CO2 pourrait être fortement développée à l’horizon 2040 pour « compenser » un mix énergétique mondial toujours très carboné. (©Connaissance des Énergies d’après IFPEN)
Dans une période de « pression forte pour accélérer la transition » énergétique, 38 pays se sont engagés vers la neutralité carbone - un des enjeux de la COP26 - rappelle IFP Énergies nouvelles. L’organisme public de recherche évoque différents thèmes centraux (sur lesquels il développe des projets) :
- la capture, le stockage et l’utilisation de CO2 (CCUS), en particulier pour décarboner l’industrie. Cette « technologie absolument nécessaire » pourrait contribuer pour 15% des baisses d’émissions de CO2 au niveau mondial d’ici 2070 pour atteindre les objectifs climatiques, indique IFP Énergies nouvelles. À l’heure actuelle, 26 unités captant près de 40 millions de tonnes de CO2 par an sont en service dans le monde(6) ;
- l’hydrogène, auquel sont consacrés de nombreux plans publiés dans le monde en 2020 (Union européenne, France, Allemagne, Italie, Pays-Bas, Portugal, Espagne, Norvège, Canada, Chili). IFP Énergies nouvelles estime que la production mondiale pourrait plus que tripler d’ici à 2050 (sur la base des prévisions de l’AIE) en s’appuyant à cet horizon très majoritairement sur une production décarbonée, soit par électrolyse, soit en ayant recours à des systèmes CCUS(7) ;
- la mobilité « durable » : 9,5 millions de véhicules électriques (100% électriques et hybrides rechargeables) ont été vendus dans le monde en 2020 mais, malgré un « développement exponentiel », l’impact de ces ventes sur le stock mondial de véhicules particuliers reste très faible, compte tenu du temps de renouvellement du parc automobile. IFP Énergies nouvelles appelle à déployer d’autres solutions en parallèle : biocarburants de 2e génération et biogaz, primes à la casse, etc.
Des investissements dans la transition énergétique supérieurs à ceux de l’amont pétrolier-gazier
IFP Énergies nouvelles fait état d'un « basculement symbolique en 2020 » : les investissements mondiaux dans la « transition énergétique » (énergies renouvelables, électrification des transports, hydrogène, etc.) ont été supérieurs pour la première fois à ceux dans l'amont pétrolier et gazier, un « phénomène qui devrait s’amplifier » selon Pierre-Franck Chevet (qui souligne d'ailleurs que 55% de l’activité d’IFPEN - anciennement Institut français du pétrole - est désormais consacrée à la transition énergétique et écologique).
Dans le secteur pétrolier et gazier, les investissements en exploration-production « se sont effondrés de plus de 30% en 2020, plombés par la baisse des prix consécutive au ralentissement économique global dû à la pandémie de la Covid-19 », indique IFP Énergies nouvelles(8). Ils se sont élevés à 378 milliards de dollars en 2020 (soit 43% du niveau d’investissements record de l’année 2014)(9), contre 501 milliards de dollars pour les investissements mondiaux dédiés à la « transition énergétique ».
En 2020, « le repli des investissements en exploration-production est particulièrement marqué en Amérique du Nord, où les investissements chutent de 41%, alors que dans le reste du monde, le recul n’est que de 24% », indique IFP Énergies nouvelles. Malgré ce recul, l’Amérique du Nord reste « la région la plus importante en termes d’investissements en E&P puisque qu’elle concentre encore 32% de l’investissement mondial en 2020 ». (©Connaissance des Énergies d’après IFPEN)
L’évolution des investissements mondiaux dans l’amont pétrolier et gazier fait l’objet de très nombreuses incertitudes, « aux premiers rangs desquelles, l’incertitude à court terme sur la résolution de la crise sanitaire et, à moyen et long termes, les nombreuses incertitudes sur la reprise de la demande, sur les perspectives des hydrocarbures de schiste américains, sur la stratégie des majors ». En 2021, ces investissements pourraient « se situer dans une fourchette large, entre – 15% et + 10% » par rapport à 2020, en fonction des cours du pétrole(10).