Colis métallique dans une alvéole du CSA, centre dans l'Aube où sont stockés des déchets radioactifs de faible et moyenne activité à vie courte. (©P. Masson/Andra)
La Commission nationale du débat public (CNDP) a lancé le 17 avril un débat public portant sur la gestion des matières et déchets radioactifs en France. Présentation.
Un débat public de près de 5 mois sur le « PNGMDR »
Depuis 2006, la loi française prévoit qu’un plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (dit « PNGMDR ») soit publié tous les 3 ans. Ce plan doit entre autres « dresser le bilan de la gestion existante des matières et déchets radioactifs », recenser les futurs besoins d’installations d’entreposage et de stockage associés ou encore organiser la mise en œuvre de recherches et études dans ce domaine.
Le 5e PNGMDR, qui porte sur la période 2019-2021, est pour la première fois soumis à un débat public(1) qui a lieu en France du 17 avril au 25 septembre 2019. Ce débat public est animé par une commission particulière de la CNDP (dite « CPDP »), présidée par la magistrate Isabelle Harel-Dutirou(2).
Cette commission prévoit d’ores et déjà d’organiser, outre la réunion d’ouverture à Paris du 17 avril, une vingtaine de manifestations (calendrier accessible ici), avec notamment 4 réunions publiques « généralistes » dans des grandes villes (Bordeaux, Lille, Rennes et Strasbourg) et 16 rencontres thématiques « dans les territoires concernés » (par exemple, un débat le 20 juin sur le stockage géologique à Bar-le-Duc à proximité du site du projet Cigéo). La CPDP envisage par ailleurs d’organiser des « débats mobiles pour aller à la rencontre des citoyens » dans différentes villes et en outre-mer.
Les personnes souhaitant participer à ce débat public peuvent assister à ces différents événements ou intervenir sur une plate-forme en ligne dédiée(3), pour y déposer une contribution ou y poser des questions auxquelles le maître d’ouvrage(4) est tenu d’apporter une réponse claire et pédagogique, précise la CPDP.
Précisons que le budget de ce débat public s’élève à 1,4 million d’euros, contre 500 000 euros pour celui ayant porté sur le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) entre mars et juin 2018.
Les principaux sujets et enjeux de ce débat public
Le débat public porte sur l’ensemble des matières et déchets radioactifs produits en France, qui émanent aujourd’hui pour près de 59% du parc électronucléaire français (58 réacteurs en service, 71,7% de la production d’électricité en France métropolitaine en 2018). Ces déchets ont des niveaux de radioactivité très différents et font l’objet d’une gestion spécifique selon leur classification.
À fin 2017, le parc électronucléaire comptait pour près de 59% du volume de déchets radioactifs produits en France selon les dernières données de l'Andra. (©Connaissance des Énergies, d'après Andra)
Les déchets les plus radioactifs, à haute activité à vie longue (HA-VL) et à moyenne activité à vie longue (MA-VL), seront au centre de nombreux échanges du débat public. Actuellement entreposés en surface, ils doivent faire l’objet d’un enfouissement en couche géologique profonde, à 500 m sous terre (projet Cigéo à Bure)(5). Les opposants à ce projet(6) doutent entre autres de la réversibilité de cette solution de stockage (la loi prévoit que les déchets puissent être récupérés sans risque pendant au moins 100 ans, en cas de solution alternative trouvée durant cette période). Le coût du projet fait également l'objet d'incertitudes (un montant de 25 milliards d'euros est retenu par l'arrêté du 15 janvier 2016, ce coût doit être réévalué périodiquement).
Les capacités actuelles de stockage des différents types de déchets radioactifs seront plus généralement abordées lors du débat public. Pour rappel, les combustibles nucléaires usés sont entreposés en piscine sur les sites des centrales nucléaires, puis dans les installations d’Orano à la Hague. Or, le taux d’occupation des piscines de la Hague était de 94% à fin 2017(7) et de nouvelles capacités d’entreposage seront nécessaires aux environs de 2030 selon les évaluations actuelles.
Ce problème se pose également pour le stockage de déchets radioactifs à très faible activité, dits « TFA », actuellement envoyés au Cires, centre de stockage dans l’Aube dont les capacités pourraient être saturées d’ici 2028. Parmi les sujets de réflexion, le maître d’ouvrage évoque la possibilité d’un stockage de ces déchets à très faibles activité dans des installations de déchets « conventionnels » ou la possibilité de réutiliser certains de ces matériaux.
Les déchets de très faible activité (TFA) et de faible et moyenne activité à vie courte (FMA-VC) comptent pour près de 91% du volume de déchets radioactifs pris en compte par l’Andra à fin 2016. (©Connaissance des Énergies, d’après Andra)
Outre les questions de gestion des déchets radioactifs, d’autres débats techniques vont notamment porter sur le cycle du combustible nucléaire (traitement du combustible usé, distinction entre matières et déchets, etc.). Le débat public soulève également des questions d’ordre « éthique », explique Isabelle Harel-Dutirou : les citoyens sont concernés « en tant qu’habitants ou riverains, les lieux d’entreposage ou de stockage des matières et déchets radioactifs étant nombreux sur le territoire national ».
Dans un délai de deux mois après le débat public, la présidente de la CPDP devra publier un compte rendu des échanges, le maître d'ouvrage disposant par la suite de 3 mois « pour faire connaître ce qu’il a retenu du débat et les suites qu’il compte y donner »(8).