Révision de la PPE : retour sur le débat public de 2018

parue le
Débat public PPE

Selon Jacques Archimbaud, le débat public sur la PPE a été « perçu comme loyal », les critiques n’ayant « pas excédé la passion normale qu’on met habituellement à discuter des choses de la République ». (©CNDP)

Le débat public sur la révision de la programmation pluriannuelle d’énergie (PPE) s’est terminé fin juin, après près de 100 jours d’échanges. La Commission particulière en charge de ce débat a présenté « ses premières réflexions » lors d’une réunion de clôture le 29 juin, en présence du ministre Nicolas Hulot.

Ne pas « rallumer la guerre des énergies »

Au-delà des dissonances entre partisans et opposants aux différentes énergies, la majorité des participants au débat public sur la PPE a affirmé son souhait que l’esprit de la loi de transition énergétique (adoptée à l’été 2015) ne soit pas remis en cause, afin d’ « éviter de rallumer la guerre des énergies ».

Tel est l’un des constats exprimé par Jacques Archimbaud, président de la Commission particulière du débat public sur la PPE, lors de la réunion du 29 juin au Conseil économique, social et environnemental (CESE). Celui-ci a également souligné que demande de « clarté et sortie de l’ambiguïté » revenaient très fréquemment dans les échanges du débat public.

Durant ce débat public, 86 rencontres locales, « des plus institutionnelles aux plus conviviales », ont été organisées, avec près de 8 000 participants(1). Le site du débat public a constitué un outil central du dispositif (près de 45 000 visiteurs uniques) : 111 cahiers d’acteurs y ont été publiés, 624 questions y ont été posées, 474 avis déposés, etc. Sur ce site ont également été mis en ligne 12 vidéos d'ateliers d’information et de controverse(2).

Résultats du questionnaire du débat public

Pour restituer l’avis des participants au débat public, un questionnaire avait été mis en place. Un peu plus de 11 000 personnes y ont répondu(3), dont une majorité d’hommes (71,7%), de cadres (56,4%) et de personnes connaissant d’ores et déjà la PPE (52,6%). Ce public, composé majoritairement de « connaisseurs », a apporté certaines réponses « sensiblement différentes » de celles du G400, groupe de 400 citoyens tirés au sort constitué par la Commission.

Toutes les catégories de participants estiment que la France est « plutôt en retard » au regard des objectifs de la loi de transition énergétique et que les consommateurs usagers sont « insuffisamment informés ». Les politiques énergétiques sont par ailleurs jugées « ni cohérentes, ni compréhensibles par l’ensemble des catégories », précise la Commission. Les citoyens du G400 considèrent également en très forte proportion que les efforts demandés aux Français en matière de transition énergétique sont injustement répartis.

En matière d’énergies renouvelables, le questionnaire fait état d’un appel global à « accélérer les efforts pour la géothermie, les éoliennes en mer, le biogaz, le photovoltaïque » tandis que l’hydroélectricité est « clivante » et que les éoliennes à terre restent « discutées », précise la Commission du débat public.

C’est l’énergie nucléaire qui fait l’objet des plus grandes divergences entre, d'une part, le G400 et les répondants qui ne connaissaient pas la PPE (favorables à ce que de nouvelles fermetures de centrales soient décidées avant 2028, opposés à la construction de nouveaux EPR ou au prolongement de très nombreux réacteurs au-delà de 50 ans d’exploitation) et, d'autre part, ceux qui connaissaient la PPE (« contre les fermetures, favorables à de nouveaux EPR et au prolongement des réacteurs »).

Calendrier

La Commission particulière du débat public doit dorénavant finaliser un rapport qu’elle rendra public « début septembre ». Dans le même temps, le ministère de la transition écologique et solidaire doit dévoiler une première version de la PPE « durant l’été ».

À ce sujet, Jacques Archimbaud a souligné lors de la réunion de clôture que ce n’était pas « faire preuve de mauvais esprit que de s’inquiéter d’un calendrier qui verra la publication de la première version de la PPE alors que les conclusions du débat n’auront pas été intégralement rendues ».

La version 1 de la PPE fera par la suite l’objet de différents avis et consultations (Autorité environnementale, Conseil supérieur de l’énergie, Conseil national de la transition écologique, etc.). Une « consultation électronique du public » aura à nouveau lieu à l’automne, avant que le ministère finalise une version définitive de la PPE avant le 31 décembre 2018.

Priorité à la réduction des consommations d’énergie

Du 19 mars au 30 juin 2018 s’est déroulé en France le début public sur la révision de la PPE. Dans ce cadre, « 86 rencontres publiques auxquelles ont assisté 8 000 personnes » ont notamment été organisées. Le questionnaire visant à recueillir l’avis des Français sur la politique énergétique nationale a reçu près de 11 150 réponses et 400 citoyens tirés au sort (« G400 ») en ont également débattu.

Les échanges et avis exprimés lors ce débat ont été restitués par la Commission particulière du débat public (CPDP) sous la forme d’un rapport(1) faisant notamment état de critiques sur la gouvernance d’ensemble de la politique énergétique française : politiques publiques « peu lisibles et manquant de cohérence entre ministères et entre les différentes niveaux de décision », manque de coordination avec les autres politiques européennes, absence d’indicateurs permettant une prise de décision éclairée, etc.

Afin de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre et les dérèglements climatiques associés (nécessité qui fait « consensus » au sein des participants du débat public), c’est la réduction des consommations d’énergie qui est reconnue comme prioritaire, « notamment en matière de bâtiment et de mobilité », les deux secteurs les plus énergivores en France. À cette fin, la loi de transition énergétique adoptée à l’été 2015 est jugée comme un outil « équilibré » par la « majorité des participants », malgré quelques « ajustements nécessaires ».

Plus de clarté sur le nucléaire

Dans son rapport final, la CPDP appelle le gouvernement à « tenir compte des souhaits formulés dans le débat public quant à une place plus importante pour l’hydroélectricité, le biogaz, le solaire thermique, la géothermie et un renforcement du fonds chaleur ». Le développement des énergies renouvelables, « globalement approuvé », reste toutefois soumis à de « fortes exigences critiques » telles que « la baisse de leur coût sur le soutien public ».

Bien que la nécessité de ne pas se focaliser sur le vecteur électrique (qui compte pour près d’un quart de la consommation finale d’énergie en France(2)) soit rappelée, l’avenir du parc nucléaire français fait l’objet de nombreuses interrogations. Des précisions sont notamment attendues sur la « politique en matière de carénage et d’ouverture éventuelle de nouveaux réacteurs de type EPR » et sur « le calendrier permettant l’atteinte des objectifs de réduction à 50% de la part de nucléaire dans la production électrique » (contre 71,6% du mix électrique en 2017).

Pour la majorité des participants au débat public, l’objectif de 50% de nucléaire dans le mix électrique français « doit être maintenu » bien que cette cible soit reconnue comme « symbolique ». « Il apparaît que le recul de l’échéance de 2025 (ndlr : cible initialement inscrite dans la loi de transition, reportée par le ministère en novembre 2017) est mieux compris par les spécialistes que par les personnes éloignées traditionnellement du secteur de l’énergie et qu’un recul de cette échéance au-delà de 2035 paraîtrait à celles-ci largement dilatoire ». Début septembre, le Premier ministre Edouard Philippe a évoqué 2035 comme horizon possible pour atteindre cet objectif.

Le nouveau ministre de la transition écologique et solidaire François de Rugy a annoncé une présentation de la première version de la PPE « à la fin du mois d’octobre ». Le texte fera par la suite l’objet de différents avis et consultations (Autorité environnementale, Conseil supérieur de l’énergie, Conseil national de la transition écologique, etc.). Une « consultation électronique du public », à laquelle la CNDP souhaite être associée, aura à nouveau lieu avant que le ministère finalise une version définitive de la PPE avant le 31 décembre 2018.

Retour sur le G400

Il s’agit de la « plus grande réunion d’habitants tirés au sort(1) jamais organisée en France » selon la CNDP : près de 400 citoyens se sont retrouvés à l’hôtel de Lassay le samedi 9 juin pour se prononcer sur « les questions clés de la politique française de l’énergie ».

Les membres de ce « G400 » de citoyens ont débattu en groupes de 10 à 12 personnes. Ces échanges ont été animés avec le soutien des membres de la CNDP et supervisés par 10 observateurs extérieurs veillant à l’impartialité de l’organisation.

À l’issue de ces échanges, les membres du G400 ont répondu par vote électronique au questionnaire du débat public sur la PPE. Ce questionnaire a déjà reçu près de 8 000 réponses en ligne selon la CNDP.

Il ressort globalement du vote et des échanges de ces citoyens un attachement à la loi de transition, jugée comme « un compromis assez équilibré qui donne satisfaction et permet de conserver un climat serein », indique Jacques Archimbaud, président de la Commission particulière du débat public sur la PPE. Le G400 a d'ailleurs majoritairement considéré que la France était plutôt « en retard » au regard des objectifs de ladite loi (question 1 du questionnaire).

La Commission nationale du débat public « demande depuis longtemps qu’on discute des plans et programmes et pas seulement des équipements en aval », indique Jacques Archimbaud. Avec la révision de la PPE, qui est soumise par la loi à débat public (comme tout plan soumis à évaluation environnementale), c’est chose faite. L’objectif dudit débat n’est toutefois « pas de revenir sur la loi de transition énergétique adoptée à l’été 2015 mais d’examiner la façon dont elle peut être déclinée dans les 5 et 10 ans à venir », rappelle Jacques Archimbaud, comme l’avait fait il y a quelques semaines le président de l’Ademe Arnaud Leroy.

Depuis le 19 mars jusqu’au 30 juin, la CNDP « mène le débat » en se gardant de prendre position sur le fond, en tant qu'autorité administrative indépendante. Dans son cahier des charges figure un « diagnostic » de la situation actuelle, un exercice peu évident selon Jacques Archimbaud qui fait état des positions contrastées des intervenants : ceux qui jugent la loi inappropriée au motif qu'elle poursuit deux objectifs contradictoires avec la décarbonation et la réduction du nucléaire, ceux qui jugent que les progrès de mise en œuvre de la loi sont liés à la croissance, ceux plus optimistes qui soulignent les efforts réalisés, etc.

Un autre enjeu consiste à analyser « les conditions pour poursuivre et accélérer les efforts » de transition énergétique, en veillant notamment à une juste répartition (sociale, environnementale, économique et territoriale) de ces efforts. Les mix énergétique et électrique sont sans surprise au cœur des échanges du débat public, avec une attention centrale portant sur l’évolution des consommations. Si un consensus relatif porte sur la baisse des consommations d’énergie, l’évolution de la demande d’électricité fait davantage débat, notamment entre EDF qui annonce dans son cahier d'acteur « une hausse modeste de la consommation d’électricité sur les deux prochaines décennies, entre 0 et 0,5% par an » et le gestionnaire de réseau RTE qui penche davantage pour une réduction.

La gouvernance constitue un dernier enjeu non négligeable abordé par le débat public, notamment pour s’assurer de la « cohérence des politiques publiques et de filières » mais aussi « entre l’État et les opérateurs énergétiques ou les territoires ».

Près de 10 000 participants aux réunions selon les premières estimations

« Même si les échanges sont passionnés, nous n’aurions pas eu ce débat aussi sereinement il y a 10 ans », estime Jacques Archimbaud, après près d’un mois et demi d’échanges. Selon lui, « le compromis de la loi de transition énergétique est globalement admis » malgré des voix discordantes.

À ce jour, une quarantaine de réunions publiques ont déjà été organisées, en présence d’une centaine de personnes en moyenne. Avec le mois de juin « très dense », Jacques Archimbaud « estime à près de 10 000 le nombre de personnes qui auront participé fin juin aux différentes réunions publiques, ce qui est un bon niveau de participation en matière de débat public ».

Le site internet, où sont postés les contributions et commentaires, a déjà été consulté par 35 000 visiteurs uniques et plusieurs milliers de réponses ont été apportées au questionnaire du débat en ligne(1). Ce sont principalement les professionnels de l’énergie qui y sont actifs mais Jacques Archimbaud signale de nombreuses questions « naïves ou pointues » témoignant de l’intérêt des Français pour l’énergie, « un sujet compliqué mais sur lequel chacun a une expérience ».

La participation du grand public dans le cadre de ce débat reste toutefois contrainte par les moyens limités impartis : un budget de 500 000 euros hors taxes, contre deux à trois millions d’euros en moyenne pour un débat mené par l’État. La CNDP a pourtant constaté, comme le souligne fréquemment le médiateur de l’énergie, qu’il y avait « un vrai problème d’information du consommateur qui est rappelé dans chaque réunion ».

Le G400, un « exercice citoyen atypique »

Pour donner la parole au « grand public », 400 citoyens en France ont été tirés au sort (avec une parité de genre et géographique) et ont reçu des fiches thématiques sur le débat relatif à la PPE. Ce « G400 » se réunit le 9 juin à l’Hôtel de Lassay de l’Assemblée nationale. Après des discussions en petits groupes, il votera sur les grandes questions du débat public.

Les personnes participantes sont « sensibilisées au sujet depuis 2 mois mais ce ne sont pas des spécialistes », insiste Jacques Archimbaud, celles-ci n’ayant pas été formées comme dans des conférences de citoyens. « Ce sera un très bel outil de comparaison avec ce qui se dit sur le site et dans les réunions publiques » où interviennent des personnes intéressés a priori par les questions énergétiques, souligne Jacques Archimbaud. Cet « exercice atypique », une première en Europe selon la CNDP, est attendu « avec fébrilité » par certains, tant les conclusions du G400 sont incertaines.

Après cette réunion, l’autre grand temps fort du débat public interviendra le 29 juin au Conseil économique, social et environnemental. La CNDP y « restituera les premiers éléments du débat aux ministres qui voudront venir l’entendre et aux participants » avant de rédiger un rapport détaillé pendant l’été. La révision de la PPE devra pour sa part être adoptée par décret avant le 31 décembre 2018.

Sur le même sujet