EDF doit revendre à ses concurrents un quart de la production électrique issue de son parc nucléaire français. Ici, les tours de refroidissement de la centrale de Nogent-sur-Seine. (©photo)
Présentation
La loi du 7 décembre 2010 relative à la « Nouvelle organisation du marché de l’électricité », dite loi Nome, prévoit la réorganisation et la régulation de ce marché sur la base d’un encouragement de la concurrence. Elle répond à l’ambition européenne de libéraliser complètement le marché de l’électricité pour le rendre compétitif au bénéfice du consommateur et de l’économie européenne.
La France est en effet soumise à une directive communautaire de 2003 qui impose une concurrence réelle et équitable entre les différents fournisseurs d’électricité en vue de la mise en place d’un marché unique de l’électricité. Si les particuliers ont la possibilité de s'adresser aux fournisseurs d'énergie de leur choix depuis le 1er juillet 2007, le fournisseur historique EDF conserve une position dominante en France avec son parc nucléaire (qui assure près de 75% de la production d’électricité nationale).
Dans cette optique, la loi Nome impose à EDF de céder près d’un quart de sa production nucléaire à la concurrence à un prix défini par arrêté, dit ARENH (tarif d’Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique). Ce prix, censé représenter le coût complet de production, a été défini après de longs débats. La Commission de Régulation de l’Energie (CRE) est en charge du contrôle du partage des volumes d’électricité entre les différents fournisseurs.
Parmi les 29 articles de la loi Nome, d’autres dispositions concernent notamment la sécurité de l’approvisionnement énergétique, les tarifs réglementés ainsi que la composition et les missions de la CRE.
Adoptée définitivement le 24 novembre 2010, la loi Nome est entrée en vigueur le 1er juillet 2011.
Objectifs
La loi Nome s’articule autour de 5 principes :
- assurer un accès régulé à l’électricité de base (définie comme la « part d’électricité fournie correspondant à la production des centrales fonctionnant en permanence à l’exception des périodes d’arrêt pour maintenance ») d’EDF pour les autres fournisseurs d’électricité (dans les mêmes conditions économiques qu’EDF) ;
- offrir aux consommateurs la possibilité de choisir des offres émanant de différents fournisseurs ;
- renforcer la sécurité d’approvisionnement de la France, chaque fournisseur d’électricité devant disposer directement ou indirectement, des capacités de production ou d’effacement (non-consommation d’électricité pendant une certaine durée ou report de cette consommation)(1) suffisantes pour approvisionner à tout moment ses clients ;
- éviter les effets d’aubaine en garantissant par une clause de complément de prix que l’électricité de base acquise par les fournisseurs alternatifs est « strictement proportionnée » à leurs besoins ;
- conforter les tarifs de vente réglementés (fixés conjointement par les ministres en charge de l'économie et de l'énergie, sur avis de la CRE) pour les petits consommateurs tandis que ceux destinés aux « gros » consommateurs (tarifs jaune et vert) doivent être supprimés d’ici 2015 et laisser la place à des offres de marché.
Pour rappel, seul le fournisseur historique, EDF, peut proposer des tarifs réglementés puisqu’il a signé un contrat de service public(2) avec l’État. Les principales catégories de tarifs réglementés d’électricité dépendent de la puissance souscrite et de la tension de raccordement.
Différentes catégories de tarifs réglementés, présentées ci-dessous, permettent à l’État de tenir compte du type de consommateur et de contrôler les augmentations de tarifs.
Les tarifs réglementés de l'électricité pour les professionnels (jaunes et vers, puissance supérieure à 36 kVA) ont été supprimés en 2016.
L'ARENH
Le 19 avril 2011, le ministre en charge de l’énergie Eric Besson, annonce que le tarif ARENH sera de 40 euros par mégawattheure (MWh) entre le 1er juillet et le 31 décembre 2011 et de 42 euros par MWh du 1er janvier 2012 au 31 juillet 2012. Ce prix est encore en vigueur aujourd'hui et le sera jusqu'à la fin du système de l'ARENH en décembre 2015.
Lors des négociations en 2010 et 2011, EDF avait exprimé son souhait de voir ce prix fixé à un montant minimum de 42 euros par MWh afin de couvrir les investissements à réaliser sur son parc nucléaire tandis que les fournisseurs alternatifs plaidaient pour un tarif proche de 35 euros.
Lors de son annonce, Eric Besson conteste tout lien mécanique de ce prix de gros avec les prix de détail. La Commission Champsaur, dont les conclusions ont largement inspiré la loi Nome, avait pourtant plaidé pour un prix de départ de 39 euros afin d’éviter des répercussions sur l’électricité vendue aux ménages.
Enjeux pour le marché français de l'énergie
Ouverture à la concurrence
EDF gère le parc nucléaire français et bénéficie de faibles coûts de production (les coûts d’investissement très élevés étant amortis). Le groupe dégage ainsi des marges qualifiées de « rente nucléaire ».
Aucun concurrent d’EDF n’a encore réussi à s’imposer depuis l’ouverture de la concurrence du marché de l’électricité imposée par Bruxelles. La vente d’une partie de la production nucléaire du groupe historique (volume maximal de 100 térawattheures par an(3), 1 TWh = 109 kWh) doit permettre une véritable libéralisation du secteur de l’électricité réclamée par la Commission européenne.
La loi Nome intègre un principe de réversibilité : une entreprise ou un particulier peut quitter EDF pour signer un contrat avec un fournisseur alternatif puis revenir au tarif réglementé de l’opérateur historique.
Types de contrats
Il existe 2 types de contrats :
- les contrats aux tarifs réglementés (proposés uniquement par les fournisseurs historiques). Les pouvoirs publics contrôlent les tarifs réglementés par le biais de la CRE et du ministère en charge de l’énergie. Les tarifs réglementés de détail resteront fixés par le gouvernement jusqu’en 2015 ;
- les contrats en offre de marché (proposés par les fournisseurs historiques et alternatifs) ;
Des contrats au TaRTAM (Tarif Réglementé Transitoire d’Ajustement du Marché) ont été mis en place de juin 2007 à juillet 2011 afin de permettre aux entreprises ayant quitté le tarif réglementé d’EDF de conserver un prix régulé et éviter une augmentation brutale du prix de marché de l'électricité.
Ce tarif transitoire a pris fin dès qu'une partie de la production d’électricité nucléaire d’EDF a été revendue aux fournisseurs alternatifs au prix ARENH.
Garantie de l’équilibre offre-demande
La loi Nome prévoit dans le même temps que tous les fournisseurs, historique (EDF) ou « alternatifs » (GDF Suez devenu Engie, Direct Energie racheté depuis par TotalEnergies, etc.), sont contraints de disposer, en permanence, de capacités de production et d'effacement suffisantes pour assurer le bon équilibre entre offre et demande d’électricité.
Dates clés
La loi Nome reprend les grandes conclusions du rapport de la Commission Champsaur. Elle était censée entrée en vigueur le 1er juillet 2010, trois ans après l’ouverture du marché aux particuliers mais a été l’objet de nombreux débats, en particulier pour fixer le tarif ARENH.
- Octobre 2008 : Jean-Louis Borloo confie à Paul Champsaur, haut fonctionnaire français, et ancien président de l’Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes (ARCEP), la présidence d’un groupe de travail chargé de réfléchir à l’évolution et l’encadrement des prix de l’électricité en France.
- Avril 2009 : le rapport de la commission est rendu. Il préconise que tous les fournisseurs d’électricité puissent avoir accès à l’électricité nucléaire d’EDF au coût de revient. Cette mesure doit préserver l’intérêt des consommateurs.
- Octobre 2009 : des discussions tendues ont lieu entre les pouvoirs publics et EDF qui ne veut pas céder une partie de sa production à prix cassé. Henri Proglio, futur président d’EDF, affirme sa détermination à lutter contre le projet de loi.
- 14 avril 2010 : la loi Nome est présentée en Conseil des ministres.
- Mai 2010 : les désaccords à l’Assemblée nationale se concentrent sur la question des tarifs, suite à une audition des présidents d’EDF et de la CRE (qui annonce à l'époque une hausse des tarifs résidentiels de 7,1 à 11,4% d’ici à 2011).
- Septembre 2010 : la réforme arrive en discussion au Sénat.
- Novembre 2010 : le projet de loi est étudié en deuxième lecture à l’Assemblée nationale. Il est voté dans la nuit du 24 au 25 novembre.
- 7 décembre 2010 : la loi Nome est promulguée.
Acteurs concernés
La CRE
Autorité administrative indépendante chargée de veiller « au bon fonctionnement » des marchés de l’électricité et du gaz en France. Son collège composé de 5 membres (un président et quatre commissaires, nominés(4) pour une période de six ans non renouvelable) est responsable des échanges réalisés dans le cadre de l’ARENH.
Les consommateurs d’électricité
- les grands sites non résidentiels (dont la puissance souscrite est supérieure ou égale à 250 kW, avec une consommation annuelle généralement supérieure à 1GWh) ;
- les sites moyens non résidentiels (dont la puissance souscrite est comprise entre 36 kVA et 250 kW et la consommation annuelle est en général comprise entre 0,15 GWh et 1 GWh) ;
- les petits sites non résidentiels (dont la puissance souscrite est inférieure ou égale à 36 kVA et la consommation annuelle est généralement inférieure à 0,15 GWh) ;
- les sites résidentiels (dont la puissance souscrite est inférieure ou égale à 36 kVA).
Sur les zones de desserte d'ENEDIS, les consommateurs sont libres de choisir leur fournisseur d'électricité.
Source : CRE - Graphique : Selectra
Les fournisseurs d’électricité
L’opérateur historique EDF et les fournisseurs alternatifs. Alors que le nombre d'acteurs augmentait chaque année, la crise des prix de l'énergie a causé la fin des activités d'un bon nombre d'entre eux. On en dénombre une vingtaine encore aujourd'hui.
Nombre de fournisseurs d'énergie avec des offres ouvertes à la souscription sur territoire Enedis - source Selectra
EDF demeure le leader, mais ses parts de marché sont grignotées d'année en année. Environ 7 Français sur 10 sont encore chez le fournisseur historique.
Parts de marché des principaux fournisseurs d'électricité en France métropolitaine sur le segment résidentiel - Source : CRE