La CRE évalue les investissements nécessaires dans le réseau électrique français à plus de 1,2 Md€ en 2012. Ce chiffre tend à la hausse avec la connexion de nouveaux moyens de production. (©photo)
Le parti socialiste et Europe Ecologie-Les Verts se sont mis d’accord pour réduire la part du nucléaire dans le mix électrique français de 75% à 50% d’ici à 2025. Chacun cherche à chiffrer le coût et le gain d’une telle transition. L’Institut Montaigne, think tank indépendant qui évalue actuellement le coût de différentes mesures des candidats à l’élection présidentielle, s’est prêté à cet exercice.
Le passage de l'atome à 50% évalué à 124 milliards
L’accord conclu entre le PS et EELV prévoit la fermeture de 24 des 58 réacteurs français. Une mesure chiffrée à 124 milliards d’euros par l’Institut Montaigne sur la période 2012-2030. Un gros tiers de ce surcoût (près de 45 milliards) serait dû au recours à des énergies actuellement plus onéreuses (énergies renouvelables et gaz), le reste (presque 80 milliards) étant imputé aux surcoûts « systémiques ». Ces surcoûts systémiques englobent en particulier les dépenses nécessaires pour réduire la demande d’énergie (efficacité énergétique, mesures incitatives, etc.).
Cette baisse de la demande doit permettre de supporter la baisse globale de la production électrique que les énergies renouvelables et le gaz ne sauraient compenser. Ce volet fait écho au scénario négaWatt qui envisage une sortie du nucléaire en portant les efforts en amont sur des progrès en termes d’efficacité énergétique et de sobriété. Les énergies renouvelables nécessitent, d’autre part, le déploiement d’un réseau électrique décentralisé alors que celui-ci est actuellement très centralisé autour du parc nucléaire, notre l’Institut Montaigne. Le think tank rappelle à ce propos que l’Agence allemande de l’énergie projette l’installation de 4000 km de lignes à haute tension d’ici à 2025(1) pour faire face à la sortie allemande du nucléaire à l’horizon 2022.
L’Institut Montaigne reconnait toutefois que son chiffrage n’est que « moyennement fiable faute d’informations suffisantes », notamment sur l’échéancier de la réduction du parc nucléaire (sa puissance installée diminuant de 65 GW à 40 GW). Il estime d’autre part que l’arrêt du nucléaire civil en 20 ans, proposé par Eva Joly, coûterait de 154 milliards (fourchette basse) à 324 milliards d’euros (fourchette haute) d’ici à 2030. Le coût de démantèlement des sites nucléaires, déjà provisionné par les exploitants nucléaires, n’est pas inclus dans l’évaluation de l’Institut Montaigne.
Quid des emplois de la filière
Le chiffrage de l’Institut Montaigne ne prend pas non plus en compte les impacts sociaux et économiques globaux liées à la réduction d’activité de la filière nucléaire et aux impacts symétriques liés au développement des énergies renouvelables. Cette question de l’emploi et de la reconversion éventuelle des travailleurs du secteur nucléaire fait largement débat.
Par exemple, le PS et EELV envisagent une reconversion de la filière de retraitement et de fabrication du combustible MOX en maintenant le nombre d’emplois « par la mise en œuvre de centres d’excellence du traitement des déchets et du démantèlement ». Dans une tribune parue dans les Echos du 21 novembre, le président du directoire d’Areva, Luc Oursel, estime que cette ambition est « irréaliste, la création d’une filière de démantèlement ne pouvant représenter globalement qu’environ 10% des 45 000 emplois directs détruits »(2).
Les débats sur l’avenir de l’atome sont ainsi loin d’être clos et s’avèrent ardus à trancher. Les paragraphes qui lui consacrés dans le programme commun du parti socialiste sont symboliques de l’incertitude autour de la filière nucléaire. Il y est acté la volonté de « sortir de la dépendance » de l’énergie nucléaire tout en la qualifiant de « fleuron industriel, un socle de technologie et de savoir-faire », garant de l’indépendance énergétique française.