L'essence de contrebande colombienne « à la rescousse » d'un Venezuela en panne sèche

  • AFP
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Avant, l'essence bon marché importée illégalement du Venezuela inondait l'est de la Colombie. Mais aujourd'hui, le Venezuela est en panne sèche et le trafic se fait en sens inverse. Résultat : dans l'ouest du Venezuela "on n'a plus vu" d'essence locale depuis des mois.

Les carburants colombiens introduits illégalement au Venezuela sont "une bouée de sauvetage", lance Roger qui vit à Santa Cruz de Mara, près de Maracaibo, dans l'ouest du pays. "Sans elle, rien ne roulerait plus", affirme ce vendeur de fruits et légumes.

Car le Venezuela dispose des plus grandes réserves prouvées de pétrole au monde dans ses sous-sols. Mais il est chroniquement en panne sèche. Pour soulager son allié sud-américain, l'Iran a envoyé cinq navires-pétroliers avec un total de 1,5 million de barils en mai et juin. Mais cette solution n'a eu qu'un temps. Depuis environ deux semaines, les files d'attente aux stations-service ont refait leur apparition, même à Caracas, d'ordinaire plutôt épargnée par les pénuries.

Dans l'ouest, à la poreuse frontière avec la Colombie, les contrebandiers se sont adaptés. Si avant ils trafiquaient de l'essence vénézuélienne, très bon marché, vers la Colombie, ils font aujourd'hui le trajet inverse.

À l'instar de Marco, dont le prénom a été modifié. Il le dit ouvertement : "les fonctionnaires", c'est-à-dire les militaires et policiers vénézuéliens sont de mèche. "Ils nous renseignent sur les jours pendant lesquels ils peuvent nous laisser passer" la frontière, affirme-t-il.

Tout dépend des "moscas" (les mouches, en espagnol), chargés de verser les bakchichs aux agents déployés aux barrages sur le chemin des contrebandiers. "On part de Maicao (ville en Colombie) quand on reçoit le feu vert. Les routes sont nombreuses, mais à chaque voyage ce sont les moscas qui décident de l'itinéraire selon les informations qu'on leur a données", raconte Marco. À la frontière, les contrebandiers empruntent les "trochas", des sentiers qui permettent d'entrer illégalement au Venezuela.

Quel paradoxe que le Venezuela soit à ce point à sec au moment où "le monde nage littéralement dans l'essence à cause des surplus" occasionnés par la chute de la demande mondiale liée à la pandémie de coronavirus, observe l'économiste José Manuel Puente.

« Tombés bien bas »

L'industrie pétrolière a été la pierre angulaire de l'émergence économique du pays il y a un peu plus d'un siècle et sa principale source de revenus. Mais de 3,2 millions de barils par jour il y a douze ans, sa production est tombée à moins de 400 000 barils par jour en juillet.

Pour le gouvernement socialiste de Nicolas Maduro, le coupable sont les sanctions draconiennes imposées par les États-Unis. L'opposition et les analystes pointent, eux, la corruption et l'incurie des responsables du secteur.

Autre écueil : le prix de l'essence à la pompe. Jusqu'en juin, elle était quasiment gratuite. D'où, aussi, les bénéfices astronomiques que réalisaient les contrebandiers vénézuéliens en Colombie.

Face au manque à gagner, Nicolas Maduro a décidé d'élever le prix du litre à la pompe à 50 centimes de dollar à certaines stations-service. D'autres conservent des prix symboliques, mais elles ne s'adressent qu'aux Vénézuéliens détenteurs du "carnet de la Patrie", une carte qui donne accès aux aides de l'Etat.

Dans les faits, les pénuries d'essence à répétition précipitent les automobilistes dans le marché noir. Et là, les prix sont autrement plus salés : entre 2 et 3 dollars le litre. En Colombie voisine, il tourne autour de 0,6 dollar à la pompe.

En l'espace de quelques semaines, le Venezuela "est passé du statut de pays à l'essence la moins chère au monde à celui de pays à l'essence la plus chère au monde", résume José Manuel Puente.

Dans un quartier déshérité de Maracaibo, la vente d'essence colombienne de contrebande se fait en plein jour. En bord de route, les vendeurs agitent des morceaux de carton sur lesquels est inscrit le prix demandé pour un bidon de 20 litres : 25 dollars pour les moins chers, 30 dollars voire plus pour les plus onéreux.

"Je n'aurais jamais pensé que notre pays aurait un jour à acheter de l'essence colombienne de contrebande ou à l'importer d'Iran", se désole José Ochoa, technicien en réfrigération. "Je n'aurais jamais pensé que nous tomberions si bas".

Commentaires

Camille Rutili
Lorsque le soviétique Chavez a nommé des commissaires du peuple pour contrôler l’industrie pétrolière,il était évident que la fin de celle ci était prévisible Les Usa n’y sont pour rien J’ai vécu dix ans dans ce pays merveilleux de 1975 à 1985 C’était l’abondance et la joie de vivre,même chez les soi disant pauvres La corruption hehontee des dirigeants politiques A provoqué un rejet de ceux ci par le peuple qui s’est-il laissé séduire par un bateleur génial Qui s’est révélé par la suite beaucoup plus corrompu que ses prédécesseurs et un piètre administrateur de ce pays qui dispose de réserves minières gigantesques or charbon fer diamant bauxite Et des possibilités hydrauliques immenses Pauvre pays riche dont le peuple magnifique ne mérite pas ce sort Conclusion la démocratie est fragile et il suffit d’un seul homme pour ruiner un pays
Louis Lacourcière
Camille a un analyse tout à fait juste de la situation passée. J’ai passé beaucoup de temps des années 82 à 2017 et je suis en communication quotidienne avec des gens qui vivent cet enfer. La corruption omniprésente dépasse l’imagination.

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