Nucléaire : un EPR raccordé à Flamanville, quelles ambitions pour demain ?

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Le réacteur nucléaire EPR, à l'origine projet franco-allemand, a été conçu pour plus de puissance et de sûreté. Alors que la première unité lancée a été raccordée samedi à Flamanville après bien des déboires, la France affiche ses ambitions pour cette technologie, sur son territoire comme à l'étranger.

Aux origines du projet EPR

Lancé à la fin des années 1980, le projet de réacteur pressurisé européen (EPR) visait une plus grande puissance et une sécurité accrue, et ainsi à relancer l'atome en Europe après la catastrophe de Tchernobyl de 1986.

D'abord collaboration franco-allemande, il a été développé au sein d'une co-entreprise réunissant Framatome (devenu Areva) et Siemens, jusqu'à ce que ce dernier se désengage après l'accident en 2011 de Fukushima au Japon.

Techniquement, c'est une évolution des réacteurs à eau pressurisée, les plus utilisés en France et dans le monde, pour améliorer notamment la protection des travailleurs et prendre en compte, dès la conception, le risque d'accident avec fusion du coeur du réacteur, explique l'Institut de sûreté nucléaire (IRSN).

L'EPR bénéficie de multiples systèmes de sauvegarde pour refroidir le coeur en cas de défaillance, d'une coque de protection en béton et acier et d'un récupérateur de corium censé réduire les conséquences en cas d'accident grave.

Avec 1 650 mégawatts de puissance nominale, l'EPR de Flamanville, sous son dôme de béton de 50 mètres de diamètre, est le plus puissant réacteur du parc nucléaire français (qui en compte 57, derrière les USA et la Chine, la France tirant plus de 60% de son électricité du nucléaire).

Des difficultés en pagaille

Mais sa construction aura duré 17 ans, un chantier émaillé d'épreuves: fissures dans le béton de la dalle, anomalies dans l'acier de la cuve, défauts de soudure sur les traversées de l'enceinte de confinement...

Les raisons: perte de compétences dans la filière nucléaire, estimations initiales irréalistes... La Cour des Comptes a aussi relevé "un défaut d'organisation du suivi par EDF" et un "manque de vigilance des autorités de tutelle".

En Chine et en Finlande, trois autres EPR ont été construits et mis en service, avec plus ou moins de difficultés.

Aujourd'hui, EDF explique travailler sur une version "optimisée" dite "EPR2", "plus simple à construire", bénéficiant d'un effet de série (construction par paires), de préfabrication en usine, et "conçue de façon numérisée".

Et une ambition : la relance avec des « EPR 2 »

Le président Emmanuel Macron a annoncé en 2022 la relance de l'atome civil sur le territoire, après plusieurs années de hiatus, avec la commande à EDF de six EPR2 et une option pour huit supplémentaires. Une mise en service est espérée à l'horizon 2035 pour la première paire en Normandie.

L'entreprise publique discute aussi avec les Pays-Bas, la Pologne, la Finlande, la Suède... au moment où le nucléaire bénéficie d'un regain d'intérêt sur fond d'impératif climatique et de recherche d'une plus grande indépendance vis-à-vis à de la Russie, premier exportateur de centrales.

La République tchèque, à qui EDF proposait un EPR 1200 (moyenne puissance), a cependant préféré le sud-coréen Kepco.

Un coup dur pour l'électricien, qui table sur la construction de "1 voir 1,5" réacteur par an en Europe afin de trouver un "effet de massification pour améliorer la compétitivité", annonçait il y a un an Luc Rémont, PDG d'un groupe lourdement endetté.

A Flamanville, les retards ont fait quadrupler la facture. A Hinkley Point (Angleterre), où EDF construit deux EPR, le groupe annonçait en janvier un possible retard de six ans et un quasi-doublement du coût. En France, la facture provisoire des six EPR2 annoncés aurait déjà augmenté de 30% (à 67,4 milliards), selon le journal Les Echos.

Débats

En attendant, le débat public sur les deux futurs EPR2 de Penly (Seine-Marime) s'est tenu en 2022-23 et un autre est en cours pour Gravelines (Nord). Bugey (Ain) accueillera la 3e paire.

Calendrier, conception, coût, emploi... "On a essayé d'imaginer tous les sujets", a expliqué Luc Marin, président du débat de Gravelines, citant aussi "des inquiétudes sur le risque nucléaire, la radioactivité, les déchets (...) plus largement sur l'environnement".

Enfin, pour compléter ce déploiement, la France, comme d'autres, voudrait se doter de "petits réacteurs modulaires" (SMR), destinés à électrifier des sites industriels ou produire de la chaleur.

Ces équipements sont pour certains des versions réduites des réacteurs à eau pressurisée, mais nombre sont encore au stade du démonstrateur. EDF a annoncé cet été revoir les plans de son projet Nuward pour travailler à un autre design.

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