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La Commission européenne dévoile mercredi son plan de bataille pour le climat, un colossal ensemble législatif baptisé "Fit for 55" ("Paré pour 55") en référence à l'objectif de l'UE de réduire ses émissions carbone de 55% d'ici 2030.
Voici les principales propositions attendues, qui seront ensuite négociées longuement entre États et Parlement européen.
Marché du carbone élargi
Selon un projet vu par l'AFP, la Commission veut élargir l'actuel marché du carbone européen, où les entreprises de certains secteurs --industrie, électricité, vols aériens dans l'UE - peuvent acheter ou s'échanger les quotas d'émissions de gaz à effet de serre auxquels ils sont soumis. Ce système, connu sous le sigle ETS ("Emissions trading system"), serait étendu au transport maritime, pour les navires à destination ou en partance des ports de l'UE, pour peser sur le coût du fret maritime.
Surtout, le principe serait également appliqué au transport routier et au chauffage des bâtiments (les fournisseurs de carburants et de fioul domestique devraient donc acheter eux aussi des "droits à polluer"), dans un marché carbone parallèle mais soumis au même prix du CO2. Un marché "séparé mais adjacent" pour "éviter de perturber" l'ETS actuel, selon l'exécutif européen. Une fusion entre les deux systèmes pourrait être envisagée "après quelques années".
Fin des quotas gratuits
Pour les secteurs actuellement concernés par l'ETS, soit 40% des émissions de l'UE, les "droits à polluer" requis sont largement couverts par des allocations de quotas gratuits offerts aux entreprises pour leur permettre d'affronter la concurrence des importations venues de pays tiers.
Or, la Commission proposera mercredi de soumettre les importations dans cinq secteurs (acier, aluminium, ciment, engrais, électricité) aux règles de l'ETS européen, en leur imposant des "certificats d'émissions" calculés sur le prix de la tonne de carbone dans l'UE. En traitant à égalité importations et production locale, Bruxelles estime rester dans les clous des règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et contrer les accusations de "protectionnisme".
Dans les secteurs visés par cet "ajustement aux frontières", Bruxelles prévoit en contrepartie de supprimer progressivement les quotas gratuits aux entreprises de l'UE, à mesure que montera en puissance le mécanisme pénalisant les importations. La date d'application du nouveau système reste incertaine. D'après le site d'information Contexte, il pourrait ne démarrer qu'en 2026, contre 2023 évoqué dans un projet de la Commission en juin, avec une transition sur dix ans.
Dans les autres secteurs, la distribution de quotas gratuits serait maintenue mais subordonnée à des critères plus stricts, pour inciter les entreprises à émettre moins. Le volume de quotas en circulation serait également réduit d'année en année.
L'usage des recettes de l'ETS serait mieux ciblé, pour ne plus soutenir les investissements dans le gaz, même au nom de la transition énergétique, et pour financer plus facilement les projets de technologies propres des entreprises --en récompensant leurs réductions d'émissions sur la base d'un prix fixe du CO2 déconnecté des variations du marché.
Fin des voitures à essence
Selon plusieurs sources, la Commission envisagerait la suppression complète des émissions automobiles à partir de 2035. Les véhicules électriques à batteries étant les seuls à satisfaire cette exigence, ils deviendront de facto les seuls autorisés sur le marché du neuf.
Transport aérien
Selon plusieurs sources, la Commission envisagerait une taxation du kérosène pour les vols à l'intérieur de l'UE, en mettant progressivement fin à l'exemption dont le carburant aérien bénéficie. Aviation d'affaires (jets privés) et fret (avions-cargos) resteraient épargnés.
Une directive spécifique proposera également des critères plus exigeants sur l'usage minimal de mélanges de carburants plus "verts" (contenant une part de biocarburants) aux compagnies. De quoi alarmer certains États tout comme les compagnies européennes qui redoutent une distorsion de concurrence avec le reste du monde.
Efficacité énergétique
Selon le projet consulté par l'AFP, l'objectif d'efficacité énergétique de l'UE serait nettement relevé: la consommation européenne d'énergie finale devrait baisser d'"au moins 36-37%" d'ici 2030 (contre un objectif actuel de 32,5%), estime la Commission.
Les niveaux de contributions des Etats resteraient "indicatifs", mais une obligation s'imposerait au secteur public pour diminuer sa consommation (transports et bâtiments publics, déchets...).
Forêts et "puits de carbone"
Bruxelles proposera d'instaurer une cible d'absorption de carbone via les "puits de carbone" naturels (forêts, prairies...), fixée à 310 millions de tonnes équivalent CO2 d'ici 2030 à l'échelle de l'UE selon un projet vu par l'AFP, avec des objectifs contraignants par Etat dès 2026.
L'idée est de s'assurer que l'absorption de carbone par les espaces naturels fasse plus que compenser les émissions issues de la déforestation, de l'agriculture et autres usages des terres.
Fonds social
Pour enrayer les effets des réglementations sur les ménages les plus modestes et lutter contre la précarité énergétique ou les inégalités sociales face aux transports, Bruxelles proposera, dans un texte législatif spécifique, l'établissement d'un "mécanisme d'action social pour le climat". Ce fonds serait alimenté par les recettes du nouveau marché du carbone créé pour les transports et le bâtiment.