A l’horizon 2040, le pétrole pourrait encore satisfaire 30% de la consommation mondiale d’énergie selon les projections de l’EIA. (©Apache Corporation)
L’EIA américaine a rendu public la semaine dernière son dernier « International Energy Outlook » où l’organisme gouvernemental y expose ses prévisions d’évolution de la consommation énergétique dans le monde d’ici à 2040. En voici les principaux enseignements.
Un pic ? : la consommation mondiale d’énergie en forte hausse
Dans son scénario de référence, l’EIA estime que la consommation mondiale d’énergie pourrait fortement croître dans les prochaines décennies : elle pourrait passer de 549 milliards de MBtu (le « British Thermal Unit » est une unité d’énergie fréquemment employée dans le monde anglo-saxon(1)) en 2012 à 629 milliards de MBtu en 2020 et 815 milliards de MBtu en 2040, soit une hausse de 48% en moins de trois décennies.
Cette hausse proviendrait essentiellement des pays en voie de développement, sous l’effet de leur croissance économique et démographique. Les pays asiatiques hors OCDE (incluant la Chine et l’Inde) seraient en particulier responsables de plus de la moitié de l’augmentation de la demande sur cette période. La consommation énergétique de l’Afrique pourrait doubler d’ici à 2040 mais resterait très faible à cet horizon malgré la forte poussée démographique sur ce continent : la demande énergétique des États-Unis serait encore 2,4 fois plus élevée que celle de l’Afrique en 2040 selon l’EIA, avec une population pourtant 5 fois plus faible d’après les dernières projections de l’ONU(2).
Pour rappel, la population mondiale, évaluée à 7,35 milliards d’habitants en 2015, pourrait augmenter de plus de 15% d’ici à 2030 et d’environ 32% d’ici à 2050 (atteignant alors 9,7 milliards d’habitants) selon l’ONU. Le facteur démographique ne saurait expliquer seul la hausse de la consommation énergétique : cette dernière pourrait encore progresser de 0,6% par an en Europe entre 2012 et 2040 alors même que l’ONU y envisage une baisse de la population.
Le mix : des énergies fossiles encore omniprésentes en 2040
Si les énergies renouvelables et l’énergie nucléaire devraient être les sources d’énergie progressant le plus rapidement dans le mix énergétique mondial (avec des rythmes de croissance respectifs de 2,6%/an et 2,3%/an) selon l'EIA, les énergies fossiles pourraient toujours satisfaire plus des trois quarts de la demande mondiale en 2040. En l’état des politiques actuelles, de nombreux organismes ont partagé ce constat au cours des derniers mois, notamment l’Agence internationale de l’énergie et a fortiori les « majors » comme BP et ExxonMobil dans leurs scénarios énergétiques.
Projections de l'EIA d'ici 2040 : l'évolution des sources d'énergie (©Connaissance des Énergies)
Au sein des énergies fossiles, le gaz naturel devrait, selon l’EIA, devenir la deuxième source d’énergie au monde devant le charbon à partir de 2030. A l’horizon 2040, le gaz et les énergies renouvelables pourraient chacun contribuer à la production électrique mondiale dans les mêmes proportions (à hauteur de 28/29% du mix électrique) que le charbon, qui est de loin la première source d’électricité au monde à l’heure actuelle (près de 40% du mix électrique mondial).
Projections de l'EIA d'ici 2040 : l'évolution des sources de production électrique (©Connaissance des Énergies)
Le hic : une hausse des émissions incompatible avec l’objectif de la COP21
Compte tenu de la prépondérance constante des énergies carbonées dans le mix énergétique mondial, les émissions annuelles de CO2 liées à l’énergie pourraient augmenter de 32 milliards de tonnes (Gt) en 2012 à 36 Gt en 2020 et 43 Gt en 2040, soit une hausse de 34%. En l’état des politiques actuels, l’EIA confirme ainsi que l’atteinte des objectifs de l’accord de Paris constitue une gageure.
Pour rappel, cet accord conclu en décembre 2015 lors de la COP21 vise à limiter le réchauffement climatique en deçà de 2°C d’ici à 2100 par rapport aux températures préindustrielles, et si possible à hauteur de 1,5°C. L’atteinte de cet objectif imposerait, selon les estimations du GIEC, de réduire les émissions mondiales de l'ensemble des gaz à effet de serre de 40% à 70% d’ici à 2050 (par rapport au niveau de 2010) alors qu’elles ont augmenté de 80% entre 1970 et 2010, principalement en raison du doublement de la consommation d’énergie dans le monde sur cette période…
Projections de l'EIA d'ici 2040 : l'évolution des émissions de CO2 liées à l'énergie (©Connaissance des Énergies)