Selon les dernières données de l'AIE, le pétrole est encore l'énergie la plus consommée dans le monde en 2013 devant le charbon. Ces deux énergies comptent pour 60% de la production mondiale d'énergie primaire. (©photo)
L’Agence Internationale de l’Energie (AIE) a présenté mardi à Londres son rapport annuel sur l’état de l’énergie dans le monde. Elle y délivre ses prévisions sur l’évolution du mix énergétique mondial d’ici à 2040. Voici ses principales conclusions.
Des besoins d’énergie toujours croissants
Dans tous ses scénarios, l’AIE prédit une hausse de la consommation mondiale d’énergie dans le monde dans les 25 ans à venir : cette dernière pourrait croître d’un tiers entre 2013 et 2040 selon le scénario de référence de l’AIE. Cette hausse de la demande proviendrait entièrement des pays n'appartenant pas à l'OCDE(1), sujets à une forte croissance démographique et économique.
La situation de l’Inde interpelle en particulier les analystes. Ce pays de près de 1,3 milliard d’habitants pourrait devenir le plus peuplé au monde en 2025. A l’horizon 2040, la demande d’énergie de l’Inde devrait avoisiner celle des États-Unis(2) alors qu’elle était presque 3 fois plus faible en 2013. Notons toutefois que la consommation d’énergie par habitant de l’Inde devrait alors encore rester 40% en dessous de la moyenne mondiale en 2040.
Au niveau mondial, la demande d’énergie devrait augmenter d’environ 1% par an d’ici à 2040, soit un rythme moitié moins rapide que le taux de croissance depuis 1990. Une partie de la hausse de cette demande est imputable à la forte croissance de la consommation d’électricité (+70% entre 2013 et 2040). Malgré les efforts d’électrification, l’AIE estime qu’environ 550 millions de personnes dans le monde (pour la plupart en Afrique subsaharienne) n’auront toujours pas accès à l’électricité en 2040.
Évolution de la consommation d'énergie par zone géographique d'ici à 2040 (©AIE)
La cible des 2°C non atteinte
Dans son scénario central, l’AIE estime que le mix énergétique mondial en 2040 reposera encore à près de 75% sur les énergies fossiles (contre 81,4% en 2013). Selon ce scénario, les émissions de CO2 liées à l’énergie pourraient être16% plus fortes en 2040 qu’en 2013. La hausse de ces émissions devrait toutefois se ralentir : elle est de 2,4% par an depuis 2000 et devrait atteindre 0,6% par an durant la fin de cette décennie et 0,5% durant les années 2020 et 2030.
A moins de 3 semaines de la COP21, plus de 160 pays (sur 195) ont déposé leurs contributions pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre dont, durant ces derniers jours, l’Arabie saoudite, l’Irak et le Pakistan(3). Près de la moitié de ces contributions déclinent leurs objectifs centraux en sous-objectifs dans le domaine de l’énergie, principalement en matière d’efficacité énergétique et de développement des énergies renouvelables. L’AIE précise d’ailleurs que les énergies renouvelables pourraient devenir la première source d’électricité dans le monde(4) devant le charbon au début des années 2030. A l’horizon 2040, elles pourraient entre autres compter pour 50% de la production électrique de l’Union européenne et 30% en Chine.
Selon l’AIE, davantage d’efforts pourraient encore être attendus du secteur énergétique. D’après ses prévisions, le respect des contributions nationales actuelles pourrait permettre de limiter le réchauffement climatique à une hausse de 2,7°C d’ici à 2100 (par rapport aux températures de l’ère préindustrielle) alors qu’un objectif de 2°C a été fixé dans le cadre de la COP21. Pour que les États respectent leurs engagements actuels, l’AIE chiffre les investissements nécessaires au niveau mondial dans le domaine des technologies bas-carbone et de l’efficacité énergétique à 13 500 milliards de dollars d’ici à 2030.
Les prix bas du pétrole, frein aux « transitions énergétiques » ?
Dans son scénario de référence, l’AIE envisage une hausse annuelle de la demande de pétrole de 900 000 barils par jour d’ici à 2020. Malgré un ralentissement au cours des deux décennies suivantes, la consommation mondiale pourrait atteindre 103,5 millions de barils par jour (mb/j) en 2040, soit près de 13 mb/j supplémentaires par rapport à 2014.
La hausse de consommation proviendrait principalement de l’Inde (+6 mb/j) et de la Chine (+5 mb/j), pays qui compenseraient à eux seuls la baisse de consommation des pays de l’OCDE. Les États-Unis, premier consommateur mondial à l’heure actuelle, pourraient voir leur demande baisser de 4 mb/j entre 2013 et 2040.
Côté production, le Moyen-Orient est appelé à occuper une place plus importante à partir de 2020. La production de l’Irak pourrait notamment doubler et atteindre près de 8 mb/j en 2040 et celle de l’Iran fortement augmenter (5,4 mb/j en 2040) suite à l’arrêt des sanctions touchant ce pays. La production américaine des « tight oil » (qui répond à des cycles d’investissement sur le court terme) dépendra quant à elle fortement de l’évolution des cours. En cas de remontrée des prix à hauteur de 80 $ par baril (scénario de référence de l'AIE), cette production pourrait augmenter de 1,5 mb/j d’ici à 2020 et dépasser 5 mb/j.
L’AIE note que la chute des cours du pétrole a jusqu’ici permis à certains pays comme l’Inde et l’Indonésie de réduire leurs subventions aux énergies fossiles(5). Elle craint toutefois que des prix bas du pétrole et des autres énergies fossiles durant une période prolongée ne viennent réduire les efforts de « transition énergétique ». Dans ce cas, les investissements en matière d’efficacité énergétique pourraient, selon l’AIE, être réduits de 800 milliards de dollars d’ici à 2040.
Infographie : les chiffres clés de l'énergie dans le monde