Head of Sustainable Buildings Centre à l’Agence Internationale de l’Énergie
La consommation d’énergie primaire de la France est passée de 150 Mtep en 1970 à 266 Mtep en 2011. Avec un mix énergétique majoritairement fossile, le problème de la dépendance énergétique de la France est loin d’être résolu. L’impact de la facture énergétique sur la balance commerciale du pays est de plus en plus lourd : en 2012, cette facture atteint 68,5 milliards d’euros soit pratiquement l’équivalent du déficit de la balance commerciale cette année-là.
Suite à la crise des hydrocarbures des années soixante-dix, la France, comme l’ensemble des pays importateurs d’énergie, a pourtant adopté des politiques énergétiques visant à réduire la demande d’énergie dans tous les secteurs d’activité. Toutefois, ces politiques dites d’efficacité énergétique ont principalement visé l’amélioration technologique des équipements et pas nécessairement la sobriété énergétique, ce qui a réduit considérablement leur impact en termes de réduction des besoins énergétiques du pays.
Ce constat est particulièrement vrai dans le secteur résidentiel où la France a introduit sa première règlementation thermique en 1974 pour les bâtiments neufs et en 2005 pour les bâtiments existants. En effet, entre 1990 et 2010, on constate une baisse de 12% de la consommation d’énergie primaire par mètre carré alors que cette baisse n’est plus que de 5% par logement. Lorsqu’on croise les données de l’évolution des consommations d’énergie avec celle de la surface habitable, on voit sur la même période une augmentation du nombre de mètres carrés par personne. Ce qui signifie que l’amélioration de l’efficacité énergétique des équipements et matériaux de construction est en partie absorbée par le manque d’exigences sur le nombre de mètres carrés habitables. Ce type d’exigences est habituellement pris en compte dans les politiques de sobriété énergétique qui restent à inventer.
Selon nos estimations, l’impact combiné de la mise en œuvre des politiques de sobriété et d’efficacité énergétique dans le secteur résidentiel pourrait conduire, par exemple, à réduire de 25% les importations de gaz de la France en 2050. Cela équivaudrait à 7% du déficit commercial de la France en 2010. Ces sommes économisées sur les importations d’énergie pourraient être investies dans des programmes de recherche et développement visant à améliorer la compétitivité de la France sur le long terme tout en réduisant la facture énergétique de l’État et des ménages.
La France a donc tout intérêt à considérer la sobriété énergétique dans la conception et la mise en œuvre de ses politiques énergétiques pour dégager les investissements nécessaires pour accroître sa compétitivité sur le moyen et long terme.
La réussite de la mise en œuvre des politiques de sobriété énergétique nécessite un travail pédagogique en amont auprès des décideurs et des citoyens pour bien comprendre leur impact positif sur la relance de l’économie nationale.