Expert en questions énergétiques, Institut Sapiens
Les évolutions implacables de la démographie et de la distribution de la richesse mondiale au cours des 20 dernières années, aussi communément appelée « mondialisation », ont profondément « affaibli les formes classiques d’organisation intermédiaire et en particulier les États-Nations »(1). Elles ont rendu de facto obsolète la granulométrie des États européens qui, individuellement, n’ont plus les moyens de peser comme par le passé sur l’organisation du monde.
Durant les Trente Glorieuses, les États-Unis et l’Europe représentaient les deux tiers de la richesse mondiale. En 2015, ils ne comptaient plus que pour 40%. Quant au PIB de la France, son poids relatif a été réduit de moitié, passant de 6% du PIB mondial en 1980 à un peu plus de 3% aujourd’hui. Face à la Chine et aux États-Unis, la France ou l’Allemagne n’ont plus qu’un poids négligeable. Par contre, l’Europe prise comme entité économique pèse aujourd’hui, comme les États-Unis, pour plus de 20% de la richesse mondiale, soit 6 points de plus que la Chine (Figure 1).
Figure 1 : Évolution des PIB français et européen depuis 1990
Une nouvelle Europe « des Nations » ne serait pas seulement une absurdité économique. Ce serait aussi une absurdité énergétique.
Depuis le milieu des années 1980, la facture énergétique de l’Europe s’est accrue de façon impressionnante. Elle apparaît aujourd’hui comme un contributeur majeur à sa dette souveraine. Dette et facture énergétique sont étonnamment corrélées (Figure 2 - droite). Fin 2014, la dette européenne frôlait les 10 000 milliards d’euros; sa facture pétrolière et gazière cumulée depuis 1987 atteignait 7 500 milliards d’euros. Entre 1993 et 2010(2), la dette de la France a augmenté de 1 000 milliards d’euros(3). Durant la même période, ses importations de pétrole et de gaz ont représenté 750 milliards d’euros. En 2012, la seule facture pétrolière et gazière contribuait pour près de 90% du déficit commercial de l’hexagone c'est-à-dire l’équivalent de 3% du PIB français (Figure 2 - gauche). A système social constant, la dette n’est finalement que la somme des achats d’hydrocarbures et du remboursement de la dette.
Figure 2 (le graphe de gauche concerne la période 2000-2014, celui de droite la période 1985-2014)
Le retour au franc s’accompagnerait inévitablement d’une forte dévaluation de la nouvelle monnaie nationale que les experts estiment entre 20% et 40%. La facture pétrolière et gazière, libellée en dollars, augmentera donc mécaniquement du même ordre de grandeur. Inflation, récession et explosion de la dette en seront les inévitables conséquences. La hausse de la facture pétrolière et la hausse des taux d’intérêt conduiront donc inévitablement à une explosion incontrôlée de la dette et à la ruine d’un outil industriel aujourd’hui en grand danger.
Pourtant, l'Europe est le véritable espace naturel d’ouverture dans lequel doit s'inscrire la transition énergétique. Protection de l’euro par rapport au dollar, règles et normes communes, coordination de l'action des États membres, sécurité énergétique grâce à l’interconnexion des réseaux de gaz et d'électricité, mutualisation de la R&D sur les renouvelables, le stockage de l'énergie et la captation/stockage du carbone sont autant de thématiques structurantes capables de relancer le projet européen.
Sources / Notes
- « Révolution », Emmanuel Macron, 2016, Editions XO.
- Sources : Energy Funds Advisors.
- La dette souveraine française est aujourd’hui supérieure à 2200 milliards d’euros, soit près de 100% du PIB.
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