Ministre de l'Énergie, des Mines, de l'Eau et de l'Environnement du Royaume du Maroc
Bien que le Maroc ait une très faible contribution aux émissions globales de gaz à effet de serre (GES) à l’échelle de la planète et que ses émissions aient cru à un rythme relativement stable au cours des vingt dernières années eu égard au développement socio-économique soutenu du pays, force est de constater qu’elles ont au total plus que doublé depuis 1994 pour atteindre 100,5 Mt d’éq CO2 en 2012, sachant que le secteur de l’énergie est responsable de plus de 50% de ces émissions.
L’engagement du Maroc est de réduire ses émissions de GES de 32% en 2030 par rapport aux émissions projetées pour la même année selon un scénario « cours normal des affaires ». Cet objectif correspond à une réduction cumulée de 401 Mt éq-CO2 sur la période 2020-2030. L’effort que le Maroc devra consentir pour concrétiser cette ambition nécessite un investissement global de l’ordre de 45 milliards de dollars américains d’ici 2030 dont la disponibilité dépendra de l’effort et l’appui financier de la communauté internationale et des instances financières internationales.
D’ici à 2030, nous prévoyons un triplement de la demande en énergie primaire et un quadruplement de la demande électrique par rapport à 2008.
La contribution du Maroc trouve son ancrage institutionnel dans la Stratégie Nationale de Développement Durable intégrant notamment la stratégie énergétique nationale. Cette dernière a pour principaux objectifs de sécuriser l’approvisionnement national en diverses formes d’énergie, d’en assurer la disponibilité et l’accessibilité à des prix compétitifs et de rationaliser leur utilisation tout en préservant l’environnement.
D’ici à 2030, nous prévoyons un triplement de la demande en énergie primaire et un quadruplement de la demande électrique par rapport aux niveaux de 2008. Pour satisfaire notamment la demande électrique, une feuille de route visant le déploiement de 12,6 GW de nouvelles capacités à l’horizon 2025, dont 50% d’origine renouvelable, a été adoptée.
Entre 2008 et 2012, le Plan National d’Actions Prioritaires (PNAP) a déjà permis l’installation de 1,4 GW de capacités de production supplémentaires et le développement de mesures d’efficacité énergétique. La dépendance énergétique du Maroc est passée de 97,5% en 2008 à 93,6% en 2013 et la contribution des énergies renouvelables dans la consommation énergétique globale est passée de 2,1% en 2008 à 6% en 2013.
La réalisation des programmes solaire et éolien permettra d’économiser 2,5 millions de tep par an.
Dans le domaine de l’énergie éolienne, 780 MW sont déjà opérationnels et 370 MW sont en cours de construction ou de développement. Un appel d’offres pour la réalisation de 850 MW éoliens a été lancé.
Dans le domaine de l’énergie solaire, le projet de centrale thermodynamique « NOOR » près de Ouarzazate a déjà franchi de très importantes étapes : la première partie (NOOR1) de 160 MW sera mise en service fin 2015 et NOOR 2 et NOOR 3, d’une puissance cumulée de 350 MW, sont en cours de développement. L’objectif est que l’ensemble du programme solaire marocain de 2 000 MW soit mis en service en 2020.
La réalisation des programmes solaire et éolien permettra d’économiser 2,5 millions de tep par an en combustible fossile et d’éviter, par conséquent, l’émission de près de 9 millions de tonnes de CO2 par an à l’horizon 2020. La part des énergies renouvelables dans la puissance totale installée a atteint 32% en 2014 et devrait passer à 45% à l’horizon 2025.
Par ailleurs, l’introduction à grande échelle du gaz naturel dans le mix énergétique marocain, inscrite parmi les objectifs stratégiques du Maroc, vient d’être amorcée avec l’annonce du projet de développement du gaz naturel liquéfiée qui prévoit la réalisation d’un terminal gazier et dont toutes les infrastructures seront mises en service en 2021.
La concrétisation de l’ensemble de ces projets devrait permettre de réduire notre dépendance énergétique d’environ 14 points pour s’établir à 84,4% à l’horizon 2025, ainsi que notre facture énergétique brute qui a atteint 102,3 milliards de DH en 2013 (soit de l'ordre de 9,4 milliards d'euros).
Changement climatique : l’urgence d’agir
Le Maroc subit de plein fouet le changement climatique de par sa situation dans l’une des régions les plus arides de la planète où les impacts seront marqués du fait de l’amplification de la fréquence des phénomènes extrêmes (sécheresses et inondations), de la dégradation des écosystèmes, de la raréfaction des ressources en eau (qui ont déjà diminué de 20% sur les 30 dernières années), des risques de développement de maladies (avec un risque de réactivation de maladies telles que le paludisme, la bilharziose, la typhoïde et le choléra) ou, encore, d’une migration forcée des populations.
Les disponibilités en ressources en eau seront en continuelle régression et le ratio capital eau par habitant frôlera le stress hydrique irréversible. L'enjeu est d'assurer une gestion durable de cette ressource vitale et de développer le secteur de l’eau à travers la mise en œuvre de nouveau procédés de mobilisation, de préservation et d’économie d’eau à des coûts avantageux et acceptables. L'agriculture, secteur économique le plus consommateur d'eau (89% des ressources mobilisées), est le plus vulnérable face à la raréfaction de cette ressource. Le changement climatique affecterait aussi bien la production que la productivité agricole, et plus particulièrement l'agriculture vivrière qui est fortement dépendante des précipitations.
Si rien n’est fait, la conséquence sera une désertification progressive du Maroc.
Le changement climatique aura donc un impact sur la production et la sécurité alimentaires, puisqu'il affecte la disponibilité des ressources hydriques et de terres arables. Cette insécurité alimentaire accentuée pourrait entraîner des flux migratoires internes et externes qui pourraient constituer une menace pour la stabilité sociale.
Le changement climatique a par ailleurs déjà impacté une grande partie de nos oasis qui faisait jadis barrière à l’intrusion de la désertification vers nos périmètres agricoles du Sud et de l’Est. Si rien n’est fait, la conséquence sera une accentuation de la désertification progressive du pays rendant ainsi de grands territoires inaptes à toute exploitation agricole.
Enfin, l'avantage que tire le Maroc de sa position privilégiée avec un littoral de 3 500 km, pourrait devenir un handicap du fait des risques de l'élévation du niveau de la mer. Ces risques sur les espaces côtiers incluent la submersion des côtes basses, l'érosion côtière et la salinisation des estuaires et des aquifères côtiers. Ils sont d'autant plus prégnants que le littoral concentre une grande partie des infrastructures et des activités économiques du pays ainsi que les plus fortes densités de population.
La COP22 prévue au Maroc doit être une COP d’action...
Au 31 mars, première date butoir de la remise des « contributions nationales », seuls 34 pays avaient officialisé leurs engagements sur les 195 États parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Certains pays semblent sceptiques et pourtant, l’objectif de la COP 21 est bien d’arriver à un nouvel accord mondial juridiquement contraignant pour tous et à la hauteur des défis climatiques à relever pour notre planète.
Une réorientation des investissements est aujourd’hui nécessaire pour amorcer un virage vers l’économie verte. Certes, c’est un objectif qui s’avère compliqué lors de la COP21 dans la mesure où la CCNUCC n’a pas de pouvoir de coercition sur les États à ce sujet, mais des mesures incitatives et d’autres limitatives peuvent être imaginées, ce n’est pas l’intelligence qui nous manque.
Pour conclure, il est à noter que le succès de l’accord de la COP21 ne se limite pas à son adoption, mais plutôt à son opérationnalisation. La COP22, prévue au Maroc, doit être une COP d’action et se doit surtout d’asseoir les nouveaux jalons d’une stratégie équilibrée entre pays pour la lutte contre les dérèglements climatiques et mettre en place les nouveaux mécanismes de financements des projets d’adaptation dont les pays impactés auront besoin. La mise en place d'un nouveau modèle de développement pour le droit à une vie meilleure doit être l’objectif noble assigné à cette COP.