Située en Californie, la centrale solaire thermodynamique d'Ivanpah a, avec ses 173 500 miroirs, une puissance de 392 MW. (©BrightSource)
Définition et principes de fonctionnement
Un système solaire à concentration thermodynamique exploite le rayonnement du Soleil en orientant, au moyen de miroirs, les flux de photons. Ce système thermique concentré permet d’atteindre des niveaux de température bien supérieurs à ceux des systèmes thermiques classiques non concentrés.
Le photovoltaïque n'est pas la seule énergie solaire capable de produire de l'électricité.
Alors que les chauffe-eau domestiques produisent une eau à une cinquantaine de degrés, il est possible, par la concentration, de chauffer des fluides à des températures de l’ordre de 250 à 1 000°C. Il devient alors envisageable de les utiliser dans des processus industriels comme la génération d’électricité (on parle parfois « d’électricité solaire thermodynamique »). D’autres utilisations directes ou indirectes des fluides chauds sont possibles comme le dessalement de l'eau de mer, le refroidissement ou encore la génération d'hydrogène.
Le principe de la concentration de l'irradiation solaire est connu depuis l'Antiquité.
Le principe de concentration
Le principe de la concentration de l’irradiation solaire est connu depuis l’Antiquité, comme l’illustre le mythe des « miroirs ardents » d’Archimède. Le plus souvent grâce à des miroirs réfléchissants ou des loupes, un système à concentration réoriente le rayonnement solaire collecté par une surface donnée sur une cible de dimension plus réduite : le démarrage d’un feu de feuilles mortes avec une loupe utilise ce principe.
Le fonctionnement des centrales solaires thermodynamiques
Les centrales solaires thermodynamiques utilisent une grande quantité de miroirs qui font converger les rayons solaires vers un fluide caloporteur chauffé à haute température. Pour ce faire, les miroirs réfléchissants doivent suivre le mouvement du soleil afin de capter et de concentrer les rayonnements tout au long du cycle solaire quotidien. Le fluide produit de l’électricité par le biais de turbines à vapeur ou à gaz. Il existe quatre grands types de centrales solaires thermodynamiques : les centrales à miroirs cylindro-paraboliques et leur variante à miroirs de Fresnel(1), les centrales à tour et enfin les concentrateurs paraboliques Dish-Stirling.
Les différents types de centrales
Systèmes de concentration linéaire
Le rayonnement solaire est concentré sur un ou plusieurs tube(s) absorbeur(s) installé(s) le long de la ligne focale des miroirs. Ce tube contient un fluide caloporteur porté à une température de l’ordre de 250 à 500°C.
Les miroirs réfléchissants suivent le mouvement du Soleil tout au long de la journée.
Centrales à miroirs cylindro-paraboliques
C’est la technologie la plus répandue aujourd’hui. Le foyer d’une parabole est un point, celui d’un miroir cylindro-parabolique est un axe, sur lequel est placé un tube absorbeur (le récepteur) de couleur noire, pour capter un maximum de rayonnement. Dans ce tube circule le fluide caloporteur, qui se réchauffe jusqu’à une température d’environ 500°C et qui est ensuite centralisé et transporté jusqu’au bloc de génération électrique. L’ensemble miroir cylindro-parabolique/récepteur suit le mouvement du Soleil.
Exemples : Andasol, une des plus puissantes centrales thermodynamiques d’Europe située en Espagne (150 MW) ; Nevada Solar One aux États-Unis (64 MW). Nevada Solar One est une centrale à concentration cylindro-parabolique d’une puissance crête de 64 MW qui a coûté environ 220 millions d’euros. Elle est composée de 182 000 miroirs et 18 240 tubes absorbeurs. Cette centrale d’une surface de 162 hectares alimente l’équivalent de 14 000 foyers américains en électricité.
Miroirs cylindro-paraboliques d'Andasol, Espagne (©photo)
Centrales solaires à miroirs de Fresnel
Plutôt que de courber les miroirs (processus industriel coûteux), les miroirs de Fresnel « miment » la forme cylindro-parabolique avec des miroirs très légèrement incurvés, et placés à un même niveau horizontal. Seuls les miroirs bougent, la structure et le tube absorbant sont tous deux stationnaires. Les coûts des centrales solaires à miroirs de Fresnel sont donc inférieurs à ceux des centrales à miroirs cylindro-paraboliques tant à l’installation qu’à la maintenance. La focalisation est toutefois dégradée dans ce système (puisque la parabole n’est pas parfaite) : le pari est donc que la baisse de coût « compense » la dégradation de l’efficacité d'un point de vue économique. Ce type de système est encore relativement peu répandu.
Exemples : Puerto Errado en Espagne (31,4 MW), Kimberlina en Californie (5 MW).
Centrale solaire thermodynamique à miroirs de Fresnel (©Alsolen)
Systèmes de concentration par foyer
Le rayonnement solaire est concentré environ 1 000 fois à destination d’un foyer unique de taille réduite. La température peut atteindre de 500 à 1 000°C.
Centrales à tour
Des centaines de miroirs suivant la course du soleil (les « héliostats ») réfléchissent et concentrent le rayonnement solaire sur un récepteur central situé au sommet d’une tour, dans lequel circule le fluide caloporteur. Comme dans les systèmes cylindro-paraboliques, la chaleur du fluide est alors transférée à un cycle classique à vapeur pour générer de l’électricité. Par rapport à un système cylindro-parabolique, la tour solaire offre l’avantage de ne pas avoir à faire circuler de fluide dans l’ensemble du champ de miroirs : les pertes thermiques sont donc significativement réduites. Par ailleurs, le niveau de concentration de l’irradiation peut être bien supérieur et l’efficacité du cycle thermodynamique s’en trouve augmentée. Il reste que ces gains techniques doivent aussi se traduire par un gain technico-économique, limité par le coût de construction de la tour.
Exemples : Crescent Dunes au Nevada (110 MW), Solar Tres en Espagne (19,9 MW), projet PEGASE sur le centre français de Thémis (Pyrénées-Orientales).
Tour solaire à concentration (©photo)
Centrales à miroir parabolique Dish-Stirling
Une parabole concentre le rayonnement sur un foyer en son point focal afin d’actionner un moteur dit « Dish-Stirling ». Une fois chauffé dans un circuit fermé, le gaz qu’il contient actionne un piston qui récupère l’énergie mécanique produite. Cette technologie n’est pas adaptée à une production industrielle de masse du fait de son coût élevé, d’où le retard de son développement. Cependant, c’est la seule technologie thermodynamique qui puisse être mise en œuvre dans des sites isolés de petite taille.
Exemple : site de Font-Romeu Oreillo, siège des recherches du CNRS sur le sujet.
Paraboles solaires Dish-Stirling testées à Albuquerque au Nouveau-Mexique (©photo)
Enjeux et potentiel
Economie
L’électricité produite grâce à l’énergie solaire thermodynamique devrait être compétitive économiquement face aux énergies fossiles d’ici 10 à 15 ans (actuellement, les experts marocains évoquent par exemple un prix proche de 150 euros par MWh pour la centrale Noor 1). La durée de vie d’une installation est estimée entre 25 et 40 ans. Certaines technologies de la concentration bénéficient déjà d’un retour d’expérience important. De plus, la cogénération, c'est-à-dire l’utilisation de la chaleur résiduelle après génération électrique pour produire par exemple de l’eau dessalée ou du froid, augmente sensiblement la compétitivité des installations solaires thermodynamiques.
Opportunités et technologies d’avenir
Contrairement aux installations solaires photovoltaïques dont le produit est directement l’électricité, les technologies solaires thermodynamiques dans leur process génèrent de la chaleur. Le fluide chauffé ayant une certaine inertie thermique (capacité à stocker de la chaleur), la production d’électricité thermodynamique est donc moins « saccadée » que la production d’électricité photovoltaïque. De surcroît, des systèmes de stockage dynamique de la chaleur peuvent être intégrés aux installations, prolongeant la génération d’électricité jusqu’à plusieurs heures après la disparition des rayonnements solaires.
Les professionnels du programme Solar Paces de l’AIE et de Greenpeace international, estiment avec optimisme que les installations d’énergie solaire thermodynamique pourraient atteindre une capacité installée de près de 37 GW en 2025 (susceptible de produire 95,8 TWh) et même 600 à 800 GW en 2040.
- Les technologies de référence
Les centrales à miroirs cylindro-paraboliques sont aujourd’hui les technologies les plus anciennes et matures du secteur, constituant 95% des capacités thermodynamiques installées. Si ces technologies bénéficient d’un retour d’expérience, ces systèmes ne sont probablement pas les installations compétitives de demain, dans un marché sans subventions. Les tours solaires et les centrales à miroirs de Fresnel sont actuellement en phase d’expérimentation pré-industrielle. Les tours solaires représentent déjà 1/3 des projets annoncés.
- Une technologie encore au stade de la recherche : les centrales sans focalisation
Les centrales solaires thermiques sans focalisation du rayonnement direct sont une variante technique encore au stade de la recherche. Ces centrales à « effet de cheminée » utilisent le rayonnement solaire pour réchauffer l’air sous une grande surface couverte d'un toit. En s’échappant par la cheminée, le courant d'air permet d'entraîner une ou plusieurs turbines éoliennes et le générateur qui y est connecté.
Environnement
L’énergie solaire thermodynamique ne produit pas directement de déchets ou de gaz à effet de serre.
Acteurs de la filière
Les premières installations ont vu le jour dans les années 1980, mais l’après chocs pétroliers a laissé cette technologie dans l’ombre jusqu’aux années 2000. Il faut attendre l’adoption de tarifs de rachat préférentiels durant cette décennie pour que la filière industrielle redémarre. On compte, en 2015, environ 4,7 GW de capacités installées de solaire thermodynamique dans le monde,dont 2,3 GW en Espagne et 1,7 GW aux États-Unis(2).
Les annonces se multiplient : citons entre autres le projet d'une centrale de plus de 1 GW dans le sultanat d'Oman (Petroleum Development Oman), les 3 projets CSP dans le cadre du plan solaire Noor au Maroc (société saoudienne Acwa Power) ou encore l'entrée de l'agence marocaine de l'énergie solaire (Masen) au capital de la société française Alsolen pour 30 millions d'euros à l'été 2015.
Les États-Unis, l'Espagne, l'Afrique du Nord, la Chine et l'Australie constituent les prochaines zones probables de croissance. L'AIE prévoit que cette source d'énergie pourrait fournir 11% de l'électricité mondiale en 2050(3). Cela correspondrait à une production annuelle d'environ 4 770 TWh, soit l'équivalent de la consommation électrique des États-Unis (avec une capacité installée de plus de 1 000 GW dans ce scénario).
Entreprises
La société espagnole Abengoa Solar est le principal développeur de centrales solaires thermodynamiques dans le monde. Elle est toutefois confrontée à d'importantes difficultés de financements et a présenté début février 2016 à ses banques un plan de redressement afin de lui éviter une faillite.
Les nouveaux systèmes sont la plupart du temps développés par des start-up, dont une majorité sont américaines (eSolar, BrightSource). Les équipements spécifiques au secteur sont dans les mains d’un nombre réduit d’entreprises : tubes (Solel, Flabeg), miroirs (Rioglass, Saint-Gobain). Les grands groupes comme Alstom, Siemens, Enel et Areva sont entrés en 2010 dans le secteur, pour certains par des acquisitions de start-up (Ausra, BrightSource). Total a construit en partenariat avec Abengoa Solar et Masdar une centrale de 100 MW à Abou Dabi, inaugurée en mars 2013.
Incitations gouvernementales
Depuis 2004, certains gouvernements ont pris des mesures visant à encourager la construction de centrales à énergie solaire thermodynamique. Le gouvernement espagnol a par exemple fixé des tarifs de rachat d’électricité. Par conséquent, plusieurs projets de centrales solaires thermodynamiques ont vu le jour.
Initiatives internationales
L'AIE (Agence Internationale de l'Energie) a établi dés 1977 un programme de coopération (Solar PACES) portant sur la Recherche et Développement dans le domaine de la concentration de l'énergie solaire. Quinze pays dont la France y participent.
Des initiatives internationales ont également été engagées dans ce domaine comme le Plan Solaire Méditerranéen, un partenariat entre les pays riverains de la Méditerranée et l'Union européenne ayant pour but de lancer des projets régionaux. Un projet privé, Désertec, initié en 2003 par des industriels allemands, affiche d’importantes ambitions.
Unités de mesure et chiffres clés
La puissance électrique
- Une grande éolienne récente : 5 MW ;
- La centrale solaire à concentration thermodynamique Andasol : 150 MW ;
- Un réacteur nucléaire de Flamanville (1 ou 2) : 1 300 MW.
L’énergie électrique
- Une grande éolienne récente de 5 MW : 16 GWh/an ;
- La centrale solaire à concentration thermodynamique Andasol : 180 GWh/an ;
- Un réacteur nucléaire de Flamanville : de l'ordre de 9 000 GWh/an.
Ressources thermiques
Un système à concentration, par définition, réoriente le rayonnement : il faut donc que celui-ci ait une direction. C’est le cas de l’irradiation directe (qui nous vient « directement » du soleil), mais pas de l’irradiation diffuse (qui est distribuée dans toutes les directions).
L'ensoleillement direct français n'est pas suffisant pour envisager des projets substantiels en métropole.
Dans les zones les plus favorables à l'utilisation de l'énergie solaire concentrée (voir carte ci-dessous), l'ensoleillement direct est supérieur à 2 000 kWh/m²/an. Les meilleurs sites reçoivent eux un rayonnement solaire de l’ordre de 2 800 kWh/m²/an. L'ensoleillement direct français n'est pas suffisant pour envisager des projets substantiels en métropole.
De plus, certaines technologies requièrent une grande quantité d’eau à disponibilité, essentiellement pour nettoyer les miroirs. Selon les estimations, une centrale à concentration thermodynamique à tour d’une puissance de 50 MW consomme 300 000 m3 d’eau par an. Cette double contrainte Soleil/eau rend la localisation de ce type de centrales délicate.
Dates clés
1878 : Augustin Mouchot, un ingénieur français, présente à l’Exposition Universelle un réflecteur associé à une machine à vapeur qui porte de l’eau à ébullition.
1912 : Frank Shuman construit un système parabolique suivant le soleil de 45 kW près du Caire.
1985 : La compagnie américano-israélienne Luz International commence à construire des centrales utilisant le concept cylindro-parabolique dans le désert californien. Les 9 centrales privées totalisent en 1991 une puissance installée de 354 MW.
2008 : Andasol, la plus puissante centrale solaire cylindro-parabolique thermodynamique d'Europe à l'époque, est inaugurée près de Guadix en Andalousie (Espagne). Elle a alors une capacité de 50 MW.
2016 : Inauguration de la centrale Noor 1 à Ouarzazate (160 MW) au Maroc, première étape vers un parc solaire thermodynamique de 500 MW à l'horizon 2018.
Le saviez-vous ?
Chaque km2 de désert reçoit annuellement une énergie solaire équivalente à l’énergie contenue dans 1,5 million de barils de pétrole(4).