Les deux réacteurs de la centrale de Grundremmingen en activité, une image amenée à disparaître. (©photo)
Presque trois mois après la catastrophe de Fukushima, Angela Merkel annonce que l’Allemagne mettra fin à l’activité de ses derniers réacteurs en 2022.
Le couperet est tombé, lundi 30 mai, pour le nucléaire allemand. Les 17 réacteurs nucléaires du pays, exploités par les groupes RWE, E.ON, Vattenfall et EnBW, seront tous arrêtés d’ici 2022.
Les sept plus anciens d’entre eux, touchés par un moratoire mi-mars 2011, ne seront pas réactivés, tout comme un huitième, victime de pannes à répétition. Six réacteurs seront déconnectés du réseau d’ici 2021 tandis que les trois derniers pourront maintenir leur activité jusque fin 2022.
Si Angela Merkel promet qu’il n’y aura « aucun black-out à aucun moment », cette décision aura des conséquences majeures sur le mix énergétique allemand, le parc nucléaire assurant actuellement 22% de la production d’électricité. L’Allemagne devrait renforcer ses investissements dans les énergies renouvelables (18% de la production d’électricité) et importer davantage de gaz (15% de la production).
Norbert Röttgen, ministre allemand de l’environnement, assure que cette décision est « irréversible ». Un terme qui prête à sourire, eu égard aux rebondissements du nucléaire allemand dans le passé.
Historique
Depuis la construction des premiers réacteurs en 1955, l’énergie nucléaire est sujette à de nombreux remous outre-Rhin. Les mouvements anti-nucléaires sont très importants, comme l’atteste l’arrêt du projet de surgénérateur à Kalkar (Rhénanie-du-Nord) en 1991, dans lequel près de 3,5 milliards d’euros ont été investis.
En 2000, le chancelier Gerhard Schröder, à la tête d’une coalition avec les Verts, tient sa grande promesse électorale en annonçant une sortie progressive du nucléaire. Un accord est passé avec les quatre grands groupes énergétiques pour fermer progressivement le parc allemand, la durée de vie des centrales étant limitée à trente-deux ans à compter de leur mise en service (dernière fermeture théoriquement prévue en 2021). Un tiers de la consommation allemande provient alors des 19 centrales en activité. Le gouvernement plaide déjà pour une consommation plus rationnelle et l’intensification des énergies renouvelables (alors moins de 4% de l’électricité produite).
A l’époque, les chrétiens-démocrates (CDU-CSU) promettent de faire chemin inverse lorsqu’ils seront de nouveau au pouvoir. C’est chose faite en septembre 2010 : Angela Merkel annonce une augmentation du quota d’énergie produite par le secteur nucléaire et prolonge la durée d’exploitation des centrales de 12 ans en moyenne (jusqu’en 2036 pour certaines). Les exploitants des centrales sont amenés à consacrer une partie de leurs gains supplémentaires dans les énergies renouvelables.
Près de neuf mois plus tard, l’onde de choc de Fukushima bouleverse la donne et pousse Angela Merkel à une « nouvelle analyse des risques » précipitant la sortie du nucléaire.
Et demain ?
Des questions restent en suspens alors que l’Allemagne entend doubler la part du gaz et des énergies renouvelables dans sa production d’électricité d’ici 2020. Le pays parviendra-t-il à réaliser les investissements nécessaires sans importer d’énergie nucléaire, comme annoncé ? Et surtout à s’affranchir de sa dépendance vis-à-vis du charbon (43% de la production d’électricité), qui fait de l’Allemagne un important émetteur de CO2(1)? Un défi énergétique à la hauteur des « opportunités gigantesques » promises par Angela Merkel…