La centrale de Fukushima Daiichi le 31 mars 2011 (©photo)
A l’origine de l’accident nucléaire de Fukushima Daiichi, une catastrophe naturelle d’une ampleur inédite. Deux mois et demi après le début de cet accident nucléaire majeur, l’onde de choc est mondiale et ses effets durables.
Le bilan
L’heure est aujourd’hui à la reconstruction, comme l’indique le premier ministre japonais Naoto Kan comparant la situation actuelle aux lendemains de la Seconde guerre mondiale. Il reste à déblayer les dégâts causés par la catastrophe naturelle (25 millions de tonnes de débris des bâtiments effondrés, infrastructures…), à décontaminer le site et à prendre en charge les 80 000 personnes qui vivaient dans un rayon de 20 km autour de la centrale et qui ont été évacuées. Tepco et le gouvernement japonais se sont accordés sur les principes d’indemnisation des personnes et des entreprises touchées par la catastrophe mais la question reste à préciser et son financement à garantir. Si on se réfère aux accidents antérieurs, les travaux de démantèlement des quatre réacteurs endommagés prendront au moins 20 ans.
Le 17 mai, Tepco a confirmé son calendrier de sortie de crise malgré l’annonce de la fusion du combustible des réacteurs 1, 2 et 3 :
- d’ici à juillet 2011 : réduction des fuites radioactives;
- janvier 2012 : stabilisation de la température et arrêt à froid des réacteurs nucléaires.
Au-delà du caractère extrême de la catastrophe naturelle, dont le bilan atteint près de 20 000 morts et disparus, la responsabilité de l’opérateur nippon est directement mise en cause, de même que celle des autorités nucléaires japonaises (l’Agence de sûreté nucléaire qui dépend du ministère de l’Economie et de l’industrie et la Commission de sûreté nucléaire rattachée au bureau du Premier ministre). En dépit du caractère très improbable d’une telle catastrophe naturelle, il leur est reproché d’avoir sous-estimé les risques pesant sur la centrale et de n’avoir pas su gérer de façon appropriée la situation post-accidentelle.
D’autre part, de nombreux experts s’accordent à dire que le Japon a trop tardé à annoncer l’état réel de la situation et trop tergiversé à accepter et solliciter l’aide internationale.
Une certaine rétention de l’information et l’attitude générale des responsables ont renforcé l’inquiétude de l’opinion publique japonaise et internationale.
La centrale de Fukushima Daiichi le 31 mars 2011 (©2011)
Les conséquences
L’accident de Fukushima Daiichi modifie largement la donne énergétique du Japon. Le pays « doit reprendre du début sa politique énergétique à long terme » prévient le premier ministre japonais Naoto Kan, qui entend développer les énergies renouvelables. Avant l’accident du 11 mars, le pays souhaitait porter la part du nucléaire dans sa production d’énergie nationale de 30% à 50% d’ici 2030.
Plus largement, cet accident nucléaire entraîne, comme ceux de Three Mile Island et Tchernobyl dans le passé, une réflexion sur les critères de sûreté nucléaire et sur l’organisation des organismes chargés de son contrôle.
Au niveau européen, les chefs d’Etat et de gouvernement se sont accordés le 25 mars sur la mise en place de test de résistance pour leurs 143 réacteurs en activité. Ils ont confirmé cette orientation au niveau mondial à l’occasion du G8. Les critères de ces « stress tests » divisent néanmoins les autorités nationales (ASN) en charge de la sûreté nucléaire et la Commission européenne.
La difficulté majeure réside dans la prise en compte des agressions de type terroriste. Sur ce sujet, les ASN européennes constatent que le risque devait être confié à une autre instance que celle chargée de la résistance des centrales aux risques naturels.
Une seconde difficulté concerne la constitution des équipes chargées de conduire ces tests. Finalement, ce sont les ASN de chaque pays qui sont chargés de la conduite de ces tests et des décisions à prendre en fonction de leurs conclusions.
S’agissant de l’organisation du contrôle de la sûreté nucléaire dans le monde on a pu s’attendre à un renforcement des pouvoirs et de l’autorité de l’Agence Internationale de l’Energie Nucléaire (AIEA) sur les ASN. Après quelques signes dans ce sens, il semble bien que la question soit plus difficile à traiter. Il faudra probablement du temps aux Etats pour s’entendre sur le sujet et encore plus de temps pour une mise en œuvre des pouvoirs nouveaux.
Remarques de contexte
- Les techniques de construction antisismique ont fait preuve d’une résistance remarquable face au tremblement de terre ayant touché le nord-est du Japon et Tokyo (plus de 20 millions d’habitants). Aucun mort n’est directement dû à ce séisme de magnitude proche de 9 (les victimes sont dues au tsunami). La constatation vaut également pour les centrales accidentées, aucune d’entre elles n’ayant été gravement endommagée par le séisme lui même. Cette prouesse architecturale est d’autant plus remarquable, rapprochée des conséquences d’autres catastrophes naturelles comme celle subie par la ville espagnole de Lorca, touchée le 11 mai par un tremblement de terre de magnitude 5,1 (bilan de 9 morts et de près de 130 blessés dans une ville de 92 000 habitants).
- Abriter les populations des effets des tsunamis est difficile sans désaffectation importante des zones côtières à risque, or les déménagements à grande échelle sont utopiques en pratique. Au contraire, la tendance actuelle de l’urbanisation pousse de plus en plus d’humains vers les zones côtières. Près de 70% de la population mondiale vit actuellement près des côtes.
11 mars : un séisme d’une magnitude évaluée à 8,9 frappe le nord est du Japon. Les réacteurs des centrales résistent aux secousses et se mettent automatiquement à l’arrêt. Les groupes électrogènes de secours prennent le relais afin de garantir le fonctionnement du refroidissement des différents réacteurs et des piscines d’entreposage du combustible usagé. Une vague géante de 14 mètres de haut balaie cependant les scénarios de l’opérateur de la centrale, Tepco, en endommageant ce système de secours. Faute de courant, l’eau assurant le refroidissement du cœur ne circule plus, elle s’évapore, dénoie le cœur et la puissance résiduelle des éléments combustibles (n’étant plus évacuée) entraîne la fusion partielle des cœurs des réacteurs 1, 2 et 3 de Fukushima Daiichi. La tranche 4 étant à l’arrêt depuis plusieurs jours n’a pas été victime de fusion du cœur. Les piscines contenant des éléments combustibles antérieurement déchargés sont également privées de refroidissement et l’eau s’y évapore progressivement préparant ansi des dénoyages d’éléments et donc des fuites radioactives si rien n’est fait pour les remplir.
Le détail des faits
1er juin : l’AIEA remet au gouvernement japonais un rapport préliminaire qui note que le risque de tsunami a été sous-estimé tout en qualifiant la réaction du Japon à la catastrophe d’« exemplaire ».
17 mai : l’opérateur déclare que les dégâts subis par les réacteurs sont pires que prévu, le combustible des réacteurs 1,2 et 3 ayant vraisemblablement fondu après le 11 mars. Le combustible du réacteur 1 serait même tombé au fond de la cuve sous pression, menaçant de traverser la dalle de béton.
12 mai : Tepco annonce une nouvelle fuite d’eau radioactive au niveau du réacteur 3.
5 mai : des hommes pénètrent pour la première fois dans le bâtiment du réacteur 1 afin de capter les particules radioactives et poser les conditions de mise en place d’un système de refroidissement des réacteurs en circuit fermé.
21 avril : la zone d’évacuation de 20km autour de Fukushima Daiichi devient zone interdite. L’accès est strictement contrôlé.
17 avril : Tepco communique un plan d’actions censé permettre de maîtriser les rejets et d’abaisser la radioactivité. Près de 90 000 tonnes d’eau hautement radioactive, ayant servi au refroidissement de crise, doivent être récupérées par pompage. Le groupe Areva annonce deux jours plus tard qu’il fournira un système de décontamination de l’eau radioactive (dit coprécipitation et déjà utilisé à la Hague).
13 avril : un nouveau séisme de magnitude 5,8 se produit dans le nord est du Japon, réplique du tremblement de terre du 11 mars.
12 avril : l’Agence de sûreté nucléaire japonaise relève de 5 à 7 le niveau de gravité de l’accident de Fukushima sur l’échelle INES, soit le niveau maximum comme Tchernobyl, tout en évaluant les rejets radioactifs de Fukushima Daiichi à « environ 10% » de ceux émis à Tchernobyl.
6 avril : la brèche responsable de la fuite d’eau hautement radioactive est colmatée. Des milliers de tonnes d’eau faiblement radioactive sont encore rejetées en mer.
2 avril : une fissure sur le circuit primaire dans le réacteur 2 de la centrale est signalée par l’opérateur Tepco. De l’eau hautement radioactive se déverse dans le Pacifique (taux d’iode 131 très important détecté).
26 mars : de l’eau douce est désormais utilisée pour refroidir les réacteurs car l’eau de mer utilisée accélère la corrosion. Les premières traces du panache radioactif sont repérées en France, à des taux sans danger pour l’homme et l’environnement.
24 mars : l’Union européenne introduit des contrôles à l’entrée des produits venant des régions touchées par Fukushima.
23 mars : l’eau de Tokyo et des villes voisines est déconseillée aux bébés.
15 au 21 mars : d’importantes quantités de produits de fission radioactifs sont rejetées dans l’atmosphère. Des tonnes d’eau de mer sont déversées sur les réacteurs 1,2 et 3 pour les refroidir et dans les piscines de combustible usé pour les remplir.
15 et 16 mars : des incendies, consécutifs à une explosion, se déclarent au niveau d’une piscine d'entreposage du combustible du réacteur 4.
12 au 15 mars : l’hydrogène, relâché par l’oxydation du combustible émergé, provoque plusieurs explosions au contact de l’air, qui endommage les enceintes de confinement des réacteurs 1, 2 et 3.