COP26 de Glasgow en 2021 : l’accord du « moins pire »

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COP26

Négociations à la COP26 autour du projet final d'accord. (©UNFCCC_COP26_13Nov21_ClosingPlenary_KiaraWorth-5)

La COP26 a eu lieu à Glasgow, berceau de la révolution industrielle nourrie au charbon, du 31 octobre au 13 novembre 2021 (se terminant un jour après la date de conclusion initialement prévue), avec l’adoption par les près de 200 Parties présentes d’un texte de compromis, couramment appelé « Pacte de Glasgow ».

Contexte de la COP26

Sommet « Net Zero »

L'Agence internationale de l'énergie (AIE) et la présidence britannique de la conférence climat COP26 ont organisé en mars 2021 une réunion internationale à distance, baptisée "Sommet Net Zéro". 

Après un coup de frein lié à la pandémie de Covid-19 - un recul inédit depuis la Seconde guerre mondiale - les émissions liées à l'énergie sont reparties à la hausse, et leur bilan en décembre 2020 dépassait déjà celui de 2019.

"Le leitmotiv c'est coopération et coordination internationales, notamment en matière de technologies propres : c'est bien que les pays aient des engagements nationaux mais cela ne suffira pas pour atteindre les objectifs climatiques globaux", plaide le directeur exécutif de l'AIE Fatih Birol. L'économiste turc évoque un besoin de "transition profonde dans tous les secteurs où la demande énergétique est forte", et la nécessité d'"identifier des moyens d'action à court terme" : "ce qui va se passer dans les dix ans sera critique".

Résultat de la COP26

Le document final de la COP26, dit « Pacte de Glasgow pour le climat », « reflète les intérêts, les contradictions et l'état de la volonté politique dans le monde aujourd'hui », selon les termes du secrétaire général des Nations unies António Guterres(1)

S’il n’est pas à la hauteur, loin s’en faut, des enjeux climatiques rappelés durant cette COP(2), le texte est jugé « équilibré par rapport à ce que les pays pouvaient accepter à ce moment précis et compte tenu de leurs différences ». Autrement dit, il s’agit du « résultat le moins pire », a résumé le négociateur principal de la Nouvelle-Zélande.

« Accélérer les efforts » pour réduire la place du charbon

Alors que « l'élimination progressive de l'énergie au charbon et des subventions inefficaces aux combustibles fossiles » était inscrite dans le projet d’accord de la COP26  (une première dans l’histoire des COP – l’Accord de Paris ne mentionne notamment pas les énergies fossiles), le document final se limite à un engagement des Parties à « accélérer les efforts » pour réduire progressivement l’utilisation du charbon et à mettre fin aux subventions « inefficaces » en faveur des énergies fossiles.

Ce changement de dernière minute s’est opéré sous l’action de la Chine et de l’Inde (qui ont respectivement compté pour 54,3% et 11,6% de la consommation mondiale de charbon en 2020). 

Larmes du président de la COP26

Les larmes du président de la COP26, Alok Sharma, lors de l’annonce de cette modification, constituent l’une des images marquantes du sommet. Ce compromis illustre une fois encore la difficulté des négociations sous l’égide des COP (basées sur « la nature du consensus et du multilatéralisme » comme le rappelle Patricia Espinosa, Secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques).

Nouveaux engagements de réduction des émissions

Le Pacte de Glasgow salue par ailleurs les nouveaux engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre (« contributions nationales » dites « INDC » en anglais) annoncés par de nombreux pays, tout en soulignant l’écart persistant avec les ambitions de l’Accord de Paris. 

Alors qu’une réduction de 45% des émissions de gaz à effet de serre est attendue d’ici à 2030 par rapport au niveau de 2010 (pour limiter le réchauffement à 1,5°C(3)), les contributions annoncées - si elles sont bien respectées - conduiraient à une hausse de 13,7% desdites émissions d’ici à 2030(4).

Christian de Perthuis, économiste fondateur de la Chaire Économie du Climat, souligne la fin d'une hypocrisie autour des énergies fossiles : « plus important que quelques lignes du communiqué, la sortie des énergies fossiles s’est inscrite au cœur des débats. On en parle enfin sans faux-semblants, ce qui met sur la sellette les grands producteurs et exportateurs de ce type d’énergie »(5).

Financements apportés aux pays du Sud

Au sujet du financement des pays développés à l'appui de l'action climatique dans les pays en développement, le Pacte de Glasgow déplore que l’objectif de « mobiliser 100 milliards de dollars » en 2020 n’ait pas été atteint et appelle à une mobilisation « de toutes les sources pour atteindre le niveau nécessaire à la réalisation des objectifs de l'accord de Paris, y compris en augmentant sensiblement le soutien aux pays en développement parties, au-delà de 100 milliards de dollars par an ».

Par ailleurs, « lors des précédentes COP, les pays n’avaient pas réussi à s’accorder sur les règles permettant de mettre en place le dispositif d’échange de quotas ou de crédits d’émission facilitant l’atteinte des objectifs de réduction d’émission », rappelle Christian de Perthuis. À Glasgow, « les principaux points de blocage (risques de double comptage, intégrité du mécanisme) ont pu être levés. L’avancée est importante, car l’émergence d’un prix du carbone permettrait d’accélérer les réductions d’émissions de gaz à effet de serre. Reste à la concrétiser sur le terrain, ce qui prendra un certain temps, les règles étant passablement compliquées ».

Initiatives annoncées lors de la COP26

Comme lors des précédentes COP, un certain nombre d'autres initiatives annoncées à Glasgow ont apporté des motifs de satisfaction(6).

Réduire de 30% les émissions de méthane d'ici 2030

Citons entre autres celle des États-Unis et de l’Union européenne visant à réduire de 30% les émissions mondiales de méthane d’ici à 2030 par rapport au niveau de 2020, qui a été rejointe par plus de 100 pays (n’en font toutefois pas partie la Chine et l’Inde, les deux plus grands émetteurs de ce gaz à effet de serre).

Renoncer au charbon

Les Nations unies notent par ailleurs que « plus de 40 pays - dont de grands utilisateurs de charbon comme la Pologne, le Viet Nam et le Chili - ont accepté de renoncer au charbon, l'un des principaux générateurs d'émissions de CO2 ». Onze pays - incluant la France, le Costa Rica, le Danemark, l'Irlande, la France, le Danemark et le Costa Rica - ont également annoncé la création de l'Alliance « Beyond Oil and Gas » afin de fixer une date limite pour l'exploration et l'extraction nationales de pétrole et de gaz.

Dans une déclaration commune(7), les États-Unis et la Chine se sont également engagés, « à la surprise générale », à renforcer leur coopération en matière de climat au cours de la prochaine décennie.

Regain du nucléaire

"Cette COP est peut-être la première où l'énergie nucléaire a une chaise à la table, où elle a été considérée et a pu échanger sans le fardeau idéologique qui existait avant", dit à l'AFP Rafael Mariano Grossi, le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). Après les années post-Fukushima, qui ont vu les réticences croître et des pays se détourner, "le vent tourne", assure-t-il.

Argument principal, sur fond de climat déréglé : des émissions de CO2 très limitées, liées à l'extraction d'uranium et au béton des centrales. "L'énergie nucléaire fait partie de la solution au réchauffement. Ce n'est pas la panacée, elle peut ne pas être pour tout le monde, mais elle fournit déjà plus de 25% de l'énergie propre. Sans elle, on n'y arrivera pas", assène M. Grossi.

Dès son arrivée à la tête de l'AIEA, le diplomate argentin a décidé de porter la cause. "Ma première COP était à Madrid (COP25, fin 2019). J'y suis allé malgré l'idée générale que le nucléaire n'y serait pas bienvenu. Aujourd'hui, non seulement il n'est pas malvenu, mais il intéresse beaucoup".

Dans les travées de la COP26, des militants de "Nuclear for climate" - certains, professionnels du secteur - se sont fait entendre. "Parlons nucléaire !" invite sur son tee-shirt bleu Callum Thomas, un Britannique au rang d'observateur des négociations au titre du Japan Atomic Industrial Forum : "Beaucoup voient les prix du gaz quadrupler, et regardent la faisabilité du nucléaire".

12 syndicats pour « plus de nucléaire »

"Notre monde a besoin d'une énergie beaucoup plus propre, fiable et abordable, et nos membres ont besoin d'emplois sûrs et de qualité. Le nucléaire offre les deux, et c'est pourquoi nous avons besoin de plus de nucléaire", ont affirmé dans une tribune 12 organisations syndicales : GMB, Prospect et Unite the Union (Royaume-Uni), CFE-CGC Energies et CFE-CGC Métallurgie (France), IBEW (États-Unis et Canada), CNWC (Canada), Fédération Energie (Belgique), Odborovy svaz ECHO (République tchèque), EVDNZ (Hongrie), SCNE (Roumanie), ZOES (Slovaquie).

"La sortie du nucléaire ne fonctionne pas", est-il encore écrit dans la tribune (consultable ci-après). "Cela augmente les émissions et coûte des emplois". "Le nucléaire a déjà permis d'économiser 70 milliards de tonnes d'émissions de CO2 dans le monde et fournit une énergie propre à des centaines de millions de personnes. Surtout, c'est notre seule source d'électricité propre qui est disponible 24h/24 et 7j/7, quelle que soit la météo", assurent au contraire les syndicats.

"Sans nouvel investissement, plus de 100 gigawatts de capacité nucléaire, qui permettent d'alimenter 200 millions de foyers, seront perdues d'ici 2040. Cela nous coûterait probablement un demi-million d'emplois et représenterait la plus grande perte d'énergie propre de l'histoire du monde", expliquent-ils encore. "La COP26 est une chance pour les décideurs politiques de choisir une énergie sans émissions, de bonnes opportunités professionnelles et une prospérité durable. Cela revient à choisir le nucléaire dans le cadre d'un système énergétique équilibré", estiment-ils.

« Alliance of CEO climate leaders »

Une alliance de patrons de  91 grandes entreprises a proposé une liste de solutions concrètes pour lutter contre le changement climatique lors de cette COP26. La lettre ouverte de cette alliance, appelée « Alliance of CEO climate leaders » (Alliance des PDG leaders du climat), propose notamment de supprimer les subventions aux énergies fossiles, de réduire les droits de douanes sur les biens favorables au climat et de soutenir l'innovation dans les technologies contribuant à la transition climatique.

Créée en 2014, cette alliance de patrons fédérés par le Forum économique mondial, connu sous le nom de Forum de Davos, rassemble aussi bien les patrons de fabricants de produits de grande consommation (dont Unilever, Nestlé, PepsiCo et H&M), de groupes pharmaceutiques (dont Bayer, Novartis, et Takeda), de cabinets de conseils (dont Accenture, Bain & Company, Capgemini, EY et KPMG) ou encore des patrons de banques et compagnies d'assurances (dont Allianz, Banco Santander, HSBC et Zurich Insurance).

Les propositions de ces patrons se répartissent en trois groupes, les premières portant sur la suppression des subventions aux énergies fossiles et réduction de droits de douanes sur les produits favorables au climat. Les secondes englobent le soutien aux nouvelles technologies favorables au climat, les patrons soulignant que "les gouvernements peuvent faire la différence" notamment en harmonisant les lois et réglementations qui aident à leur développement. Les troisièmes portent sur les investissement dans les défenses climatiques, notamment dans les infrastructures de protection contre les désastres naturels.

Transition énergétique « juste »

L'Allemagne, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et l'Union européenne se sont engagés à financer une "transition énergétique juste", à hauteur de 8,5 milliards de dollars, pour aider l'Afrique du Sud à sortir de sa dépendance au charbon sur le plan énergétique. Johannesburg n'est cependant pas signataire de l'accord charbonnier.

Autres engagements

Au moins 19 pays, parmi lesquels de grands investisseurs comme les États-Unis ou le Canada, et des institutions financières se sont ainsi engagés à mettre un terme d'ici la fin 2022 au financement à l'étranger de projets d'énergies fossiles sans techniques de capture de carbone. "Investir dans des projets d'énergie fossile laissés tels quels comporte de plus en plus de risques sociaux et économiques", écrivent les signataires dans une déclaration commune.

Dans une autre initiative, promue par le gouvernement britannique, plus d'une quarantaine de pays se sont engagés sur une "déclaration de transition du charbon vers l'énergie propre", dont plusieurs avaient déjà pris des engagement similaires, comme la Pologne ou la France, déjà très peu engagée dans le charbon.

Toutefois, de grands pays impliqués dans le secteur - Australie, Chine, Inde, États-Unis, Japon ou Russie - ne figurent pas parmi les signataires. Les deux initiatives comptent en revanche des membres au poids économique international très relatif - Maldives, Iles Marshall, Fidji, Mali ou Népal. Le Pays de Galles est également comptabilisé à part dans la liste des signataires sur le charbon, dont il fut un grand producteur, aux côtés du Royaume-Uni dont il fait pourtant partie...

Réactions suite à la COP26

  • « Je ne suis pas d'accord avec l'idée que Glasgow serait un échec », a jugé le directeur exécutif de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), Fatih Birol. L'AIE avait déjà calculé que les annonces faites à Glasgow - à condition d'être pleinement mises en œuvre - pourraient limiter le réchauffement à 1,8°C. "C'est un succès politique important de Glasgow" mais "le mot critique ici, le mot magique, est pleine mise en œuvre, en particulier pour ces dix prochaines années", a-t-il souligné. Il a ainsi appelé à "une expansion massive des énergies renouvelables, notamment dans le secteur électrique", ainsi qu'à des efforts d'efficacité énergétique.
     

COP suivantes

Les COP suivantes ont eu lieu fin 2022 à Charm el-Cheikh en Égypte (COP27), puis aux Émirats arabes unis fin 2023 (COP28).

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