Climat : que faut-il savoir sur la COP29 ?

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L'Azerbaïdjan, puissance pétrogazière et membre du mouvement des non-alignés, présidera en novembre la 29e conférence des Nations unies sur le climat (COP29). Près de 200 pays sont attendus à ce sommet.

Quand et où a lieu la COP29 ?

La COP29 aura lieu à Bakou (au Baku Stadium), capitale de l'Azerbaïdjan (située dans l'est du pays, au bord de la mer Caspienne). Elle est censée durer du 11 au 22 novembre 2024, mais les Conférences Climat débordent fréquemment sur le planning prévu afin de parvenir à des accords.

Notons que la COP29 devait initialement avoir lieu dans un pays d'Europe de l'Est après la tenue de la COP28 aux Émirats arabes unis (les grandes Conférences Climat changent de bloc régional d'année en année). La Russie avait toutefois fait part de son opposition à ce qu'un pays de l'Union européenne accueille la COP29 (notamment la Bulgarie qui était candidate et a retiré sa candidature fin 2023), sur fond de guerre en Ukraine, perturbant le processus de désignation.

Qui est le président de la COP29 ?

Le président de la COP29 nommé en janvier 2024 est Moukhtar Babayev. Il est ministre de l'Écologie et des Ressources naturelles de l'Azerbaïdjan et ancien responsable de la compagnie nationale pétrolière et gazière Socar (il a notamment été vice-président chargé de l'écologie de la compagnie de 2007 à 2010(1)).

C'est la deuxième année de suite qu'une COP sur le climat est présidée par un homme ayant eu de hautes responsabilités dans la compagnie pétrolière nationale de son pays (en 2023, le président de la COP28, Sultan Al Jaber, était dirigeant de la compagnie nationale émiratie Adnoc).

Le gouvernement azerbaïdjanais a également nommé le vice-ministre des Affaires étrangères, Yalchin Rafiyev, comme négociateur en chef pour la COP29.

Dans le comité d'organisation de la COP29 figurent 12 femmes nommées en janvier 2024 : la composition initiale, 100% masculine (28 hommes), avait suscité la colère d'ONG et de politiques.

Contexte

Les engagements actuels des pays placent le monde sur une trajectoire de réchauffement de 2,5° à 2,9°C au cours du siècle, selon les calculs de l'ONU, par rapport à période préindustrielle. Et le seuil de 1,5°C - limite la plus ambitieuse de l'accord de Paris - sera probablement atteint entre 2030 et 2035, selon le GIEC.

« Actuellement, nous nous dirigeons vers une augmentation de 2,7°C environ », a souligné le secrétaire exécutif de la CNUCC Simon Stiell au début de négociations préparatoires de la COP29 à Bonn en juin 2024.

Que faut-il savoir sur le pays hôte ?

Membre de l'OPEP+, l'Azerbaïdjan est un État pétrogazier autoritaire d'Asie centrale dirigé par Ilham Aliev, au pouvoir depuis 2003 et la mort de son père.

Bakou fut l'une des capitales mondiales du pétrole au début du 20e siècle, rappelait début 2024 à l'AFP Francis Perrin, spécialiste de l'énergie à l'Iris, « avec des intérêts russes, Shell et les frères Nobel à l'époque ».

Le pays a développé à partir des années 1990 de gros gisements pétroliers et gaziers en mer Caspienne. Aujourd'hui, le gaz est devenu plus important que le pétrole pour l'Azerbaïdjan, ce gaz étant principalement exporté vers l'Europe (Bakou compte doubler ses exportations vers l'Europe, qui veut se détourner du gaz russe, d'ici 2027).

« Le pays reste aujourd'hui très dépendant des hydrocarbures qui représentent un peu moins de 50% de son PIB, un peu plus de 50% de ses recettes budgétaires et un peu plus de 90% de ses recettes d'exportation », selon Francis Perrin.

Le gaz qualifié d'énergie « de transition »

« Il y a un conflit d'intérêt, pour la deuxième année d'affilée, qui est majeur », regrette Romain Ioualalen, de l'ONG Oil Change International. Mais il pense qu'organiser la COP29 est un « pari risqué » et pourrait aussi se retourner contre Bakou, qui sera « attendu au tournant » sur sa politique climatique.

En juin 2024, le président de la COP29 a d'ailleurs déclaré à l'AFP que son pays continuerait à augmenter sa production de gaz, « une énergie de transition », pour répondre à la demande internationale, « en parallèle » de ses investissements dans les énergies renouvelables.

Répression des droits humains

Les droits humains en Azerbaïdjan ne sont pas respectés, alertent fréquemment des ONG. Ce 8 octobre 2024, Human Rights Watch et Freedom Now ont entre autres publié un nouveau rapport pour dénoncer les arrestations infondées de dizaines de militants, notamment écologistes, critiquant la politique du régime(2).

Un enjeu de réputation

Pour redorer son image, l'Azerbaïdjan a organisé de nombreux événements internationaux ces dernières années (Eurovision 2012, matches de l'Euro 2020, Grand Prix de Formule 1, etc.) et acheté des pages de publicité dans des grands médias internationaux. 

« L'Azerbaïdjan se soucie réellement de son image internationale et de son prestige », confirme auprès de l'AFP Giorgi Gogia, responsable de l'ONG Human Rights Watch, « et il est tout à fait prêt à organiser des grands événements pour blanchir son bilan désastreux en matière de droits humains ».

En décembre 2023, Ilham Aliev disait d'ailleurs voir dans l'attribution de la COP29 la preuve de « l'immense confiance et du profond respect » de la communauté internationale envers son pays, affirmant même que « Bakou va être le centre du monde pendant deux semaines ».

Que faut-il attendre de cette nouvelle COP ?

« Toutes les COP sont compliquées. On commence chaque année en se disant celle-ci va être compliquée. Je ne néglige pas les défis auxquels nous faisons face. Mais si la volonté politique est là, nous devrions pouvoir nous accorder sur un résultat positif et ambitieux à Bakou. Les décisions prises à Dubaï devraient être un tremplin, les outils sont sur la table », indiquait le ministre danois du Climat à l'AFP Dan Jørgensen en février 2024, en marge d'une table-ronde organisée par l'AIE.

« La présidence azerbaïdjanaise de la COP29 montre qu'elle est ambitieuse », affirmait également Dan Jørgensen. « Elle aura besoin d'aide, comme toutes les autres présidences. Mais il revient aussi à la communauté internationale, et surtout aux pays très impliqués dans le processus des COP, d'aider autant que possible. »

Renforcer les contributions nationales

« L'élément clé ce sont les Contributions déterminées au niveau national (NDC en anglais), qui permettent aux pays de définir les émissions de gaz à effet de serre qu'ils vont réduire et comment. Et il nous les faut avant la COP30 au Brésil (à Belem), donc début 2025. Nous devons nous assurer qu'elles soient assez ambitieuses et concrètes », selon Dan Jørgensen.

« Mais nous sommes loin du compte. Il faut que les NDC soient actualisées pour refléter les décisions prises et donc l'ambition d'une transition hors des énergies fossiles. Il faut aussi plus de partage de connaissances et de collaboration entre les pays. Souvent l'ambition est là. Mais le problème est aussi que nous avons besoin de financements. Et ce sera le point central de la COP29 à Bakou », prévient le ministre danois du Climat. 

Il faut en outre « acter que certains pays ont une obligation de faire plus que d'autres et de les aider. Et se concentrer sur une transition plus juste ».

Finance climatique : relever l'aide aux pays en développement

En mars 2024, le Président de la COP24 a souligné l'importance du financement, présenté comme « un catalyseur essentiel de l'action climatique ». Émirats arabes unis, Azerbaïdjan et Brésil - présidents respectifs de la COP28 et des deux suivantes - ont promis que leurs engagements seraient conformes aux exigences pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. Ces trois pays appellent à ce que les pays développés s'engagent sur des financements aux pays en développement dans leurs plans de réduction d'émissions.

En avril 2024, Moukhtar Babayev a présenté une esquisse du « plan de la présidence de la COP29 » à Berlin en ouverture du Petersberg Climate Dialogue, rendez-vous diplomatique clé du calendrier des négociations. Les deux piliers alors mis en avant par la présidence azerbaïdjanaise sont : « établir des plans clairs pour maintenir en vie l'objectif de 1,5°C de réchauffement et ne laisser personne de côté, tout en mettant en place le financement nécessaire pour y parvenir ».

Moukhtar Babayev appelle ainsi les pays du Nord à accélérer leur soutien financier aux pays en développement. espère « convenir d'un nouvel objectif de financement de la lutte contre le changement climatique, renforcer les institutions financières mondiales, injecter des capitaux dans la transition, débloquer tous les mécanismes de soutien à l'action climatique et accroître et accélérer le financement concessionnel et la philanthropie ».

La promesse des pays du Nord de verser 100 milliards de dollars par an pour la transition des pays en voir de développement a été tenue pour la première fois en 2022 (116 milliards de dollars). Elle doit être renouvelée(3) mais ce montant reste très en-deçà des besoins, évalués à 2 400 milliards de dollars par an d'ici 2030 pour les pays en développement (hors Chine), selon un calcul du GIEC. L'Inde a proposé un montant de 1 000 milliards de dollars, soit dix fois l'objectif actuel, que les pays riches ont difficilement atteint en 2022, avec deux ans de retard. 

Fonds abondé par les producteurs d'énergies fossiles : 1 milliard de dollars pour débuter

En juillet 2024, l'Azerbaïdjan a appelé les producteurs d'énergies fossiles à abonder un nouveau « concept » de « Climate Finance Action Fund » (CFAF) : réunir un montant initial d'un milliard de dollars grâce aux « contributions volontaires » des pays et des compagnies extractrices de pétrole, de gaz et de charbon, sous forme de somme forfaitaire ou proportionnelle au volume de production.

Le futur fonds doit démarrer une fois cette cible financière atteinte et dix pays contributeurs annuels réunis. Il vise à financer des projets d'énergies renouvelables, d'industrie verte, à soutenir et décarboner l'agriculture, ainsi qu'à répondre aux catastrophes climatiques, via des prêts concessionnels ou des subventions, selon la présidence de la COP29.

Cette proposition a suscité des réactions méfiantes des ONG de lutte contre le changement climatique. Pour Friederike Röder, vice-présidente de l'ONG Global Citizen, « ce qu'il faut, c'est une véritable taxe, et pas seulement un mécanisme volontaire opaque », alors que « les cinq majors pétrolières et gazières ont réalisé 281 milliards de dollars de bénéfices ces deux dernières années », indique-t-il à l'AFP. Pour l'ONG Oil Change international, « inviter l'industrie fossile à jouer les champions du climat est une perte de temps » et du « greenwashing ».

D'autres pays ont proposé d'introduire des taxes sur l'industrie pétrolière et d'autres secteurs polluants comme l'aviation et le transport maritime, tandis que le Brésil, à la présidence du G20, pense à une taxe mondiale sur les milliardaires.

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