Les propositions des différents candidats diffèrent fortement sur la place du nucléaire dans la future production d'électricité française. (©photo)
Ce 23 avril aura lieu le premier tour de l’élection présidentielle française. Les problématiques énergétiques ont été, à l’exception de la question du nucléaire, relativement peu abordées durant la campagne bien que la « transition énergétique » se trouve au cœur du programme de certains candidats. Présentation des grandes mesures proposées par les cinq principaux candidats.
Précisons que les programmes présentés ci-dessous (par ordre alphabétique) ne sont pas exhaustifs. Les propositions les plus couramment partagées par les candidats ne sont en particulier pas développées ici : renforcement de l’efficacité énergétique, rénovation des bâtiments, lutte contre la précarité énergétique, développement des véhicules électriques, recherche sur le stockage d’électricité et les smart grids, etc.
François Fillon (Les Républicains)
François Fillon annonce vouloir « préparer l’après pétrole en nous engageant vers une économie décarbonée ». La place du nucléaire resterait essentielle dans cette perspective, François Fillon souhaitant moderniser le parc existant pour en prolonger la durée d’exploitation (sous réserve de l’accord de l’ASN). Opposé à la fermeture de la centrale de Fessenheim et à l’objectif de baisser à 50% la part du nucléaire dans le mix électrique français à l’horizon 2025 (contre 72,3% en 2016), le candidat des Républicains souhaite renforcer les études sur les réacteurs nucléaires de 4e génération et faire adopter une nouvelle loi de transition énergétique.
Dans son programme, il fait le constat d’une « révolution énergétique mondiale », notamment marquée par la baisse des coûts de production des énergies renouvelables et du stockage de l’électricité ainsi que par la digitalisation du secteur. François Fillon appelle à développer l’autoconsommation, la production décentralisée et l’usage de ressources renouvelables sur le territoire français, citant entre autre le bois et la géothermie dans son programme. Il souhaite en revanche supprimer le dispositif des obligations d’achat de la production de nouvelles installations et mettre fin progressivement à la CSPE.
François Fillon souhaite éliminer les énergies fossiles de la production d’électricité (elles comptaient en 2016 pour près de 8,6% du mix national, dont 6,6% pour le gaz) et assurer un prix plancher du carbone de 30 euros par tonne de CO2 au niveau européen, parallèlement au renforcement des recherches sur les techniques de capture et de stockage du carbone. Il annonce par ailleurs vouloir renforcer en France « le processus progressif de diminution de la part du diesel ». François Fillon ne s’est pas clairement exprimé sur la possibilité d’exploiter les gaz de schiste mais il entend supprimer le principe de précaution qu’il juge synonyme d’inaction, ce qui pourrait permettre de relancer la recherche autour de ces hydrocarbures.
Le programme de François Fillon
Benoît Hamon (Parti socialiste)
Allié au candidat d’Europe Ecologie Les Verts Yannick Jadot, Benoît Hamon accorde une place centrale à la transition énergétique et à l’environnement dans son programme. Il s’engage à porter à 50% la part des énergies renouvelables dans la production électrique française d’ici à 2025 (contre 19,1% en 2016 et 7,1% hors hydroélectricité). Il porte par ailleurs un objectif de 100% d’énergies renouvelables à l’horizon 2050 en se référant au scénario négaWatt et à celui de l’Ademe (qui porte sur l'électricité).
Le développement des énergies renouvelables se ferait au détriment de l’énergie nucléaire dont Benoît Hamon souhaite sortir « à l’horizon d’une génération », soit dans les 25 ans à venir. Benoît Hamon promeut une « fiscalité plus verte », s’engageant à moduler la TVA en fonction de l’empreinte environnementale et à réclamer une taxe carbone aux frontières de l’Europe. Il souhaite supprimer toutes les subventions aux énergies fossiles (à commencer par la fiscalité avantageuse en faveur du diesel), maintenir l’interdiction des gaz de schiste et programmer une « sortie maîtrisée » à l’horizon 2025 des voitures neuves alimentées au diesel. Dans les bâtiments, Benoît Hamon souhaite mettre en place un « bouclier énergétique » afin de garantir que les ménages habitant les logements les moins bien isolés ne consacrent pas plus de 10% à leurs factures d'énergie.
Benoît Hamon s’engage à ce que les lois de finance de la France en fin de mandat soient « conformes avec les objectifs de la COP21 ». Au niveau communautaire, il appelle à mettre en place « une Europe de l’énergie » et à lancer un Plan d’investissements européen de 1 000 milliards d’euros « pour la transition écologique et économique ».
Marine Le Pen (Front national)
La candidate du Front national est, comme François Fillon, opposée à la fermeture de la centrale de Fessenheim. Elle souhaite poursuivre l’exploitation du parc nucléaire en service grâce aux investissements de sûreté dans le cadre du grand carénage. Marine Le Pen souhaite par ailleurs maintenir l’interdiction de l’exploitation du gaz de schiste, « tant que des conditions satisfaisantes en matière d’environnement, de sécurité et de santé ne seront pas réunies », se réservant ainsi ouverte la possibilité d’une future exploitation.
Pour la plupart des énergies renouvelables, Marine Le Pen entend « développer massivement les filières françaises », citant notamment le solaire, le biogaz et le bois-énergie dans son programme, mais elle souhaite décréter un moratoire « immédiat » sur l’éolien.
Marine Le Pen souhaite renationaliser EDF (dont l’État est déjà actionnaire à 83,1%(1)) et est opposée à la privatisation des barrages hydroélectriques. Elle souhaite soutenir une filière française de l’hydrogène « par un appui de l’État en matière de recherche et de développement » afin de réduire la dépendance française aux importations de pétrole. Elle s’est dit opposée en mars 2017 à une augmentation de la fiscalité du diesel qui affecterait selon elle des familles modestes (incitées à opter pour le diesel dans le passé) et annonce vouloir baisser « immédiatement de 5% » les tarifs réglementés du gaz et de l’électricité.
Emmanuel Macron (En Marche)
Emmanuel Macron s’inscrit globalement dans la continuité de la loi de transition énergétique adoptée à l’été 2015 : il compte conserver l’objectif de 50% de nucléaire dans le mix électrique français à l’horizon 2025 (en maintenant la fermeture de la centrale de Fessenheim), tenir l’objectif de 32% d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie en France en 2030 et porter la contribution climat-énergie à 100 €/t de CO2 en 2030. Emmanuel Macron s’engage par ailleurs à doubler d’ici à 2022 les capacités éoliennes et photovoltaïques installées en France. Il appelle à raccourcir et simplifier les procédures d’installation des énergies renouvelables.
Emmanuel Macron appelle à « sortir des énergies fossiles », en citant toutefois uniquement la fermeture des centrales électriques au charbon durant le prochain quinquennat (avec reconversion desdits sites). Pour rappel, ces centrales ont compté pour seulement 1,4% de la production électrique française en 2016. Emmanuel Macron s’engage par ailleurs à n’attribuer aucun nouveau permis d’exploration d’hydrocarbures et à interdire toute expérimentation concernant les gaz de schiste.
Dans les transports, Emmanuel Macron s’engage entre autres à accélérer le déploiement des bornes de recharge électrique, à aligner la fiscalité du diesel sur celle de l’essence et à créer une prime de 1 000 euros pour le remplacement de véhicules fabriqués avant 2001 par des voitures « plus écologiques », neuves ou d’occasion(2). Il souhaite globalement préparer « le modèle de croissance de demain » grâce à un grand Plan d’Investissement de 50 milliards d’euros sur 5 ans, dont 15 milliards doivent être consacrés à la « transition énergétique et écologique ».
Le programme d’Emmanuel Macron
Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise)
Jean-Luc Mélenchon a publié différents livrets thématiques dont un spécifiquement dédié à l’énergie(3). Critiquant le manque d’ambitions et de moyens mis en œuvre dans le cadre de la loi de transition énergétique, il vise un objectif de 100% d’énergies renouvelables à l’horizon 2050. Cela implique de fait une sortie du nucléaire et l’abandon du grand carénage ainsi que des projets d’EPR (Flamanville, Hinkley Point) et Cigéo (stockage souterrain des déchets radioactifs).
Jean-Luc Mélenchon souhaite mettre fin aux subventions en faveur des énergies fossiles, maintenir l’interdiction d’exploiter les hydrocarbures non conventionnels, le gaz et le pétrole de schiste ainsi que le gaz de houille étant cités dans le livret « énergie » de la France insoumise. Le candidat de la France insoumise souhaite par ailleurs créer un « pôle public de l’énergie » en renationalisant EDF et Engie(4), « en lien avec des coopératives locales de production et de consommation d’énergies renouvelables ». Il souhaite également « stopper » la privatisation des barrages hydroélectriques.
Opposé à la libéralisation du secteur de l’énergie, Jean-Luc Mélenchon estime que le « prix de l’énergie ne peut être déterminé par le marché » et souhaite une garantie dans le temps d’un tarif « défini par la représentation nationale ». Il entend garantir un « droit à l’énergie » avec un accès gratuit pour tous aux usages de première nécessité et une tarification progressive pénalisant les gaspillages. Au niveau européen, il souhaite « abandonner le marché carbone et mettre en œuvre une véritable politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre avec des critères de convergence impératifs ».
Le livret « Énergie » de Jean-Luc Mélenchon
Les autres candidats
Nathalie Arthaud, qui développe peu de propositions relatives à l'énergie dans son programme, annonce vouloir organiser une « transition vers les énergies renouvelables » et entend exproprier les entreprises du secteur nucléaire(5).
François Asselineau souhaite relancer un grand débat national sur l’énergie à l’issue duquel serait organisé un référendum sur les grands enjeux énergétiques, aux premiers rangs desquels la place du nucléaire dans le mix électrique français. Il appelle à un « retour à la nation des producteurs et des fournisseurs d’électricité et de gaz ». Il annonce vouloir supprimer les subventions aux énergies fossiles et développer les ressources renouvelables sur le territoire(6).
Jacques Cheminade défend fortement l’énergie nucléaire sans l’apport de laquelle « aucune reprise de l’économie mondiale ne sera possible » selon lui. En France, il entend construire de nouveaux réacteurs de type EPR comme celui de Flamanville et intensifier la recherche autour des réacteurs de la 4e génération et de la fusion nucléaire (projet ITER en cours). Il prône le développement de la filière hydrogène et propose un moratoire sur les subventions aux énergies renouvelables, dénoncant « un certain pétainisme du retour à la terre et aux énergies douces de type bourgeois bohême »(7).
Nicolas Dupont-Aignan, qui évoque beaucoup l’énergie dans son programme (71 occurrences)(8) souhaite conforter le socle décarboné de la production électrique française autour du nucléaire et de l’hydroélectricité. Il souhaite encourager la construction d’un premier réacteur nucléaire au thorium d’ici à 2030 et est très critique à l’égard de l’éolien dont il dénonce le coût, l’intermittence et l’impact sur le paysage. Au niveau européen, il souhaite promouvoir la collaboration de petits groupes de pays autour de grands projets : panneau solaire du futur, carburants à partir de microalgues, nucléaire de 4e génération, etc. Pour renforcer l’indépendance énergétique de la France, il appelle à « mener des campagnes de recherches d’énergies fossiles le long de nos côtes ».
Jean Lassalle annonce vouloir remplacer le nucléaire et le pétrole par les énergies renouvelables(9), en développant en particulier massivement l’énergie solaire (en intensifiant la recherche sur le stockage d’électricité) et les énergies marines (en développant notamment la R&D sur les énergies houlomotrice et hydrolienne). Il entend lancer un nouveau débat national sur les énergies(10).
Philippe Poutou vise un objectif de 100% d’énergies renouvelables en 2050. Il plaide pour une sortie des énergies fossiles et du nucléaire, avec la fermeture immédiate de tous les réacteurs en service depuis plus de 30 ans et l’arrêt de la construction de l’EPR de Flamanville (ainsi que du projet Cigéo). Philippe Poutou appelle à la création d’un « service public unifié de l’énergie », avec l’expropriation des groupes privés. Pour faire preuve de davantage de sobriété énergétique, il appelle entre autres à interdire « la publicité énergivore et créatrice de faux besoins »(11).
Le nucléaire reste le sujet le plus clivant en matière d'énergie entre les principaux candidats à l'élection présidentielle 2017. (©Connaissance des Énergies)