Site de méthanisation à Chaumes-en-Brie. (©Stop and Go)
Le dispositif des certificats de production de biogaz (« CPB ») a été introduit par l’article 95 de la loi « Climat et Résilience » d'août 2021 pour « favoriser la production de biogaz injecté dans les réseaux de gaz naturel et l'atteinte des objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie ».
Un décret publié ce 6 juillet au Journal officiel précise les modalités concrètes d'application de ce dispositif, avec de nouvelles obligations pour tous les fournisseurs de gaz en France à partir de 2026 qui doivent favoriser le développement de la filière (en impactant les factures d'énergie).
Comment sont actuellement rémunérés les producteurs de biométhane ?
Le soutien au développement à la filière du biométhane prend aujourd'hui la forme suivante :
- les petites installations de production de biométhane injecté (moins de 25 GWh PCS de production par an) accèdent à un guichet ouvert, via lequel elles signent un contrat d'achat garanti sur 15 ans, leur apportant une visibilité. Le prix d'achat dépend du type et de la taille de ces installations de production ;
- les installations de production plus importantes sont censés bénéficier d'un soutien à la suite d'une procédure de mise en concurrence. Un appel d'offres « biométhane injecté » a à ce titre été lancé, puis suspendu fin 2022, puis relancé fin 2023 par le ministère en charge de l'Énergie (découpé en 3 phases, il porte sur une capacité totale de production de 1,6 TWh/an de biométhane injecté(1), la CRE a délibéré sur la 1re phase mais les résultats n’ont pas encore été publiés).
Précisons que les conditions tarifaires du guichet ouvert ont récemment été modifiées avec la publication de l’arrêté du 10 juin 2023. Ces tarifs d'achat sont financés via les charges de service public de l’énergie (qui sont intégrées directement au budget de l’État). Voici ci-après les fourchettes de prix au 2e trimestre 2024 (en €/MWh).
T2 2024 | |
Tarif Max Méthanisation agricole | 179,1 |
Tarif Min Méthanisation agricole | 118,1 |
Tarif Max Méthanisation STEP | 192,4 |
Tarif Min Méthanisation STEP | 118,1 |
Tarif Max Méthanisation ISDND | 135,3 |
Tarif Min Méthanisation ISDND | 79,6 |
Que change le décret du 6 juillet ?
Le décret du 6 juillet 2024 vise « à préciser les dernières modalités d’application de ce dispositif de certificats de production de biogaz, en particulier : les volumes de consommation de gaz naturel concernés et le niveau de restitution de certificats de production de biogaz pour les fournisseurs de gaz naturel assujettis ». Il vient compléter un premier décret sur les CPB d'avril 2022(2).
Le nouveau décret fixe pour tous les fournisseurs de gaz une obligation, à partir de 2026, de fournir un nombre de certificats de production de biogaz proportionnel au niveau de consommation de leurs clients(3).
Pour s'acquitter de cette obligation, les fournisseurs de gaz naturel peuvent produire eux-mêmes du biométhane injecté dans les réseaux de gaz naturel ou acquérir des certificats auprès de producteurs de biométhane.
Ce dispositif extra-budgétaire est censé principalement bénéficier aux nouvelles grandes installations et aux installations de cogénération se convertissant à l'injection de biométhane, préciser la CRE. Les petites installations devraient continuer à profiter de l'effet protecteur du guichet ouvert.
Des fournisseurs sont-ils exemptés de cette obligation ?
Des fournisseurs de gaz sont exemptés de l'obligation de CPB, rappelle la CRE :
- l'obligation porte sur les consommations résidentielles et tertiaires, un fournisseur ne fournissant que des industriels est ainsi exempté ;
- par ailleurs, les fournisseurs dont les livraisons annuelles de gaz sont inférieures à 400 GWh sont également exemptés (une diminution de ce seuil de 100 GWh chaque année est prévue).
Quel est le niveau d'obligation des fournisseurs assujettis ?
La première période d’obligation de restitution de certificats de production de biogaz s’étend du 1er janvier 2026 au 31 décembre 2028.
L'obligation de chaque fournisseur de gaz est de fournir :
- en 2026 : 0,0041 certificat de production de biogaz par mégawattheure de pouvoir calorifique supérieur de gaz consommé par les clients dudit fournisseur ;
- en 2027 : 0,0182 certificat de production de biogaz par MWh PCS ;
- en 2028 : 0,0415 certificat de production de biogaz par MWh PCS.
Autrement dit, l'obligation est approximativement décuplée entre 2026 et 2028.
EEX a été nommé gestionnaire de registre des CPB. Le contrôle des obligations devrait être effectué par le ministère, précise la CRE.
Qui a fixé le niveau des obligations ?
En octobre 2023, la CRE a été saisie d'une première version du décret qui fixait « un signal très fort de développement » pour la filière. Le niveau des obligations était toutefois très élevé, compte tenu du temps de développement nécessaire pour les nouveaux projets (de l'ordre de 3 à 4 ans).
Or, « la bonne adéquation entre la trajectoire de l’obligation d’une part et le stock progressif d’installations de production de biométhane injecté qui peuvent s’inscrire dans le dispositif de CPB d’autre part constitue, au démarrage du dispositif, le paramètre majeur déterminant l’équilibre du marché de CPB, son efficacité et son effet sur les offres de fourniture de gaz faites aux consommateurs », souligne la CRE dans sa délibération de décembre 2023.
La Commission a à ce titre prôné « une trajectoire d'obligation plus réaliste » et recommandé une baisse d'a minima 40% de l'obligation sur la période 2026-2028 (recommandation globalement suivie par le ministère).
L’article R. 446-113 du code de l’énergie prévoit que le volume d’obligation de restitution des CPB est « déterminé en cohérence avec les objectifs de développement fixés par la programmation pluriannuelle de l’énergie », rappelle la CRE.
Pour rappel, la PPE fixe pour objectifs :
- pour 2023 : 14 TWh de production totale de biogaz dont 6 TWh injecté dans les réseaux (objectif atteint entre 2021 et 2022 en fonction de la méthodologie retenue, selon la CRE) ;
- pour 2028 : entre 24 à 32 TWh de production totale de biogaz dont 14 à 22 TWh injectés dans les réseaux en fonction des coûts de production de biométhane injecté dans les réseaux.
Comment sera fixé le prix du CPB ?
Comme dans tout marché, le prix du CPB sera le résultat de « la rencontre d'une offre et d'une demande », nous indique la CRE.
Avec un garde-fou pour garanti un montant suffisant du CPB : une pénalité applicable aux fournisseurs d'énergie en cas de certificats manquants (comme prévu par l'article L. 446-46 du code de l'énergie).
Le montant prévu de cette pénalité est plafonné à 100 euros par certificat manquant, un niveau « justifié » selon la CRE(4).
Au regard des anticipations actuelles des prix de gros du gaz et d’une estimation du coût complet de production des installations biométhane, la CRE estime dans sa délibération de décembre 2023 que « le prix d’un CPB pourrait s’établir autour de 80 €/MWh PCS pour une installation standard de production de biométhane en 2026 »
Quel sera l'impact de ce dispositif sur la facture des consommateurs ?
La CRE va publier d’ici la fin de l’année 2024 un rapport d’audit sur l’ensemble des installations de biométhane existantes (dont des grosses installations), ce qui donnera une meilleure visibilité sur le coût des installations et du dispositif CPB.
Dans sa délibération fin 2023, la Commission estimait le surcoût annuel associé à l’introduction du dispositif des CPB, pour un consommateur de chauffage moyen (14 MWh/an), à 8,3 € TTC en 2026, 36,7 € TTC en 2027 et 79 € TTC en 2028(5).
Dans le cas où un fournisseur serait « contraint de s’approvisionner entièrement au niveau de la pénalité en 2028, le surcoût serait de 7,1 €/MWh TTC, soit 98,8 € pour l’année pour un client chauffage ».