Le prototype immergé doit permettre de réduire de près de 95% les besoins d’électricité liés au refroidissement du data center. (©Scott Eklund-Red Box Pictures)
Un data center a été immergé le 5 juin dans les eaux écossaises où il sera testé pendant un an. Ce projet, baptisé « Natick », est le fruit d’une collaboration entre Microsoft et le groupe français Naval Group. Explications.
Un data center immergé à près de 40 m de profondeur
Lancé en juillet 2014 par Microsoft, le projet Natick vise à tester « la viabilité de l’exploitation d’un data center sous-marin », avec pour principal intérêt de limiter les besoins en électricité de cette installation, le refroidissement des serveurs étant assuré « naturellement » grâce à l’eau froide environnante.
La deuxième phase du projet a commencé avec l’immersion d’un prototype en conditions réelles près des îles Orcades, au nord de l’Écosse. Naval Group et sa filiale Naval Energies ont conçu un cylindre de 12 mètres de long contenant le data center et « un système d’échange air-eau qui permet de profiter de la température de l’environnement sous-marin pour refroidir » celui-ci.
Le data center est lui-même composé de 12 racks contenant 864 serveurs, dont « la puissance équivaut à plusieurs milliers de PC individuels et qui offre une capacité de stockage équivalente à près de cinq millions de films ». Le prototype est actuellement posé au fond marin, « à plus ou moins 40 m de profondeur » (la structure est conçue pour pouvoir être déployée jusqu’à 100 m de profondeur).
Un appel de puissance de 240 kW
Le prototype de Microsoft et Naval Group est installé sur le site de l’EMEC (European Marine Energy Centre), dédié à l’exploitation des énergies marines (hydrolien, houlomoteur, etc.). Le data center immergé est relié au réseau électrique des îles Orcades « qui est strictement alimenté par des sources d’énergies renouvelables », précise Naval Group.
Grâce au refroidissement naturel des serveurs, l’appel de puissance maximal du data center devrait s’élever à 240 kW. Selon Ben Cutler, directeur du projet Natick chez Microsoft Research, « l’installation sous-marine permet de réduire les besoins énergétiques liés au refroidissement de près de 95% ».
Le comportement des équipements sera observé pendant un an à Brest et Redmond aux États-Unis à l’aide de nombreux capteurs et caméras: structure pressurisée, système de refroidissement, etc. La faisabilité « tant économique qu’opérationnelle » devra être confirmée durant cette période.
Pour Naval Group, Natick se distingue de ses autres projets par « la capacité d’exploiter le data center totalement à distance, sans maintenance physique sur la plus longue période possible, avec un premier objectif fixé à 5 ans ».
Une nouvelle option dans un monde de plus en plus numérique ?
Pour souligner l’intérêt de son projet, Microsoft rappelle également que plus de la moitié de la population mondiale habite à moins de 120 miles (soit à moins de 195 km) des côtes. Les données des serveurs immergés pourraient ainsi être transmises sur des courtes distances.
« Notre vision est de pouvoir déployer ces data centers rapidement, n'importe où sur la planète selon les besoins de nos clients » en privilégiant une alimentation électrique décarbonéee, indique Christian Belady, directeur général de la stratégie et de l’architecture du cloud chez Microsoft.
Pour rappel, le développement constant des usages numériques a entraîné une multiplication par 4,5 du trafic mondial de données entre 2011 et 2016 selon l’ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes). La circulation et le stockage de ces données mobilisent un ensemble d’équipements (routeurs, câbles, serveurs, unités de stockage, etc.) qui s’accompagnent de très fortes consommations d’électricité. Les besoins des seuls « data centers » dans le monde ont atteint 194 TWh en 2014 selon les données de l’AIE, soit l’équivalent du double de la consommation d’électricité annuelle de la Belgique.
Si l’AIE assure que les progrès d’efficacité énergétique vont freiner la hausse de la demande d’électricité associée au numérique, elle juge « extrêmement difficile de fournir des évaluations précises au-delà des cinq prochaines années ».
De nombreux sites de Naval Group ont été mobilisés dans le cadre du projet Natick : Cherbourg (tests), Nantes-Indret (design), Lorient (fabrication de la station d’amarrage sous-marine) ou encore Brest (fabrication de l’enveloppe pressurisée). (©Naval Group)