Pompe de superéthanol E85 à Marseille (©CGB)
Les ventes de bioéthanol, carburant automobile où de l'alcool pur remplace en grande partie l'essence, ont fortement progressé en France, mais ses avantages environnementaux restent contestés. Il ne représente encore que 3% du marché des essences.
Définition
Le superéthanol E85 est un carburant constitué de 65% à 85% d’éthanol et de 15% à 35% d’essence sans plomb (selon les saisons). Fabriqué à partir de blé, de maïs ou de betteraves sucrières, le bioéthanol émet moins de CO2 au litre que les carburants traditionnels, mais un véhicule converti au bioéthanol consomme en moyenne 15 à 25% de carburant en plus qu'une voiture essence.
Le bioéthanol est "une production made in France", 1er producteur européen d'alcool agricole, nécessitant moins de 1% de la surface agricole utile nationale et générant 9 000 emplois. En France, la production d’alcool agricole « vient pour moitié de la betterave à sucre, et pour moitié des céréales (maïs, blé) ainsi que des résidus sucriers et amidonniers » (le bioéthanol consommé en France provient à plus de 90% de la production nationale.
Pour quels véhicules ?
Ce carburant lancé en 2006 en France peut être consommé par des véhicules dits « Flexfuel » ou par des voitures équipées de boîtiers E85.
À l'heure actuelle, plus de 100 000 véhicules en France sont équipés d'un boîtier de conversion E85 et environ 50 000 voitures sont « Flex Fuel d'origine », selon les dernières données communiquées par la filière.
Flex fuel : les véhicules dits « à carburant modulable »
À l’origine, le superéthanol E85 est uniquement destiné à alimenter des véhicules dits « à carburant modulable », plus fréquemment appelés « Flex Fuel ». Ceux-ci s’adaptent automatiquement à tous les mélanges d’essence et d’éthanol jusque dans des proportions de 85% d’éthanol. Ils peuvent ainsi rouler indifféremment avec SP95, SP98, SP95-E10 ou E85. Ils disposent en particulier d’une motorisation dont le système d’injection est adapté à l’utilisation de carburant à très forte teneur en alcool.
En France, ces véhicules bénéficient d’une exonération partielle ou totale des frais de carte grise selon les régions.
Le superéthanol E85 forme encore une part très minime des essences, elles-mêmes minoritaires face au gazole qui représente les trois quarts du total du parc automobile français. Les constructeurs automobiles restent timides sur le sujet: si Dacia ou Peugeot ont proposé quelques modèles "flexfuel", il faut désormais chercher du côté Jaguar-Land Rover et bientôt Ford pour trouver des modèles neufs compatibles. 6 846 voitures Ford, Jaguar et Land Rover roulant au bioéthanol ont été immatriculées entre janvier et avril 2022, représentant 1,4% du marché, selon la Plateforme automobile.
Les boitiers E85
La plupart des véhicules traditionnels à essence peuvent toutefois également consommer du superéthanol E85 à condition qu'ils soient équipés de boîtiers E85 (prix moyen de 700 à 1 000 euros). Ces boîtiers reconnaissent en direct le type de carburant inséré dans le réservoir et ajustent le fonctionnement du moteur en conséquence.
Des modèles ont été homologués en France depuis décembre 2017 (bien après l'Allemagne et la Suède), ce qui constitue une avancée importante pour la filière : auparavant, une installation de ces systèmes pouvait entraîner une perte de la garantie constructeur et un défaut d’assurance en cas d’accident.
Les boîtiers de conversion permettant de rouler au superéthanol E85 sont accessibles aux véhicules de 15 CV et plus, ainsi qu'à ceux équipés de filtres à particules, depuis le 1er avril 2021. Neuf véhicules essence sur 10 sont aujourd'hui compatibles avec au moins un des 13 boîtiers homologués par l'État, soit la plupart de ceux immatriculés depuis 2001.
Les conversions de véhicules au bioéthanol (E85) ont été multipliées par sept en France au premier trimestre 2022, selon les immatriculations publiées mardi par L'Argus et le cabinet NGC-Data. Les volumes restent encore assez faibles, avec 9 220 véhicules particuliers adaptés au superéthanol sur plus de 1,3 million de voitures échangées sur le marché de l'occasion pendant la même période.
Ces transformations concernent majoritairement des véhicules assez âgés, souligne NGC-Data, notamment chez les marques reines du marché français comme Renault, Peugeot, Citroën et Dacia. Dix sportives siglées Porsche ont également été converties, une première selon NGC.
Des prix à la pompe intéressants
Les conversions de véhicules essence, réalisées à l'aide d'un boîtier, ont décollé en parallèle des prix de l'essence, alors que l'E85 évolue actuellement sous les 80 centimes d'euro le litre, contre près de 2 euros pour le SP98.
La Collective du bioéthanol souligne qu'il s’agit de loin du carburant le moins cher du marché en raison de sa moindre taxation, un argument phare alors que les prix à la pompe continuent d'augmenter : « deux fois moins cher que le SP95-E10 [...] vendu à 0,75 € le litre à la pompe en moyenne, il permet d’économiser plus de 500 euros par an pour 13 000 km parcourus par rapport à l’essence SP95-E10 et plus de 800 euros pour 20 000 km, en ligne avec la moyenne des 5 dernières années », selon la Collective du bioéthanol.
La Collective du bioéthanol estime les économies liées au superéthanol E85 à « plus de 500 euros par an pour 13 000 kilomètres parcourus par rapport aux autres essences » (l'achat et la pose d’un boîtier de conversion E85 coûtent « entre 600 et 1 500 euros selon les véhicules », le temps de retour sur investissement avoisine ainsi 2 ans en moyenne).
Le prix du superéthanol E85 à la pompe est de loin le carburant le moins cher en France, y compris en tenant compte d’une « surconsommation de 25% » par rapport au SP95-E10.
Moins taxée car moins émettrice de CO2 que les carburants fossiles, l'E85 a vu ses volumes consommés croître de 4% en 2020, à plus de 350 millions de litres, quand les autres carburants routiers chutaient de 15%, selon la Collective du bioéthanol (Association de la betterave et du sucre et Syndicat des producteurs d'alcool agricole). La fiscalité à la pompe est également avantageuse (TICPE de 11,83 centimes d'euro par litre contre 68,29 c€/l pour le SP95 en 2021)(1).
Calcul des économies potentielles liées au superéthanol E85
Une plus grande consommation
Rappelons toutefois que la consommation associée au superéthanol E85 est supérieure d’un quart à celle de l’essence pure, « ce qui oblige à passer plus souvent à la pompe » et renforce l’importance d’avoir une station-service distribuant ce carburant « à proximité, sur un parcours habituel, sous peine de transformer l’exercice en corvée »
Quelles stations vendent du E85 ?
L’E85 est désormais proposé aux automobilistes dans 2 725 stations-service en France selon la filière (soit 420 de plus qu’un an plus tôt), soit près de 30% des stations-service dans l’hexagone.
Vous pouvez connaître la liste des stations E85 en France sur l’application « Mes stations E85 » ou sur le site bioethanolcarburant.com.
En 2021, la consommation de superéthanol E85 a augmenté de 33% en France par rapport à 2020. Ce bond est en partie lié à la baisse drastique de consommation en 2020 (la consommation française d’essence dans son ensemble a augmenté de 21% en 2021) mais l'avantage de prix semble convaincre un nombre croissant d'automobilistes (malgré une surconsommation de près de 25% par rapport au SP95-E10) : « plus de 30 000 boîtiers de conversion E85 homologués ont été installés en France en 2021, soit deux fois plus que l’année précédente », indique la Collective du bioéthanol (ce qui porte à plus de 135 000 le nombre de véhicules essence équipés de boîtiers E85 en circulation en France(5)). Malgré cette progression, précisons que l'E85 n'a compté que pour 4% des volumes d'essence consommés en France en 2021.
« Deux distributeurs, TotalEnergies et Intermarché, représentent plus de 50 % des stations E85 », précise la Collective du bioéthanol.
Un intérêt environnemental relatif
Sur l'ensemble du cycle, les biocarburants utilisés en Europe ont une empreinte carbone inférieure de seulement 2% à celle de l'essence, estimait l'International Council on Clean Transportation (ICCT) dans une grande étude comparative publiée en 2021. En outre, la production d'éthanol renforce les effets néfastes de l'agriculture industrielle sur les sols, l'eau et l'air.
