Selon l’Unesco, plus de 80% des eaux usées dans le monde sont rejetées dans l’environnement sans traitement. (©UNICEF/UNI169373/Nesbitt)
A l’occasion de la Journée mondiale de l’eau, l’Unesco(1) a présenté hier un rapport consacré aux eaux usées. L’organisation appelle à les considérer comme des « ressources valorisables », notamment à des fins de production énergétique. Présentation de ce changement de paradigme.
Les eaux usées : d’une « menace » à une « ressource »
A ce jour, « la grande majorité des eaux usées sont directement rejetées dans l’environnement sans traitement adéquat », constate l’Unesco. La proportion des eaux résiduelles municipales et industrielles faisant l’objet d’un traitement atteindrait environ 70% dans les pays « à revenu élevé » et seulement 8% dans les pays « à faible revenu ». Les rejets directs d’eaux usées entraînent pourtant des effets néfastes manifestes pour la santé publique et l’environnement : maladies d’origine hydrique liées à un approvisionnement en eau contaminée, détérioration des écosystèmes aquatiques, etc.
Cette gestion est particulièrement sensible alors que la quantité d’eaux usées générées dans le monde est en augmentation, en particulier dans certaines zones très densément peuplées. Lagos, la plus grande ville du Nigéria dont la population pourrait atteindre 23 millions d’habitants d’ici à 2020, génère déjà 1,5 million de m3 d’eaux usées chaque jour, la plupart d’entre elles n’étant pas traitées et rejetées directement dans le lagon. Dans une logique d’économie circulaire, l’Unesco souhaite inciter à une gestion différente des eaux usées, en valorisant entre autres ces dernières comme une source « durable et rentable » d’énergie.
Les usines de traitement d’eau consomment d’importantes quantités d’énergie mais l’organisation des Nations Unies est convaincue qu’elles peuvent devenir « neutres, voire productrices nettes » en matière d’énergie. Le rapport de l’organisation cite, pour appuyer son propos, plusieurs exemples d’initiatives en cours. Il rappelle entre autres que le gouvernement japonais s’est fixé pour objectif de récupérer, à l’horizon 2020, 30% de l’énergie présente dans les eaux usées sous forme de biomasse.
De l'énergie récupérée grâce aux eaux usées
Les eaux usées sont composées d’environ 99% d’eau et de 1% de matières solides en suspension, colloïdales ou dissoutes, rappelle l’Unesco. C’est ce pourcent qui peut faire l’objet d’une récupération d’énergie et de nutriments. La digestion anaérobie de biosolides (boues) présents dans les eaux usées permet en particulier de produire du biogaz.
La plus grande station de traitement d’eaux usées de Jordanie (As-Samra) satisfait par exemple 80% à 95% de ses besoins en énergie grâce à des groupes électrogènes qui produisent de l’électricité à partir de biogaz (lui-même produit dans des digesteurs anaérobies à partir de boues des eaux usées)(2) ainsi qu’à des turbines hydrauliques exploitant un dénivelé au sein de l’installation.
L’énergie thermique présente dans les eaux usées peut également être extraite pour le chauffage ou la climatisation de locaux. Citons notamment le cas de la Wintower, gratte-ciel de 99 m de haut (28 étages de bureaux) situé à Winterthour (Suisse), dont les besoins en chauffage en hiver et en climatisation en été sont satisfaits grâce à des eaux usées du réseau public de la ville(3).
L’Unesco signale qu’il existe d’autres technologies plus récentes permettant de récupérer de l’énergie à partir des eaux usées comme des piles à combustible microbiennes. Leur généralisation est toutefois « entravée par des débouchés commerciaux limités et d’autres obstacles liés aux économies d’échelle », reconnaît le rapport.
Les ressources en eau et leur valorisation font l’objet d’une attention croissante, y compris dans le secteur énergétique (les installations de production étant d’importantes consommatrices d’eau). Pour rappel, « garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement et assurer une gestion durable des ressources en eau » fait partie des 17 Objectifs de développement durable fixés par les Nations Unies à l’horizon 2030(4). L’Unesco alerte sur le fait que près des deux tiers de la population mondiale vivent à ce jour dans des zones « qui souffrent de manque d’eau pendant au moins un mois par an ».