- Source : Claire Tutenuit, EpE
Le débat sur la transition énergétique s’ouvre en France, et le message le plus fréquent des acteurs est la perspective d’une hausse des prix des énergies, que ce soit l’électricité ou les énergies fossiles. Cette hausse a plusieurs causes, presque toutes liées à l’environnement:
- le coût croissant des énergies fossiles, pétrole et gaz, lié à l’épuisement de leurs réserves et à une exploitation toujours plus coûteuse ;
- le coût de la réduction des émissions de CO2 liées à l’usage des énergies fossiles, dont le développement des énergies renouvelables, les améliorations des réseaux et les capacités de stockage d’énergie nécessaires pour s’adapter à leur intermittence ;
- les coûts de la sécurité et de la modernisation du parc nucléaire ainsi que du traitement futur des déchets.
Le premier argument est aujourd’hui le plus répandu pour expliquer aux acteurs l’intérêt d’économies d’énergies plus poussées. La tentation est ainsi grande de réduire l’ambition du développement des énergies renouvelables, en effet significativement plus coûteuses que le nucléaire et les énergies fossiles, puisque leur principale justification est la réduction du changement climatique. Après tout, la raréfaction du pétrole et du gaz ne suffira-t-elle pas à limiter l’effet de serre ?
La réalité est tout autre : aujourd’hui, les découvertes et l’exploitation de gaz et pétrole non conventionnels font baisser les prix du gaz aux USA ; le gaz remplace ainsi le charbon pour la production d’électricité, faisant à son tour baisser le prix mondial du charbon et accroissant même en Europe la production d’électricité à partir de charbon, donc les émissions de gaz à effet de serre.
Ce constat pose la question de l’urgence comparée de la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la recherche de solutions à la rareté des énergies fossiles, pétrole, gaz et charbon. Où est la vraie rareté ?
La contribution française aux travaux du prochain rapport du GIEC, prévu en 2014, donne une réponse : pour maintenir l’accroissement moyen de la température de l’atmosphère en-dessous de +2°C, il faut que les émissions cumulées de l’humanité restent en dessous de 350 milliards de tonnes de carbone (GtC) au total entre 2010 et 2080, puis qu’elles se réduisent, donc que l’humanité absorbe ou stocke du CO2 au lieu d’en émettre. Ce plafond passe à 800 GtC cumulées d’ici 2080 si l’on accepte un réchauffement moyen de +4°C. L’Agence Internationale de l’Energie, pour sa part, publie les réserves prouvées d’énergies fossiles estimées par les acteurs du secteur. Leur total se monte aujourd’hui à plus de 1 000 GtC, voire à plus de 5 000 GtC si l’on prend en compte les réserves potentielles et non conventionnelles.
Comment comprendre ces chiffres ? Ils indiquent que la rareté la plus contraignante est la capacité d’absorption du CO2 par l’atmosphère, non celle des ressources fossiles. En bref, compter sur la rareté du pétrole et du gaz pour maîtriser le climat serait un leurre ; au contraire, si nous résolvons le défi de la maîtrise du climat, il n’y aura pas de pénurie d’énergies fossiles.
Claire Tutenuit, Délégué Général EpE