Parc solaire photovoltaïque de Southern Oak aux États-Unis. (©Invenergy)
« Le secteur de l’énergie évolue plus rapidement que beaucoup ne le pensent, mais bien plus reste encore à faire et le temps presse », alerte l'Agence internationale de l'énergie (AIE) ce 26 septembre dans un rapport actualisant son scénario « Net Zero by 2050 ».
Panneaux solaires et voitures électriques dans la bonne voie
Près de deux ans et demi après la publication de son rapport « Net Zero by 2050 », l'AIE alerte à nouveau sur l'urgence de transformer le système énergétique mondial « en accord avec l'objectif + 1,5°C(1)», soulignant entre autres que le mois d'août 2023 a été le plus chaud jamais enregistré et rappelant que les émissions mondiales de CO2 liées à l'énergie ont atteint un nouveau pic l'an dernier (près de 37 milliards de tonnes, soit 1% au-dessus que le niveau pré-pandémie).
L'Agence note des avancées dans cette transition énergétique : les rythmes d'installation des panneaux solaires photovoltaïques et des ventes de voitures électriques dans le monde depuis deux ans suivent en particulier les trajectoires mentionnées dans son rapport « Net Zero by 2050 » en mai 2021 (ces deux technologies sont censées permettre d'ici à 2030 un tiers des réductions d'émissions de CO2 jugées nécessaires dans le scénario de l'AIE).
Et alors que l'AIE envisageait, dans son scénario « Net Zero » présenté en 2021, que la moitié des réductions d'émissions nécessaires d'ici à 2050 pour atteindre la neutralité carbone proviendrait de technologies alors « non disponibles sur le marché », cette part est ramenée à près de 35% désormais (l'Agence souligne entre autres la première commercialisation de batteries sodium-ion(2)).
Accélérer et davantage investir dans les « énergies propres »
Mais l'AIE appelle à aller bien plus vite encore. En vue de la neutralité carbone et pour réduire massivement les besoins d'énergie fossiles, l'Agence fixe en particulier pour objectifs de :
- tripler les capacités électriques renouvelables installées dans le monde d'ici à 2030 (pour que celles-ci atteignent 11 000 GW à cet horizon). Si la Chine et les économies dites « avancées » affichent des ambitions encourageantes dans ce secteur, le mot d'ordre de l'AIE reste d'accélérer à tous les niveaux(3) ;
- doubler les progrès annuels en matière d'intensité énergétique d'ici à 2030 (ce qui permettrait d'éviter à cet horizon de consommer « l'équivalent de l'ensemble de la consommation actuelle de pétrole du transport routier »).
L'AIE rappelle par ailleurs qu'une réduction de 75% d'ici à 2030 des émissions de méthane du secteur énergétique constitue, pour lutter contre le réchauffement climatique, une des opportunités « à faible coût » (près de 75 milliards de dollars d'ici à 2030, soit l'équivalent de 2% des revenus nets de l'industrie pétrogazière en 2022). Sans efforts pour s'attaquer à ces émissions liées aux combustibles fossiles, la neutralité carbone devrait être atteinte dès les environs de 2045 pour espérer respecter le scénario « 1,5°C ».
Au total, l'AIE estime que les investissements mondiaux dans les « énergies propres » devraient s'élever à près de 4 500 milliards de dollars par an d'ici le début des années 2030 pour suivre la trajectoire « 1,5°C », alors que ces investissements sont estimés à un niveau (record) de 1 800 milliards de dollars pour l'année 2023. Dans les pays émergents, l'Agence estime que lesdits investissements devraient être multipliés par 7 d'ici le début de la prochaine décennie, ce qui nécessiterait des politiques très favorables à ce secteur et un fort soutien international.
Une réduction de 80% de la consommation d'énergie fossile d'ici 2050
Grâce au développement accéléré des filières bas carbone (l'AIE envisage que les capacités du parc nucléaire mondial vont plus que doubler d'ici à 2050(4)), le scénario « Net Zero » de l'AIE envisage une réduction de 25% de la consommation d'énergie fossile d'ici à 2030 dans le monde, et de 80% d'ici à 2050. La demande mondiale de charbon devrait en particulier être au moins divisée par 10 d'ici à 2050 (pour atteindre près de 500 Mt à cet horizon, contre environ 5 800 Mt en 2022).
Si des investissements dans les actifs fossiles existants et dans les projets déjà approuvés sont encore jugés nécessaires, l'AIE indique qu' « aucun nouveau projet pétrolier et gazier en amont n’est nécessaire à long terme dans le scénario NZE, les nouvelles mines de charbon, les extensions de mines ou les nouvelles centrales à charbon ne le sont pas non plus ».
L'électricité deviendra le « nouveau pétrole » du système énergétique mondial, selon les termes de l'AIE, ce qui nécessitera de disposer de réseaux toujours plus flexibles avec d'importantes capacités de stockage. En s'affranchissant de l'omniprésence des énergies fossiles dans ses mix (82% de la consommation d'énergie primaire et environ 61% de la production d'électricité en 2022), le monde réduirait ainsi les risques « traditionnels » liées à la sécurité énergétique mais l'Agence souligne les nouveaux risques d'approvisionnement liées entre autres aux métaux critiques de la transition énergétique.