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Le système énergétique de demain sera « plus électrifié, plus efficace, plus interconnecté et plus propre », assure sans surprise l’Agence internationale de l’énergie (AIE) en préambule de son World Energy Outlook 2021(1) publié ce 13 octobre. Elle y déplore toutefois la lenteur de cette « transformation » ainsi que l'important rebond de la consommation mondial de charbon et de pétrole en 2021.
Des vœux pieux face au scénario du « réel » ?
Dans son nouveau World Energy Outlook, l’AIE souligne que « les pressions sur le système énergétique ne vont pas fléchir dans les décennies à venir »(2), alors que la population mondiale pourrait croître de près de 2 milliards de personnes d’ici à 2050, avec une hausse du niveau de vie des pays en voie de développement. Autrement dit, le système énergétique dans son état actuel est incompatible avec le « défi climatique ».
L’AIE entend alerter les décideurs qui se réuniront lors de la COP26 à Glasgow (31 octobre - 12 novembre) sur les différentes voies possibles pour réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre du secteur énergétique. Elle présente principalement 3 scénarios (par niveau décroissant de réduction des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050) :
- un scénario dit « Net Zero » présentant les transformations jugées nécessaires pour réduire à zéro les émissions nettes de CO2 dans le monde à l’horizon 2050 (afin de limiter à 1,5°C la hausse de la température mondiale moyenne par rapport à l’ère préindustrielle). L’AIE avait déjà publié en mai 2021 un rapport « Net Zero by 2050 » dédié à ce scénario dans lequel elle envisage entre autres une chute d'ici à 2050 des consommations mondiales de pétrole de 75% (près de 90 millions de barils par jour en 2020, 24 Mb/j en 2050), de gaz naturel de 55% et de charbon de 90% ;
- un scénario dit « Announced Pledges » (qui apparaît pour la première fois dans la publication annuelle de l'AIE), qui « parie » sur la mise en œuvre des nouveaux engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre annoncés par les pays(2) en vue de la COP26. Si ceux-ci sont atteints, ils pourraient permettre de faire chuter de 40% les émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie d’ici à 2050 selon l'AIE. Dans ce scénario, l'Agence estime entre autres que la hausse rapide des véhicules électriques et les progrès d’efficacité énergétique pourraient permettre d’atteindre un pic de la demande mondiale de pétrole « aux alentours de 2025 »(3). Ce scénario pourrait conduire à une hausse de la température mondiale moyenne de 2,1°C d'ici à 2100 par rapport aux niveaux préindustriels selon l'AIE (cette température ne serait « toujours pas stabilisée », précise l’Agence) ;
- un scénario dit « Stated Policies », qui correspond à une évolution tendancielle du système énergétique sur la base des mesures politiques déjà mises en place et des initiatives en cours de développement. Ce scénario « révèle une image bien différente » des deux autres exposés par l'AIE : la quasi-totalité de la hausse de la demande d'énergie d’ici à 2050 pourrait certes être couverte par des sources bas carbone selon ce scénario mais les émissions annuelles de CO2 resteraient à cet horizon « proches des niveaux actuels ». Et la hausse globale de température entre l’ère préindustrielle et 2100 serait alors proche de 2,6°C selon l'AIE.
Précisons que l'AIE fait également référence à un quatrième scénario dit « Sustainable Development» dans lequel tous les engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre annoncés sont respectés et qui intègre en plus des efforts supplémentaires à court terme afin que les économies avancées atteignent des émissions nettes nulles d'ici 2050 (vers 2060 pour la Chine et d'ici 2070 au plus tard pour tous les autres pays).
Pour la première fois, l'AIE envisage « un déclin éventuel (d'ici à 2050) de la demande mondiale de pétrole dans tous ces scénarios examinés » mais le moment et la vitesse de ce déclin diffèrent très fortement d'un scénario à un autre : dans le scénario « Stated Policies », la demande mondiale de pétrole continuerait à augmenter d'ici à 2030 (voir graphique ci-après). Le pic de la demande serait atteint au milieu des années 2030 et serait suivi d'une baisse très progressive par la suite.
4 mesures prioritaires
L’AIE met en avant 4 mesures prioritaires pour renforcer les actions de réduction des émissions de CO2 :
- un soutien supplémentaire massif à une « électrification propre » passant, selon l'AIE, par une très forte accélération des installations de capacités solaires photovoltaïques et éoliennes(3) mais aussi un recours au nucléaire « là où il est acceptable », un gigantesque effort de construction d’infrastructures électriques et de « toutes les formes de flexibilité » (pour pallier la variabilité de la production des filières photovoltaïque et éolienne) et une sortie rapide du charbon ;
- un déploiement « sans relâche » des mesures d’efficacité énergétique (l’intensité énergétique mondiale baisserait de plus de 4% par an entre 2020 et 2030 dans le scénario « Net Zero », soit le double de la baisse moyenne de la dernière décennie) ;
- une réduction rapide des émissions de méthane liées à l’exploitation d’énergies fossiles (mesure la plus « rentable » à court terme dans le secteur de l’énergie selon l’AIE) ;
- un soutien massif à l’innovation dans les technologies bas carbone (notamment pour favoriser le déploiement de l’hydrogène et de systèmes « CCUS » de capture, stockage et utilisation du CO2).
Dans le contexte de hausse des prix de l'énergie, le directeur de l'AIE Fatih Birol souligne « le risque de turbulence accrue pour les marchés mondiaux de l'énergie » et appelle à « investir massivement et rapidement » dans les technologies bas carbone. Pour rappel, les énergies fossiles ont encore compté, en 2020, pour 83,1% de la consommation énergétique mondiale et pour 61,3% de la production mondiale d'électricité.