L’Académie des technologies juge « peu probables » les baisses de coûts « encore très significatives de l’éolien terrestre – technologie mature » envisagées par l'Ademe. (©Pixabay)
L’Académie des technologies déplore « de nombreuses erreurs de méthode et contradictions » dans la publication de l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) « Trajectoires d’évolution du mix électrique 2020-2060 » mise en ligne mi-décembre 2018.
Des critiques sur la forme et le fond
Dans son étude présentant 7 trajectoires d’évolution du mix électrique français entre 2020 et 2060, l’Ademe considère entre autres que « l’optimisation économique de l’évolution du système électrique français conduit à une part d’EnR de 85% en moyenne en 2050, et de plus de 95% en 2060 » et que le développement d’une filière industrielle EPR « ne serait pas compétitif pour le système électrique français d’un point de vue économique ».
Dans un avis publié le 29 janvier(1), l’Académie des technologies remet en cause ces conclusions de l’Ademe, jugeant qu’elles « ne devraient en aucun cas servir de base à des décisions de politique publique », et mentionne des problèmes de méthode dans la démarche de l’Ademe et de cohérence dans les résultats de son étude.
Sur la forme, l’Académie des technologies juge « prématurée » la communication de l’Ademe en décembre 2018, sachant que seule une synthèse a jusqu’ici été publiée, la présentation de l’étude complète étant attendue à la fin du 1er trimestre 2019. L’Académie des technologies déplore par ailleurs que cette synthèse (sous-traitée à Artelys) n’ait été « revue que par des représentants de l’Ademe » sans évaluation scientifique externe.
Sur le fond, l’Académie des technologies indique que l’étude de l’Ademe « ne permet pas de vérifier que les mix électriques envisagés s’intègrent dans un système énergétique cohérent ». La synthèse est centrée sur l’électricité – qui compte pour près d’un cinquième de la consommation d’énergie finale en France – et l’Académie des technologies critique le fait que ce document n’approfondisse pas les implications des scénarios électriques envisagés pour l’ensemble du système énergétique français.
L’Ademe envisage par exemple un fort développement de l’hydrogène produit par électrolyse grâce aux excédents d’électricité intermittente sur le réseau. Face à cette hypothèse, l’Académie des technologies s’interroge sur l’existence d’une demande réelle d’hydrogène(2). Elle déplore par ailleurs le fait que les investissements nécessaires pour développer les infrastructures d'une filière hydrogène ne soient pas pris en compte dans l’étude de l’Ademe.
Controverse autour du nucléaire
L’Académie des technologies juge par ailleurs que le niveau de consommation d’électricité en France à l’horizon 2060 retenu dans les différents scénarios de l’Ademe (entre 403 et 510 TWh par an hors « Power to X »)(3) est sous-estimé et « incompatible avec des perspectives raisonnables de croissance de la population et de l’économie française ». Elle déplore le fait qu’il soit envisagé, dans presque tous les scénarios de l'Agence, que la France devienne importatrice nette d’électricité à partir de 2050.
Parmi les « incongruités » que l’Académie des technologies entend dénoncer figure en particulier la volonté « d’arrêter des centrales nucléaires actuellement en fonctionnement – dont il est admis qu’elles produisent une électricité bon marché – pour que les prix de marché de l’électricité puissent augmenter et que les énergies renouvelables n’aient plus à être subventionnées ». L’Académie des technologies critique également le fait que le scénario de l’Ademe dit « EPR en série » soit « écarté » par l'Agence alors qu’il lui semble le seul susceptible d’atteindre « deux objectifs essentiels : l’indépendance énergétique et la neutralité carbone en 2050 ».
Plus globalement, l’Académie des technologies mentionne « un biais des auteurs de l’étude » et doute de l’indépendance de l’expertise de l’Ademe qui « de rapport en rapport, s’attache à démontrer la nécessité de sortir du nucléaire ». L’Académie juge en outre que cette posture va « à contre sens des prévisions et recommandations des grands organismes internationaux » et se réfère notamment au rapport « 1,5°C » du GIEC (publié en octobre 2018) ainsi qu’au dernier World Energy Outlook de l’Agence internationale de l’énergie (décembre 2018)
Parmi d’autres griefs, l’Académie des technologies déplore également que l’Ademe retienne un facteur de charge trop élevé pour l’éolien terrestre en 2060 (28% contre 21,9% en 2017(4)), que l’Agence envisage une durée de vie de l’EPR limitée à 40 ans ou encore qu’elle surestime la contribution potentielle des « ENR bioénergies »(5) pour pallier l’intermittence des filières éolienne et photovoltaïque.