La loi de transition énergétique prévoit de ramener à 50% la part du nucléaire dans le mix électrique français en 2025, un objectif « difficile à atteindre » selon l’AIE. Ici, la centrale de Fessenheim. (©EDF-Didier Marc)
L’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) a remis la semaine dernière sa première étude approfondie consacrée à la France depuis 7 ans. Elle salue des « réformes majeures » entreprises dans l’hexagone afin d’y amorcer une transition énergétique. Explications.
Le cadre et les objectifs de la transition énergétique française salués par l’AIE
La France a développé « un cadre politique ambitieux et intégré pour l’énergie et le climat », souligne l’AIE dans son rapport publié le 17 janvier(1). Ce dernier détaille les différentes étapes au cours des dernières années ayant conduit à ce nouveau cadre, depuis le débat national sur la transition énergétique (DNTE) qui s’est tenu de janvier à juillet 2013 jusqu’à l’adoption de la PPE (Programmation pluriannuelle de l’énergie) en octobre 2016.
C’est sur la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte adoptée en août 2015 que reposent les ambitions à long terme de la France saluées par l’AIE, avec des cibles aux horizons 2030 et 2050. Pour rappel, cette loi fixe entre autres pour objectifs de réduire de moitié la consommation d’énergie finale du pays d’ici à 2050 par rapport à 2012 (avec un objectif intermédiaire de réduction de 20% d’ici à 2030). La consommation d’énergies fossiles (en énergie primaire) devra quant à elle être réduite, selon la loi, de 30% d’ici à 2030 par rapport à 2012, conjointement au développement des énergies renouvelables et aux gains en efficacité énergétique.
En matière d’émissions de gaz à effet de serre et de lutte contre le changement climatique, l’AIE souligne le rôle de « leader » endossé par la France durant la COP21 de Paris fin 2015. Elle salue également la mise en place d’une stratégie nationale bas carbone (SNBC) et d’une tarification du carbone sous la forme de la « contribution climat énergie ». Fixée en 2017 à 30,5 euros par tonne de CO2 émise, cette dernière doit, selon la loi de transition, atteindre 56 €/t de CO2 en 2020 et 100 €/t de CO2 à l’horizon 2030.
Pour rappel, la France s’est engagée à réduire de 40% ses émissions des différents gaz à effet de serre (GES) à l’horizon 2030 par rapport à 1990. L’intensité carbone de l’économie française a déjà baissé d’environ 30% depuis 2004 et est inférieure de moitié à la moyenne des pays membres de l’AIE. Le rapport souligne que les émissions de CO2 liées à la combustion d’énergie ont, exception faite du secteur des transports, « connu un déclin rapide » ces dernières années avec notamment la fermeture de 3,3 GW de centrales électriques à charbon depuis 2012. L’AIE souligne également l’importance de différents mécanismes mis en place dans le secteur électrique (mécanisme de capacité, mécanisme d’effacement), permettant le déploiement d’énergies renouvelables intermittentes.
Les réserves et recommandations de l’AIE
Si le rapport de l’AIE est « globalement élogieux », comme l’indiquait hier le ministère en charge de l’énergie sur son site(2), il émet aussi un certain nombre de réserves et de recommandations pour mettre en œuvre la transition énergétique en France.
L’AIE pointe en particulier qu’il reste encore « beaucoup de chemin à parcourir » pour que la France atteigne son objectif de 23% d’énergies renouvelables dans sa consommation d’énergie finale à l’horizon 2020 (15% en 2014). Elle note notamment le retard pris dans le développement de l’énergie éolienne (en particulier offshore) qui est, selon elle, principalement imputable à des barrières non économiques comme un manque d’acceptation sociale et la durée des procédures administratives et judiciaires d’autorisation (7 ans en moyenne selon l’AIE) que la procédure d’autorisation unique(3) est censée fortement réduire.
L’AIE signale également que la baisse de la consommation française d’énergie finale n’est pas encore assez soutenue pour atteindre les objectifs fixés à l’horizon 2020. L’Agence appelle en particulier à clarifier dans la PPE « les actions nécessaires pour atteindre les objectifs ambitieux concernant le chauffage et la rénovation des bâtiments ». Plus généralement, l’AIE souligne un manque de « visibilité à long terme » quant aux financements des mesures de la transition énergétique(4).
Pour renforcer l’ouverture des marchés de l’électricité et du gaz à la concurrence, l’AIE recommande de fixer une date pour mettre fin aux tarifs réglementés des ménages (comme cela a été fait pour les gros consommateurs non résidentiels), une mesure à laquelle le gouvernement n’est pas favorable « à court terme », a rappelé le Directeur général de l’Énergie et du Climat (DGEC), Laurent Michel, lors de la présentation du rapport. L’AIE appelle également à ouvrir à la concurrence des concessions pour les barrages hydrauliques en France, ce qui constitue encore un sujet de discorde entre le gouvernement et la Commission européenne.
Le nucléaire, point « flou » de la transition
L’AIE qualifie la France comme « l’un des fers de lance » parmi ses pays membres en matière de mix énergétique sobre en carbone. C’est en grande partie en raison de son mix électrique décarboné qui repose principalement sur les énergies nucléaire (76,3% du mix électrique en 2015) et hydraulique (10,8%).
L’AIE se montre particulièrement mesurée sur l’objectif de ramener la part du nucléaire dans ce mix à 50% à l’horizon 2025, cible qu’elle estime « difficile à atteindre » compte tenu de la fermeture « de nombreuses centrales » associée à cette mesure. Elle considère par ailleurs que cette orientation « pourrait affecter les retombées économiques et le prix final de l’électricité, les émissions de GES et la fiabilité de l’approvisionnement en France ainsi que les exportations vers les pays voisins ».
L’AIE appelle à donner à la filière nucléaire des « perspectives sur le long terme » afin qu’elle programme ses nécessaires investissements de sûreté. Pour rappel, le coût du « grand carénage », le programme de rénovation et d’amélioration de la sécurité du parc nucléaire français, a été réévalué par l’exploitant EDF en 2015 à 47,5 milliards d’euros(5) pour la période 2014-2025.
Le cas de la centrale de Fessenheim, au cœur de l’actualité, est en particulier observé. Le site doit être arrêté lors de la mise en service de l’EPR de Flamanville envisagée fin 2018. Ce 24 janvier, le conseil d’administration d’EDF a adopté le protocole d’indemnisation du groupe pour la fermeture anticipée de la centrale du Haut-Rhin(6). Une indemnisation d’au moins 446 millions d'euros est prévue dont un premier versement d'environ 100 millions d'euros lors de l'arrêt de la centrale.