Vue du mont Fuji (©Pixabay-Kanenori)
Le Japon devra « agir rapidement pour atteindre son ambition d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 » annoncée fin 2020(1), souligne l’Agence internationale de l'énergie (AIE) dans un rapport publié le 4 mars(2).
L’après Fukushima, toujours très carboné
Depuis l’accident de Fukushima Daiichi en mars 2011, le Japon a entrepris des réformes énergétiques importantes, indique l’AIE qui souligne entre autres une libéralisation des marchés de l’électricité et du gaz naturel. Le pays, qui a réduit sa consommation énergétique de 16% entre 2010 et 2019, a réalisé « de réels progrès vers un système énergétique plus efficace, résilient et durable » durant la dernière décennie, ajoute l'AIE.
Cette diversification reste toutefois très limité : les énergies fossiles (issues pour la quasi-totalité des importations) comptaient encore pour 88% de la consommation d’énergie primaire du pays en 2019 selon les dernières données de l’AIE. Et l’arrêt du parc nucléaire japonais après l’accident de Fukushima a « rendu le Japon plus dépendant des combustibles fossiles pour combler la perte de production électrique » (le nucléaire comptait pour près de 15% de la consommation d’énergie primaire avant l’accident de Fukushima, cette part a chuté à 4% en 2019(3)). Le Japon est entre autres le premier importateur mondial de gaz naturel liquéfié (GNL).
Malgré le développement des différentes énergies renouvelables, celles-ci ne comptaient encore que pour 8% de la consommation d’énergie primaire en 2019. Les émissions japonaises de CO2 liées à l’énergie ont atteint un pic en 2013 avant de chuter « grâce au développement des énergies renouvelables, au redémarrage de quelques réacteurs nucléaires et à des gains d’efficacité énergétique ». Ces émissions sont, en 2018, retombées au niveau de 2009(4).
L’intensité carbone de la production japonaise d’électricité reste à l’heure actuelle « parmi les plus élevées au sein des pays membres de l’AIE ». (©Connaissance des Énergies, d’après AIE)
Les objectifs japonais à l’horizon 2030
En 2018, le Japon a, dans son 5e Plan stratégique de l’énergie, fixé les ambitions d’un mix énergétique plus diversifié à l’horizon 2030, misant entre autres sur la croissance des filières renouvelables : celles-ci compteraient, en 2030, pour 13% de la consommation d’énergie primaire (contre 8% en 2019) et 24% de la production d’électricité (contre 19% en 2019).
Il est également envisagé de relancer le secteur nucléaire pour que la part de cette énergie avoisine 11% de la consommation nationale d’énergie primaire en 2030, ce qui nécessiterait de disposer d’au moins 30 réacteurs en service à cet horizon selon l’AIE.
Les énergies fossiles compteraient toutefois toujours pour 76% de la consommation d’énergie primaire en 2030 selon le Plan japonais (et pour plus de la moitié de la production d’électricité). Le Japon s’est engagé à arrêter toutes ses centrales à charbon « inefficaces » d’ici à 2030. L’AIE salue cette décision récente mais souligne que même les centrales au charbon les plus performantes émettent davantage de CO2 que les autres filières, déplorant ainsi les nouvelles constructions prévues. Précisons qu'une révision du Plan énergétique japonais est prévue en 2021.
La « Green Growth Strategy »
La stratégie énergétique du Japon présentée en 2018 apparaît incompatible avec le nouvel objectif de neutralité carbone fixé à l’horizon 2050. Tokyo a ainsi publié en décembre 2020 sa « Green Growth Strategy en ligne avec l’objectif de neutralité carbone ». Cette stratégie porte sur 14 secteurs et promeut entre autres « un développement ambitieux des énergies renouvelables, une relance du nucléaire et le déploiement de nouvelles technologies, incluant l’hydrogène bas carbone, des réacteurs nucléaires avancés plus sûrs et le recyclage du CO2 ».
Les énergies renouvelables sont en particulier amenées à jouer un rôle plus important dans le secteur électrique japonais, jusqu’à satisfaire « 50% à 60% de la demande d’électricité en 2050 » (le restant de la production étant principalement fourni par des réacteurs nucléaires et des centrales thermiques à combustible fossile équipées de systèmes de capture de CO2). L’AIE souligne les défis associés à la montée en puissance des filières à production intermittente en matière de sécurité d’approvisionnement. Une vague de froid en janvier a montré « les marges de réserve très faibles des systèmes électriques au Japon », indique notamment l’AIE qui rappelle l’importance de développer les interconnexions électriques entre les différentes régions du pays.
Hydrogène : un rôle central dans la transition bas carbone du Japon ?
L’AIE rappelle que le Japon est l’un des premiers pays à avoir lancé une stratégie nationale en faveur de l'hydrogène, affirmant déjà en décembre 2017 sa volonté de devenir la première « société hydrogène » au monde. Cette stratégie prévoit de rendre l’hydrogène compétitif avec des produits énergétiques concurrents comme l’essence dans les transports et le GNL pour la production électrique. D’ici à 2030, le pays s’est fixé pour ambition d’atteindre 800 000 véhicules équipés de piles à combustible en circulation, mais aussi plus de 5 millions de piles à combustible résidentielles, en mettant en place une chaîne hydrogène. Le Japon s’interroge également sur le rôle de l’hydrogène pour produire de l’électricité à grande échelle.
Le Japon est déjà l’un des pays les plus avancés en matière de mobilité hydrogène, tant dans le développement des véhicules à pile à combustible (près de 2 500 voitures particulières en circulation) que des stations hydrogène (le pays en compte plus de 100, contre 45 en Allemagne et 39 aux États-Unis).
Selon BP, les énergies fossiles ont compté au Japon pour près de 87,4% de la consommation d'énergie primaire et pour 70,8% de la production d'électricité en 2019. (©Connaissance des Énergies)