Photo du réacteur 3 de la centrale de Fukushima Daiichi prise par hélicoptère le 16 mars 2011. (©Tepco)
Contexte
D’une puissance de 460 MW, le premier réacteur de la centrale de Fukushima a été construit par General Electric à partir de 1967 et mis en service en mars 1971. Sa durée d’exploitation a été prolongée de 10 ans en février 2011. Outre General Electric, deux autres constructeurs (Toshiba et Hitachi) ont assuré la construction de tranches de la centrale de Fukushima Daiichi.
Le dernier réacteur construit (Fukushima Daiichi 6), d’une puissance de 1 100 MW, a été raccordé au réseau et mis en service en 1979.
Du séisme à l'incident nucléaire
Le 11 mars 2011, un séisme d’une ampleur inédite (magnitude évaluée à 9,0 sur l’échelle de Richter) survient au large de la côté Pacifique du Tohoku. Il résulte du contact des plaques tectoniques Pacifique et Eurasie.
Les réacteurs 1, 2 et 3 de la centrale de Fukushima Daiichi résistent aux secousses. Ils se mettent automatiquement à l’arrêt par l’insertion de grappes de contrôle dans le cœur qui stoppent la réaction en chaîne. L’alimentation électrique du site étant interrompue, les groupes électrogènes diesel de secours prennent le relais afin d’assurer le fonctionnement des processus de refroidissement des différents réacteurs et des piscines d’entreposage des combustibles usagés.
C’est une série de vagues succédant au tremblement de terre (1 heure plus tard) qui amorce l’accident de la centrale de Fukushima : en franchissant les digues de sécurité, les vagues qui atteignent jusqu’à 14 à 15 m au-dessus du niveau de la mer, submergent les installations de la centrale de Fukushima, y compris les systèmes électrogènes de secours. La hauteur des plus hautes vagues est 2 fois plus importante que la prévision maximale retenue par l’opérateur de la centrale, Tepco, au cours des années 2000. Faute de courant, tous les réacteurs du site (à l’exception du réacteur 6 dont le groupe électrogène, refroidi à l’air, continue de fonctionner) se trouvent en situation de perte totale de source de refroidissement.
La perte des sources électriques prive également l’opérateur d’informations sur l’état des installations (niveau d’eau dans la cuve, pression dans l’enceinte de confinement).
Malgré l’absence de victimes directes en raison des radiations émises, cet accident a connu un retentissement médiatique très important et relancé le débat sur l’énergie nucléaire dans plusieurs pays. L’avenir du parc nucléaire japonais, le 3e au monde avant mars 2011, est également sujet à débat malgré le renforcement des règles de sûreté des centrales.
Le séisme de mars 2011 au Japon
Le 11 mars 2011, un séisme de magnitude 9 survient au large des côtes nord est du Japon, déclenchant un tsunami à la surface de l’océan. Ce tsunami amorce l’accident de la centrale de Fukushima Daiichi en détruisant son alimentation électrique. Contrairement aux précédents accidents nucléaires majeurs de Tchernobyl et de Three Mile Island, celui de Fukushima Daiichi n’est pas à l’origine dû à un dysfonctionnement « nucléaire » mais à une protection insuffisante contre cette catastrophe naturelle.
La centrale de Fukushima Daiichi est composée de 6 réacteurs à eau bouillante (de puissance unitaire variant de 460 MW à 1 100 MW), dont la moitié est en activité lors de la catastrophe naturelle. Les réacteurs 1, 2 et 3 fonctionnent tandis que les réacteurs 4, 5 et 6 sont alors en arrêt programmé pour maintenance.
La préfecture de Fukushima accueille une autre centrale, Fukushima Daini, située à 12 km au nord de Fukushima Daiichi et composée de 4 réacteurs à eau bouillante. Celle-ci a été affectée dans une moindre mesure par le tsunami qui y a provoqué un « incident nucléaire » (niveau 3 sur l’échelle INES). Cette fiche sera exclusivement consacrée à l’accident de la centrale de Fukushima Daiichi, classé au niveau 7 de l’échelle INES.
Séquence accidentelle 11 mars – 25 mars 2011
En l’absence de refroidissement, l’eau dans la cuve des réacteurs 1, 2 et 3 s’évapore progressivement au contact des assemblages combustibles chauds. La puissance résiduelle des éléments combustibles, n’étant plus évacuée, entraîne la fusion partielle des cœurs des réacteurs. Non immergées, les gaines de combustible nucléaire, constituées d’alliage de zirconium, réagissent avec la vapeur d’eau et forment de l’hydrogène :
Zr + H2O → ZrO2 + H2
La pression dans les cuves des réacteurs augmente et les soupapes de décharge s’ouvrent, libérant vapeur d’eau et hydrogène dans l’enceinte de confinement. Ces gaz s’accumulent en haut du bâtiment. Afin d’éviter une surpression et la rupture de l’enceinte de confinement, les experts procèdent au relâchement volontaire de ces gaz à l’extérieur de l’enceinte.
Principe de fonctionnement d'un réacteur à eau bouillante, type installé à Fukushima Daiichi (©2011)
L’hydrogène explose au contact de l’air dans les réacteurs 1 le 12 mars, 3 le 14 mars et 2 le 15 mars. Plusieurs incendies et explosions ont également lieu dans le bâtiment du réacteur 4, probablement en raison d’hydrogène provenant du bâtiment du réacteur 3 via un conduit de ventilation.Du 15 au 21 mars, d’importantes quantités de produits radioactifs sous forme d’aérosols comme le césium 137 sont rejetées dans l’atmosphère.
Dès le 12 mars, l’exploitant commence à injecter par intermittence de l’eau douce à partir des réserves disponibles puis de l’eau de mer borée(1) sur les réacteurs 1, 2 et 3 pour les refroidir. En, raison des risques de corrosion liés à l’eau de mer, de l’eau claire est acheminée à partir du 25 mars par les forces armées.
La perte totale des sources électriques affecte également les piscines de stockage du combustible usée. La température de l’eau (habituellement de l’ordre de 20°C à 25°C) y augmente fortement mais l’exploitant parvient à y injecter de l’eau puis à remettre le système de refroidissement en place avant ébullition.
Séquence accidentelle après le 25 mars 2011
Le 25 mars, l’opérateur Tepco annonce la présence d’eau contaminée dans les sous-sols des bâtiments des turbines. Une fissure dans le réacteur 2 de la centrale est signalée début avril. De l’eau hautement radioactive se déverse dans le Pacifique (détection d’un taux d’iode 131 très élevé). La brèche responsable de la fuite d’eau hautement radioactive est colmatée quelques jours plus tard mais des milliers de tonnes d’eau faiblement radioactive sont encore rejetées en mer.
Le 17 avril, Tepco communique un plan d’actions pour maîtriser les rejets liquides radioactifs. Début mai, des hommes pénètrent pour la première fois dans le bâtiment du réacteur 1 afin de limiter l’émission de particules radioactives (rejets persistants bien que très faibles par rapport à ceux du mois de mars)(2) et étudier les conditions de mise en place d’un système de refroidissement des réacteurs en circuit fermé. Cette première phase est finalisée le 19 juillet.
La seconde phase du plan d’actions de Tepco prévoit le refroidissement des réacteurs (température de l’eau inférieure à 100°C après passage dans le cœur) et la diminution des volumes d’eau contaminée sur le site. Près de 90 000 tonnes d’eau hautement radioactive, ayant servi au refroidissement de crise, doivent notamment être récupérées par pompage. Le groupe Areva fournit à cette occasion un système de décontamination de l’eau radioactive (dit « coprécipitation », déjà utilisé à la Hague). Fin 2011, l’objectif de stabilisation de la température dans les cuves est atteint.
Conséquences au Japon et dans le monde
Démantèlement de la centrale et décontamination
Le 23 janvier 2012, un plan de gestion pour le démantèlement des réacteurs 1 à 4 de la centrale de Fukushima Daiichi est adopté. Celui-ci prévoit :
- le début du retrait des assemblages combustibles des piscines de désactivation d’ici 2 ans ;
- le retrait du combustible fondu des cœurs des réacteurs dans un délai de l’ordre de 10 ans ;
- le démantèlement de l’installation dans un délai estimé à 30 à 40 ans.
Renforcement de la sûreté des installations nucléaires
L’accident de Fukushima, comme ceux de Three Mile Island et Tchernobyl dans le passé, relance une réflexion sur les critères de sûreté nucléaire et sur l’organisation des organismes chargés de son contrôle. En Europe, les chefs d’Etat et de gouvernement s’accordent fin mars 2011 sur la mise en place de tests de résistance pour leurs 143 réacteurs en activité. Les critères de ces « stress tests » divisent néanmoins les autorités nationales en charge de la sûreté nucléaire (en France, l’ASN) et la Commission européenne. Un point sensible des débats concerne la prise en compte des agressions de type terroriste dans ces « stress tests ». Ce critère n’est finalement pas été retenu bien qu’il fasse l’objet d’études confidentielles par les exploitants.
L’intégration du risque de catastrophes naturelles fait l’objet d’une attention particulière. Au Japon, les techniques de construction antisismique ont fait preuve d’une résistance remarquable face au tremblement de terre et aucun des 18 réacteurs nucléaires de la côte est de l’île de Honshu n’a été gravement endommagé par le séisme lui-même.
L’AIEA a remis au gouvernement japonais un rapport préliminaire qui note que le risque de tsunami a été sous-estimé tout en qualifiant la réaction du peuple japonais à la catastrophe d’« exemplaire ».
Place de l’énergie nucléaire dans les mix électriques nationaux
Peu après l’accident de Fukushima, l’AIEA réduit par 2 ses prévisions de croissance de l’énergie nucléaire dans le monde. Un an plus tard, outre les décisions allemande, suisse et italienne (pays qui ne possédait pas de parc nucléaire) de se détourner de l’atome, l’industrie nucléaire semble moins affectée que prévu, notamment en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. En 2011, près de 60 pays ont consulté l’AIEA pour lancer des programmes nucléaires.
La place du nucléaire dans le mix électrique du Japon constitue un autre enjeu important dans un pays qui possédait le 3e parc électronucléaire avant l’accident de Fukushima. Le Japon souhaitait même précédemment porter la part du nucléaire dans sa production d’électricité de 30% à 50% d’ici 2030. Début juin 2012, les 50 réacteurs opérationnels du parc nucléaire japonais sont tous à l’arrêt, dans l’attente d’une autorisation d’exploitation des autorités locales.
Après avoir subi la communication déficiente de l’exploitant et des autorités, les Japonais ont supporté une baisse de la capacité électrique en réduisant fortement leur consommation. Les populations vivant dans les villages voisins d’Okuma et de Futaba ont été évacuées, un préalable à la dépressurisation de l’enceinte de confinement des réacteurs nucléaires voisins.
Bilan (d’après étude de l’IRSN)
Malgré le caractère très improbable d’une telle catastrophe naturelle, il est reproché à l’opérateur Tepco et à la NISA d’avoir sous-estimé les risques pesant sur la centrale et de n’avoir pas su gérer de façon appropriée la situation post-accidentelle.
L’accident de Fukushima Daiichi a entraîné des rejets de substances radioactives dans l’atmosphère sous forme de très fines particules radioactives dans l’air (aérosols) et dans la mer. L’IRSN estime à une quinzaine le nombre « d’épisodes de rejets » significatifs, les plus importants ayant lieu entre le 12 et le 17 mars (« éventage » des enceintes de confinement des 3 réacteurs accidentés). A ceux-ci s’ajoutent des rejets continus à un niveau beaucoup plus faible et plus difficile à détecter. Au total, Tepco a estimé, fin mai 2012, les rejets radioactifs dans l'atmosphère provenant de Fukushima Daiichi à près de 900 000 térabecquerels (1012 Bq) en « estimation-INES »(3), soit près de 1/6e de ceux de Tchernobyl. Ces estimations sont toutefois inférieures à celles réalisés par l’IRSN (en particulier, celles des émissions de gaz rares).
Estimations des activités (x 1015 Bq) des principales catégories de radionucléides rejetés lors de l'accident de Fukushima
Le panache radioactif a entraîné des dépôts de substances radioactives au sol, affectant en particulier les légumes à feuilles (salades, épinards, etc.). Des animaux et des produits d’élevage ont été contaminés en raison de l’ingestion de denrées contaminés (fourrages, eau d’abreuvement, etc.).
Les informations actuellement disponibles sur les rejets ne permettent pas de mesurer précisément l’impact sanitaire de Fukushima Daiichi sur la population, les conséquences de l’accident pour les écosystèmes terrestres et marin ainsi que pour l’environnement. Des mesures de radioactivité sont régulièrement effectuées mais il reste à en estimer l’impact sur la santé humaine.
Le bilan humain de la catastrophe naturelle japonaise fait état en mars 2012 de 15 846 morts confirmés et de 3 317 personnes encore portées disparues mais aucun d’entre eux ne serait mort en raison de l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Les risques encourus par la population à moyen terme dépendent de multiples facteurs tels que le lieu de vie, l’activité, l’alimentation, etc.
En mai 2011, l’UNSCEAR (Comité des Nations Unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants) a entrepris la rédaction d’un premier rapport consacré à l’accident de la centrale de Fukushima Daiichi. Celui-ci doit être finalisé d’ici à mai 2013.