L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a publié le 10 janvier un rapport consacré à la politique énergétique de l’Inde(1). Rappels sur ce pays de près de 1,4 milliard d'habitants.
Le charbon roi en Inde
En Inde, le système énergétique repose « largement sur l’usage du charbon pour la production électrique, du pétrole pour les transports et dans l’industrie et de la biomasse pour le chauffage résidentiel et la cuisson », résume l’AIE. C’est en premier lieu et de loin le charbon qui domine le mix indien : ce combustible compte encore pour plus de la moitié de la consommation d’énergie primaire (55,9% en 2018 selon les dernières données disponibles(2)) et pour près des trois quarts de la production d’électricité dans le pays.
L’Inde est par ailleurs le 3e consommateur de pétrole(3) après les États-Unis et la Chine et le 4e raffineur au monde. La consommation de pétrole pourrait « croître plus rapidement en Inde que dans tous les autres grandes économies »(4), estime l’AIE qui appelle à ce titre le gouvernement à faire de l’amélioration de la sécurité énergétique une priorité nationale. Compte tenu de ses réserves limitées en pétrole(5), l’Inde dépend déjà à plus de 80% des importations pour satisfaire ses besoins et cette part est encore amenée à « augmenter significativement dans les prochaines décennies ». L’Inde a déjà augmenté ses investissements à l’international dans des champs au Moyen-Orient et en Afrique, cherche à diversifier ses sources d’approvisionnement et doit accroître ses réserves stratégiques de pétrole (qui s’élèvent aujourd’hui à 40 millions de barils, soit l’équivalent d’un peu plus de 10 jours d’importations nettes du pays).
L’Inde s’est par ailleurs fixé comme objectif d’augmenter la part du gaz dans son mix énergétique à 15% en 2030 (contre environ 6% à l’heure actuelle). Le pays dispose d’ores et déjà de 5 terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL) et pourrait en mettre en service « jusqu’à 11 en plus dans les 7 prochaines années ». L’AIE précise que la place du gaz a progressé dans le secteur résidentiel et dans les transports mais a reculé à des fins de production électrique, avec la concurrence du charbon bon marché et des filières renouvelables.
En ce qui concerne les énergies renouvelables, l’Inde s’est fixé un objectif ambitieux portant sur la puissance installée : 175 GW de capacités renouvelables à l’horizon 2022(6) (le Premier Ministre Shri Narendra Modi a évoqué en septembre 2019 une nouvelle cible de 450 GW de capacités renouvelables). En décembre 2019, l’ensemble des capacités renouvelables connectées au réseau électrique s’élevaient à 84 GW selon l’AIE. Rappelons que ces capacités doivent être ramenées aux facteurs de charge pour connaître in fine la production d’électricité associée.
Précisons enfin que l’Inde dispose d’un parc de 22 réacteurs nucléaires en service (auxquels s’ajoutent 7 réacteurs en cours de construction)(7).
En 2018, plus de 85% de la consommation d’énergie primaire de l’Inde reposait encore sur le charbon et le pétrole. (©Connaissance des Énergies, d’après BP)
Vers un doublement de la consommation d’énergie d’ici à 2040 ?
Sur la base des politiques actuelles, la consommation d’énergie de l’Inde pourrait encore « doubler d’ici à 2040 et sa consommation d’électricité pourrait tripler » à cet horizon selon l’AIE, notamment en raison des besoins accrus de refroidissement (1 milliard d’appareils à air conditionné attendus en 2050). L’Agence rappelle dans son rapport que la consommation d’énergie par habitant en Inde équivaut actuellement à près d’un tiers de la moyenne mondiale(8).
L’AIE souligne que « des progrès impressionnants » ont été réalisés en Inde ces dernières années pour améliorer l’accès à l’électricité et à des moyens de cuisson « propres », deux priorités de l’agenda politique indien. Entre 2000 et 2019, près de 750 millions de nouvelles personnes ont ainsi obtenu un accès à l’électricité dans le pays. Pour lutter contre la pollution de l’air, le gouvernement a soutenu le développement du GPL pour la cuisson, en remplacement de la biomasse traditionnelle. L’Inde a par ailleurs pris « des mesures importantes(9) pour améliorer l’efficacité énergétique, qui ont permis d’éviter une hausse supplémentaire de 15% de la consommation d’énergie et des émissions de 300 millions de tonnes de CO2 par an sur la période 2000-2018 ».
L’AIE recommande à l’Inde de porter une attention particulière à son secteur électrique(10), marqué « par une faible utilisation des centrales à charbon et à gaz et une pénétration croissante des filières renouvelables à production variable ». Dans certains États indiens, la part de ces filières « variables » dans la production d’électricité « est déjà bien supérieure à 15%, un niveau qui nécessite des politiques spécifiques pour assurer leur bonne intégration dans le système électrique ». L’AIE juge que « la création d’un marché de gros de l’électricité compétitif sera vitale pour améliorer » le bon fonctionnement du parc électrique indien, avec des outils de flexibilité (stockage, smart grids, etc.)(11).
Rappelons que l’ONU, dans ses dernières prévisions sur la démographie mondiale, considère que l’Inde pourrait devenir le pays le plus peuplé au monde devant la Chine « autour de 2027 »(12).
Selon l’AIE, l’expérience indienne en matière d’électrification peut servir d’exemple pour les pays d’Afrique. (©Connaissance des Énergies, d’après AIE)