La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a mis en ligne le 29 juin les rapports des quatre groupes de travail ayant incarné la 3e saison de son Comité de prospective. Morceaux choisis.
Groupe de travail « Les énergies marines renouvelables » (EMR)
La France dispose d’un « réel potentiel » pour développer les énergies marines renouvelables (avec notamment le 2e gisement de vent éolien marin en Europe, et la 2e zone économique exclusive(1) la plus étendue après les États-Unis) mais est « restée sur la réserve » en comparaison avec d’autres pays européens, estime le groupe de travail. Parmi les nombreuses filières EMR, seul l’éolien offshore posé est arrivé à maturité industrielle : les autres « présentent encore un niveau de risque dit aggravé, entraînant des coûts de financement plus importants ». S’y ajoutent des obstacles réglementaires et d’acceptabilité(2).
Le groupe de travail appelle la France à adopter des objectifs plus ambitieux pour développer les EMR dans la prochaine PPE (programmation pluriannuelle de l'énergie) de 2023. Il propose les objectifs de développement suivants (qui devraient être assortis d’un débat public national aboutissant à « une planification nationale maritime engageante à horizon 2050 ») :
- éolien en mer : 18 GW de capacités installées en 2035 et 50 GW en 2050 (le potentiel technique exploitable identifié par l’Ademe est de 16 GW pour le posé et de 34 GW pour le flottant) ;
- hydrolien : 0,5 GW en 2030 et 3,5 GW en 2050 ;
- houlomoteur : 100 MW en 2030 et 3,5 GW en 2050 ;
- SWAC/ETM (énergie thermique des mers) : « dupliquer les efforts de recherche dans le domaine de l’ETM en s’appuyant sur l’expérience acquise des SWAC Polynésiens et réviser ainsi les PPE ultra-marines ».
Le groupe de travail recommande par ailleurs de « coupler la question du développement des EMR avec celle de l’hydrogène », en utilisant par exemple les surplus d'électricité d'origine renouvelable ne pouvant être injectés sur les réseaux pour produire de l'hydrogène décarboné(3).
Consulter le rapport du groupe de travail sur les énergies marines
Groupe de travail « Nouvelles villes, nouveaux réseaux »
Le groupe de travail indique s'être « plus particulièrement penché sur l’impact qu’aura la substitution massive d’énergies renouvelables et bas carbone aux fossiles sur les réseaux actuels d’énergie urbains et interurbains ». Ces installations renouvelables seront en bonne partie « produites ou récupérées localement, multipliant ainsi les points d’injection d’énergie dans les réseaux ».
Les éoliennes et parcs solaires nécessiteront d'importantes surfaces : « le besoin d’espace redevient un enjeu, d’où la nécessité du réaménagement des territoires et d’une nécessaire solidarité entre les territoires urbains denses et ruraux »(4).
Le groupe de travail souligne l'importance de la complémentarité des réseaux (électricité, gaz, chaleur), « source d'efficacité énergétique insuffisamment développée » et expose les différents types de couplages possibles entre ces réseaux (tout en soulignant que les réseaux de chaleur sont « insuffisamment mobilisés »).
Consulter le rapport du groupe de travail « Nouvelles villes, nouveaux réseaux »
Groupe de travail « L’aval compteur »
Avec le déploiement des compteurs Linky, d'un nombre croissant d'appareils domestiques connectés et de véhicules électriques rechargés à domicile, le pilotage de la consommation électrique des particuliers constitue « un levier essentiel pour répondre aux tensions sur le système électrique qui apparaitraient progressivement d'ici 2035 ».
L'émergence d'un signal prix à travers des tarifications dynamiques(5) de l'électricité est jugé nécessaire pour inciter ou désinciter des comportements de consommation (« consommer davantage lorsque les prix sont faibles, consommer moins lorsqu’ils sont élevés »). Ainsi, le groupe de travail propose entre autres « que le tarif réglementé de l'électricité soit saisonnalisé, par exemple à l'horizon de 2024(6) ».
Ces tarifications dynamiques étant susceptibles d'avoir un impact significatif sur les factures d'électricité, il faudra accompagner les consommateurs dans la maîtrise de leurs consommations, en renforçant les exigences de rénovation des logements tout en accordant une attention particulière aux plus précaires (avec une adaptation du chèque énergie(7)).
Le groupe de travail recommande également d'apporter de façon transitoire « un soutien financier public de la capacité d'effacement diffus » pour faciliter le développement d'offres de service de pilotage d'ici à 2035.
Consulter le rapport du groupe de travail « L'aval compteur »
Groupe de travail « Le vecteur hydrogène »
S'il s'est imposé ces derniers mois comme la « nouvelle coqueluche de la transition énergétique » (selon les termes du président de la CRE Jean-François Carenco), l'hydrogène est une « source d'espoirs depuis deux siècles ». Près de 95% de cet hydrogène est actuellement dit « gris », c'est-à-dire produit à partir du gaz ou du charbon. Une production dite « verte » (à partir d'électricité décarbonée) est envisagée à grande échelle au niveau européen mais elle est aujourd'hui très coûteuse (entre 4,5 et 6 €/kg en 2020, contre 1 à 2,5 €/kg pour l’hydrogène gris(8) et 2,5 à 4,5 €/kg pour l’hydrogène « bleu » produit à partir d’énergie fossile mais avec captage du CO2).
Pour être compétitif avec l’hydrogène gris, l’hydrogène vert devrait voir son coût de production approximativement divisé par deux d’ici à 2030 selon le groupe de travail, avec pour hypothèse un prix de la tonne de CO2 à 100 € à cet horizon. Cette évolution n’est atteinte « que dans les scénarios les plus optimistes », indique le groupe de travail, compte tenu de la hausse du prix de l’électricité attendue(9).
Appelant à « adopter une approche de neutralité technologique », le groupe de travail envisage un recours accru à l’hydrogène bleu « pour atteindre rapidement les coûts de production les plus bas et minimiser le coût du soutien public ». Il laisse la porte ouverte à la contribution à l’horizon 2030 de « technologies de rupture – telle l’électrolyse à haute température – à la condition de poursuivre les efforts de recherche et développement ».
Par ailleurs, le groupe de travail préconise entre autres de « concentrer les aides publiques sur les usages les plus mûrs : la substitution à l’hydrogène gris actuellement consommé dans l’industrie, puis les transports lourds, dans une perspective de création d’une filière industrielle ».
Consulter le rapport du groupe de travail « Le vecteur hydrogène »